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Une centaine de femmes meurent chaque année des suites de complications lors d’opérations clandestines Le Mozambique veut légaliser l’avortement pour sauver des vies

«Ma fille avait à peine 15 ans et je l’ai définitivement perdue », raconte Laurinda Chirindza, en pleurant cette adolescente morte en 2006 à l’hôpital de Maputo, après un avortement clandestin. Une centaine de femmes meurent chaque année au Mozambique à la suite d’un avortement. « Beaucoup d’autres en gardent de graves séquelles », indique un rapport du ministère de la Santé. L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est rigoureusement interdite dans ce pays par une loi de 1981, qui ne prévoit aucune exception et que le gouvernement souhaite modifier. « Le ministère de la Justice, en coordination avec le ministère de la Santé, prépare la révision de la loi sur l’avortement allant vers la dépénalisation. Elle devrait être soumise à l’Assemblée nationale dans les mois à venir », a annoncé la ministre de la Justice, Esperança Machavela, début mai. Le sujet est largement débattu dans les médias et lors de réunions publiques. « Vous me demandez si je suis pour ou contre la dépénalisation de l’avortement? Ma réponse est oui, mille fois oui », lance Mme Chirindza, 43 ans, qui fait des ménages et vit dans un bidonville. Elle essuie ses larmes, raconte : « Ma fille est tombée enceinte d’un garçon à peine plus âgé qu’elle. J’ai tout de suite décidé de la faire avorter. Je ne voulais pas qu’elle ait la même vie que moi. Moi aussi, je suis tombée enceinte très jeune, à 14 ans, et j’ai dû abandonner mes études. » « Des proches m’ont parlé d’une infirmière qui fait ça chez elle. Nous avons convenu du prix, 650 meticais (22 EUR/30 USD), puis y sommes retournées deux jours plus tard. » Mais, après avoir pris les comprimés abortifs remis par l’infirmière, l’adolescente s’est mise à vomir, à trembler. « Comme son cas s’aggravait, j’ai insisté pour qu’on l’emmène aux urgences de l’hôpital central. On a eu du mal à trouver une voiture. Quand nous sommes arrivées, c’était trop tard. Ma fille était morte. » Selon le ministère, 30 % des femmes admises dans cet hôpital à la suite d’un avortement clandestin meurent. L’Église catholique est contre la légalisation. Lors d’une réunion, l’archevêque de Maputo, Mgr Francisco Chimoio, a estimé que « l’on ne doit pas voter une loi qui autorise l’avortement », affirmant que « les femmes qui avortent culpabilisent et vivent toute leur vie dans la crainte de la punition divine ». « Nous devons suivre la voie tracée par le Portugal, en dépénalisant l’avortement », a au contraire déclaré Graça Sand, responsable du Forum Mulher, association d’aide aux femmes démunies, en référence à l’ancienne puissance coloniale qui a approuvé la légalisation de l’IVG par référendum en février. Selon le ministère, 58 % de femmes qui avortent clandestinement le font chez elles, avec ou sans l’aide d’une personne qualifiée. Rosa Mateus, 23 ans, serveuse dans un restaurant, a survécu, mais ne pourra « jamais avoir d’autres enfants ». « Je suis tombée enceinte à un moment où mon couple battait de l’aile (...) Des copines m’ont conseillée d’aller voir un pharmacien qui m’a donné des comprimés. Mais, quand j’ai pris ces trucs-là, j’ai commencé à me sentir très, très mal. » « La loi est hypocrite », s’indigne Rogério Sitoi, médecin d’une clinique privée. Avec 54 % de la population vivant avec moins de deux dollars par jour, « ce sont les femmes pauvres qui souffrent, obligées de se faire avorter par des apprentis sorciers, dans des conditions dangereuses », dénoncent-ils.

«Ma fille avait à peine 15 ans et je l’ai définitivement perdue », raconte Laurinda Chirindza, en pleurant cette adolescente morte en 2006 à l’hôpital de Maputo, après un avortement clandestin.
Une centaine de femmes meurent chaque année au Mozambique à la suite d’un avortement. « Beaucoup d’autres en gardent de graves séquelles », indique un rapport du ministère de la...