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Actualités - OPINION

Commentaire Sarkozy président de France Par Michel Rocard*

La France a choisi, et de manière très nette. Le prochain président de la République française sera Nicolas Sarkozy, élu par 53,1 % des voix, avec un taux de participation record de 84,8 %. On n’avait pas vu une telle participation depuis 1981. Ce scrutin est particulièrement riche d’enseignements. Le premier est que ce pays, que l’on disait apathique en voie de dépolitisation, qui depuis vingt ans cumulait l’augmentation du nombre de gens qui ne s’inscrivaient pas sur les listes électorales, avec, chez les inscrits, l’augmentation régulière de l’abstention et chez ceux qui votaient l’augmentation régulière du vote pour des forces d’extrême droite ou d’extrême gauche non susceptibles de gouvernement, vient de corriger tout cela en deux tours de scrutin. La France se repolitise, bat un record européen de participation. Son nouveau président aura une légitimité inhabituelle et forte. Le deuxième enseignement, tout aussi positif, est l’affaiblissement considérable du vote extrémiste. Le parti fascisant est ramené de 18 % à 10 %, c’est une stabilisation démocratique importante. Et l’ultragauche, qui disposait de six candidats, se trouve politiquement liquidée. Seul un trotskyste dépasse 4 %, tous les autres ont moins de 2 %. Le Parti communiste français, qui fut stabilisé à 20 % pendant plus de trente ans, est tombé à moins de 2 %. C’est la fin d’une aventure qui n’a guère été utile à la France. Le troisième enseignement est l’émergence d’un vote centriste cherchant à se distinguer, voire à se séparer de la droite, et porteur d’une incontestable dimension critique. C’est un événement. Son courageux candidat François Bayrou a réussi à tripler les voix qu’il avait déjà eues en 2002, passant de 6 à plus de 17 %. Mais ce score n’a pas suffi à le placer en position pour le second tour. Il était trop tôt, culturellement, pour qu’une alliance puisse se nouer entre lui-même et la candidate socialiste Ségolène Royal. J’en avais fait la proposition, mais elle ne fut pas réellement examinée. L’absence d’un désistement systématique entre ces deux candidats explique largement la défaite finale. Mais cela se comprend. Le Parti socialiste n’a, du fait de son histoire, aucune habitude des gouvernements de coalition, et pas non plus celle de chercher des alliés sur sa droite. Cette issue s’imposera un jour, mais il faudra du temps. Le quatrième enseignement découle de la personne du vainqueur. Monsieur Nicolas Sarkozy est un ultralibéral classique. Très franco-français d’éducation – il ne parle guère l’anglais –, il n’est pourtant ni jacobin ni gaulliste. La tradition gaulliste s’éteint avec lui, et c’est un événement. Sarkozy a rendu public son désaccord avec le président Chirac sur le refus français de la guerre américaine en Irak. Le président George W. Bush, qui fut le premier à le féliciter, a un nouvel allié en Europe. Il croit à l’optimalité de l’équilibre des marchés et sera donc économiquement peu interventionniste. Il contribuera puissamment à une réconciliation de la droite française avec le vrai conservatisme international actuel. Le cinquième enseignement est peut-être le plus grave pour l’avenir long. La gauche française subit, à travers le Parti socialiste, son troisième échec de suite aux élections présidentielles. Or, devant l’usure du pouvoir de droite et le caractère peu attirant de la personne de Nicolas Sarkozy, il y avait, comme on dit en français, « un boulevard ». Cette élection pouvait être gagnée. Ce ratage a de multiples causes. La principale me paraît être l’absence de stratégie claire du Parti socialiste en France. Ce parti récuse toujours les choix progressifs, la démarche pas à pas acceptée par la sociale-démocratie internationale, aujourd’hui incarnée par le Parti des socialistes européens. Cette démarche est réformiste et s’accompagne d’étape en étape, si nécessaire, de gouvernements de coalition. Elle assume complètement l’internationalisation de l’économie de marché. À raison d’une histoire violente et perturbée, de la longue domination intellectuelle du Parti communiste en France et de la fascination qui en a résulté, le Parti socialiste de France reste très étatiste, très nationalo-centré et très réticent à toute coalition sur sa droite. Ces caractéristiques sont aujourd’hui un empêchement à gouverner et à présenter aux électeurs une stratégie convaincante. Le discours programmatique a donc été incertain, et très indifférent au contexte européen et international. Les électeurs ne l’ont pas jugé crédible. Cette leçon est si évidente que le Parti socialiste de France est aujourd’hui devant un choix très clair. Ou il modernise complètement son programme en se rapprochant de la sociale-démocratie internationale, ou il est assuré d’un long et lent déclin. La seule chose certaine est que le débat va s’ouvrir et qu’il sera fracassant. Mais l’issue est imprévisible. *Michel Rocard, ancien Premier ministre français et dirigeant du Parti socialiste, est membre du Parlement européen. ©Project Syndicate 2007.
La France a choisi, et de manière très nette. Le prochain président de la République française sera Nicolas Sarkozy, élu par 53,1 % des voix, avec un taux de participation record de 84,8 %. On n’avait pas vu une telle participation depuis 1981.
Ce scrutin est particulièrement riche d’enseignements.
Le premier est que ce pays, que l’on disait apathique en voie de...