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Actualités - CHRONOLOGIE

Le chef du Bloc du futur à la tête du cortège funèbre Beyrouth enterre dans la colère Walid et Khaled Eido Patricia KHODER

C’est dans la colère que Beyrouth a enterré hier le député Walid Eido, son fils Khaled et son garde du corps, Saïd Chouman. Les funérailles ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, venues de divers quartiers de Beyrouth-Ouest, rendre un dernier hommage à un homme connu pour son franc-parler contre la Syrie. La foule a également acclamé le chef du Bloc du futur, Saad Hariri, qui était avec le chef du PSP à la tête du cortège funèbre. C’est pour la première fois depuis l’assassinat de son père, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, que le chef du Bloc du futur se prête à un bain de foule dans les rues de Beyrouth, les autres ayant eu lieu sous haute protection, place des Martyrs, lors de divers événements. Dans son discours, M. Hariri a promis que « les criminels seront traînés, sous le coup de l’humiliation, en prison ». De son côté, le mufti de la République, Mohammad Rachid Kabbani, a indiqué dans son message que « ces trois martyrs sont le résultat de la politique pratiquée dans la rue ». Dès le matin hier, Beyrouth s’est préparée à vivre sa journée de deuil et de colère. Les magasins de la capitale sont restés fermés et des portraits de Walid Eido et de son fils Khaled, où l’on pouvait lire « La justice pour Walid Eido » ou « Vous êtes dans nos cœurs », ont été collés sur les murs des quartiers que devait traverser le cortège funèbre. Vers dix heures, une petite foule attendait devant le domicile du député de Beyrouth, à Verdun. « Il était mon voisin. Je le croisais souvent. Nous n’étions pas amis, mais Walid Eido a mon âge. Il est beyrouthin comme moi. Sunnite aussi », raconte un homme sur la chaussée. Il tient à marcher derrière le cortège funèbre comme si on effectuait un devoir national. Un peu plus loin, un ami de Khaled Eido, Ragheb, raconte : « Walid Eido était comme un père pour moi. Il avait la capacité d’écouter les autres, de les aider à résoudre leurs problèmes. Il n’hésitait pas à rendre service s’il le pouvait, même avant qu’il ne devienne député. » Ragheb était le voisin des Eido jusqu’en 2001, quand la famille du député, composée de Aïda son épouse, Khaled son fils qui a péri avec lui et qui était âgé de 36 ans, Zaher, 33 ans, et Mazen, 30 ans, a déménagé de Ras el-Nabeh pour Verdun. C’est vers 11 heures que les ambulances transportant les dépouilles mortelles arrivent de l’AUB jusqu’au domicile des Eido. La petite foule présente crie sa colère : « Beyrouth, nous voulons nous venger de Lahoud et de Bachar », « Bouge, bouge Beyrouth, le sang des sunnites ne meurt pas ». Des femmes pleurent, crient leur colère. On récite la fatiha et puis on conspue le Hezbollah, son leader Hassan Nasrallah, le chef du CPL, Michel Aoun, et encore les présidents libanais et syrien, Émile Lahoud et Bachar el-Assad. Liquider Sous une pluie de riz et de pétales de fleurs, le cortège funèbre avance dans les rues de Beyrouth. La foule grossit au fur et à mesure que la procession progresse. Verdun, Tallet el-Khayat, Corniche Mazraa. À l’ombre, devant une ruelle menant à Wata al-Mousseitbé, une petite famille, composée d’un homme, une fillette et une femme portant autour du cou le foulard blanc du deuil, attend le passage du cortège : Samira Ghandour a perdu son fils Ziad, âgé de 12 ans, le 25 avril dernier. Il avait été enlevé, assassiné, et retrouvé dans un terrain vague. « Walid Eido a marché derrière la dépouille mortelle de mon fils. C’est la moindre des choses que je sois là aujourd’hui. Nous faisons tous partie du même camp, celui du 14 Mars. Ils sont en train de nous liquider les uns après les autres. » Au niveau de Bourj Abi Haïdar, un jeune homme brandit un