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Actualités - OPINION

La modération, choix d’avenir Nabil H. MALLAT

Dans la foulée des évènements tragiques qui atteignent le Liban dans sa raison d’être, à savoir la rencontre des religions et des civilisations, il revient à la classe politique libanaise, toutes tendances confondues, de restaurer la volonté des libanais de vivre ensemble et d’assurer à tous les citoyens les éléments de base du renouveau national. Cette base, dénominateur commun national, doit avant tout être une zone d’accalmie au cœur de la tourmente régionale et internationale, et cette accalmie ne saurait voir le jour sans un engagement collectif de placer l’intérêt national, notion rattachée principalement à la raison et non à la passion, au-dessus des préférences régionales ou internationales. Dans la situation présente, une notion d’intérêt national fondée sur la raison revient à analyser tous les évènements locaux, régionaux et internationaux pour aboutir à une conclusion raisonnable. À l’inverse, fondé sur la passion, l’intérêt national consisterait à n’analyser que certains évènements choisis pour aboutir à un résultat prédéterminé. Or, l’analyse de tous les évènements conduit à conclure que le Moyen-Orient connaîtra longtemps encore à une période de crise. Dès lors, le Liban doit opter, plus que jamais, pour une politique de calme. En fait, il ne s’agit surtout pas de savoir qui a raison et qui a tort. Il faut sauver un pays fragile impliqué dans une situation régionale quasi inextricable. En d’autres termes, la provocation doit cesser et il appartient à ceux qui préfèrent la pratique concrète à la théorie inutile de dire vers où se dirige un pays dont une grande partie de la population, suivant les directives de ses représentants, accuse une autre grande partie de la population de trahison, et vice versa. Plus encore, il appartient à cette même classe de praticiens de dire si le débat du qui a tort et du qui a raison est utile ou pas. Le considérant inutile, je l’écarte. Mais la politique de calme qui doit être pratiquée par la classe politique se heurte à un autre grand écueil : la conviction de tous les dirigeants que la victoire est au tournant et qu’il suffit d’un dernier « forcing » pour la saisir. À vrai dire, cet écueil est en partie la cause d’une bonne partie des problèmes du Liban depuis son indépendance. Il dénature complètement la réalité libanaise et est, par conséquent, passionnel. Sans aborder le fond de ce « forcing » qui pousse les Libanais à la « bougeotte politique », cette sensation qu’il faut toujours faire quelque chose en oubliant qu’une bonne partie de l’action politique consiste justement parfois à ne rien faire, la conclusion est nécessairement la suivante : personne ne gagnera ! En fait, le concept même d’une partie qui gagne et d’une autre qui perd est bien plus terrifiant que notre réalité quotidienne d’équilibre instable, d’autant plus qu’une victoire sur des compatriotes n’est certainement pas une victoire à inscrire dans les annales des grandes batailles ; en vérité, pareille victoire serait moralement indéfendable. Si les politiciens optent, au niveau stratégique, pour le calme, ils devront nécessairement rouvrir ou maintenir le dialogue avec les opposants et opter pour des choix modérés au sein de leurs partis respectifs. Dire que le dialogue est pratiquement impossible n’est qu’une excuse théorique assortie d’une pâle couleur pratique. En fait, il est peut-être vrai de dire que rien ne rapproche les parties sur le plan théorique. Mais de là à affirmer que le dialogue est pratiquement impossible relève d’un comportement inspiré presque par l’intolérance et fondé sur une décision délibérée de ne pas dialoguer. Ces prises de position des différentes parties libanaises sont inexcusables et il est tout autant inexcusable de ne se mettre d’accord sur aucun des thèmes abordés. C’est dans ce cadre que l’élite libanaise est appelée à jouer pleinement son rôle. C’est à cette élite, fleuron de la société arabe contemporaine, qu’il incombe aujourd’hui de faire du Liban un pays pour tous les Libanais. Il revient à cette même élite d’être le fer de lance de la modération. Mais pour ce faire, il convient avant tout de définir cette élite. L’élite n’est pas une claque passionnée qui applaudit à tous les actes et aux paroles de telle partie ou de telle autre. Ensuite, l’élite n’est pas un groupe de personnes qui approuvent tout ce que disent les uns du seul fait qu’ils soient contre les autres. Enfin, la raison interdit à une élite d’être « à cent pour cent » pour ou contre telle ou telle autre partie. Le « cent pour cent », nous le connaissons tous trop bien pour savoir qu’il ne fait que rendre les hommes malheureux et assujettis. Cette élite doit être porteuse d’un message simple et complexe à la fois et qui pourrait se résumer en un seul mot : modération. Concept sans lequel la liberté ne relèverait que du discours purement démagogique. Dans le monde d’aujourd’hui, être modéré, c’est avoir fait, avant tout, un choix de civilisation pour la civilisation. Par conséquent, il est impossible d’être modéré dans sa vie publique si on ne l’est pas dans sa vie privée. En conclusion, et dans un souci de pur réalisme et d’objectivité, il devient clair que les difficultés politiques quotidiennes et les prises de position fermes ne servent et ne serviront pratiquement à rien, sauf peut-être à réduire la confiance des Libanais dans leur pays au point d’être poussés à le quitter par besoin ou, pire, par dégoût et dans des circonstances excessives. De plus, le dialogue est la seule solution possible au problème libanais, et il importe, conditionné ou pas, qu’il aboutisse nécessairement à un résultat quelles que soient les circonstances. Enfin, l’élite doit être plus engagée, non pas à défendre une partie, mais plutôt à défendre le Liban et à le conduire à bon port, celui de la modération et du pluralisme. Il est vrai que la situation régionale et même internationale pourrait surprendre le Liban, mais c’est par leur action et la rapidité de leur réaction conformément aux trois conclusions que nous venons d’énoncer que les Libanais pourront se prémunir le mieux contre les tragédies des temps modernes. Nabil H. MALLAT Avocat Article paru le Vendredi 29 Juin 2007
Dans la foulée des évènements tragiques qui atteignent le Liban dans sa raison d’être, à savoir la rencontre des religions et des civilisations, il revient à la classe politique libanaise, toutes tendances confondues, de restaurer la volonté des libanais de vivre ensemble et d’assurer à tous les citoyens les éléments de base du renouveau national.
Cette base, dénominateur commun...