immense drapeau qu’il avait confectionné lui-même en 2005. Il regroupe des drapeaux libanais, ceux des Kataëb, des FL, du PSP et du Courant du futur. « Le Liban, le vrai, c’est ça », s’exclame-t-il. C’est au niveau de Tarik Jdidé que la foule devient très dense. Ici on crie sa rage à pleins poumons, on sèche ses larmes et on lance du riz au passage de Saad Hariri. Des hommes et des femmes lancent à qui veut les entendre : « Il faut fermer les frontières avec la Syrie. C’est le seul moyen de nous protéger », « que la Syrie montre qu’elle n’est pas impliquée dans tous ces attentats en tuant l’un de ses alliés au Liban », « il est temps qu’on crie la vérité sur tous les toits : nous ne voulons plus vivre avec la communauté iranienne du Liban ». Ahmad, la soixantaine, raconte : « J’ai été nassérien, nationaliste arabe durant toute ma jeunesse. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai fait une grave erreur. Je suis désormais un nationaliste libanais. Si les Arabes voulaient notre bien, ils nous protégeraient contre les Syriens qui sont pires que les Israéliens. » Fatima sanglote : « Depuis toujours, le Liban a été un pays pluraliste. Nous avons vécu côte à côte, toutes les communautés ensemble. Tout a changé maintenant. Pourquoi ils nous veulent tant de mal ? » Mais Fatima sèche vite ses larmes, le cortège avec ses sirènes hurlantes et son haut-parleur diffusant des versets coraniques vient de passer. Le chef du Bloc du futur, entouré de plusieurs députés et anciens députés, le suit à pied. Comme d’autres personnes dans la rue, elle court vers le cortège. D’autres hissent leurs enfants sur leurs épaules. Des balcons de leurs appartements, les habitants de Tarik Jdidé lancent des poignées de riz. Tout le monde applaudit, sautille, crie, hurle : « Saad, Saad, Saad », « Abou Baha' », « Allah, Hariri, Tarik Jdidé ». La foule est en transe. Deux corps à identifier Saad Hariri marche lentement. C’est avec un regard déterminé et plein de défi qu’il regarde autour de lui. Il salue la foule, avance jusqu’à la mosquée Khachoukji. Le long du chemin emprunté par le cortège, des militaires en armes sont postés sur les toits des immeubles. Devant la mosquée Khachoukji, les cercueils enveloppés du drapeau libanais sont sortis par la foule et portés à bout de bras. On récite la prière des morts. Le mufti Kabbani, le chef du Bloc du futur et le député Mohammad Kabbani prononcent des discours. La prière finie, la foule scande encore des slogans contre le Hezbollah et le régime syrien. Des hommes portent les cercueils jusqu’au cimetière. Les restes des corps enveloppés dans des linceuls blancs sont mis en terre. Un homme perd connaissance. Ici encore, tout en priant, on conspue la Syrie et l’on appelle à la vengeance en chuchotant comme si on murmurait un vœu à exaucer. Bilal est un parent à Saïd Chouman, le garde du corps de Walid Eido, enterré dans ce même cimetière de Kaskas. Saïd, 20 ans, est originaire de Tarik Jdidé. Il avait rejoint les rangs des FSI le 2 octobre dernier. Bilal sèche ses larmes. « Je n’ai jamais porté des cercueils aussi légers. Quand on a sorti les linceuls, on a vu qu’il y avait des éponges au-dessous des corps, ou de ce qui en restait… », indique-t-il. Huit personnes ont péri dans l’attentat de mercredi. Jusqu’à hier soir, deux corps restaient non identifiés dans la morgue de l’hôpital américain. On attendait toujours le résultat des analyses ADN pour rendre publics les noms des victimes.
C’est dans la colère que Beyrouth a enterré hier le député Walid Eido, son fils Khaled et son garde du corps, Saïd Chouman. Les funérailles ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, venues de divers quartiers de Beyrouth-Ouest, rendre un dernier hommage à un homme connu pour son franc-parler contre la Syrie. La foule a également acclamé le chef du Bloc du futur, Saad Hariri, qui...