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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - Toiles, dessins et objets personnels de l’artiste jusqu’au 27 avril à la LAU Mustapha Farroukh: l’univers d’un homme épris d’art et de sincérité

À l’occasion de la cinquantième commémoration du décès de Mustapha Farroukh, l’Institut libanais du patrimoine et la faculté des beaux-arts de la LAU rendent hommage à celui qui fût l’un des chefs de file de la seconde génération de peintres libanais, en organisant – en collaboration avec Hani Farroukh, le fils de l’artiste – une exposition d’une sélection de ses œuvres, accompagnée d’une présentation sous vitrines de ses objets et papiers personnels. L’exposition, qui se tient jusqu’au 27 avril à la LAU (bâtiment al-Safadi, campus des beaux-arts, Koraytem), a été inaugurée hier par un colloque au cours duquel les poètes Henri Zgheib et Joseph Abi-Daher, la journaliste May Menassa, la critique d’art Maha Sultan et l’artiste Elsa Ghossoub ont décortiqué les différentes facettes de l’œuvre de Farroukh. À savoir: son art du portrait, son impressionnisme, ses peintures rurales ainsi que les thèmes historiques dans son œuvre. Par ailleurs, un catalogue conçu par Zeinat Bitar (membre de l’Institut libanais du patrimoine) sera distribué aux visiteurs tout au long de l’exposition. Né à Beyrouth en 1901, à Basta Tahta, au sein d’une famille qui n’a aucun lien avec l’art, Mustapha Farroukh montre dès son jeune âge une étonnante prédisposition au dessin. À six ans, son talent attire déjà l’attention de son professeur, cheikh Mustapha Ghalayini, qui va l’encourager à continuer à dessiner en dépit des dissuasions d’un autre cheikh qui lui avait interdit le dessin, et notamment la représentation de figures humaines, sous peine d’être frappé d’anathème. À quinze ans, il fait la connaissance du grand portraitiste Habib Srour et devient son élève. Il fréquentera son atelier pendant huit ans avant de s’envoler pour l’Italie poursuivre sa formation à l’Académie royale des beau-arts de Rome. Il passera également deux ans à Paris, où il fréquentera les ateliers de Paul Chabas et de Forain. Il fut avec César Gemayel et Omar Onsi l’un des grands maîtres de la deuxième génération de peintres libanais, qui succèdent aux pionniers (Corm, Srour, Douaihy) et dont l’œuvre s’enracine dans leur milieu authentique. Ces artistes vont surtout se consacrer à peindre les figures et les paysages typiques du pays du Cèdre, tout en se singularisant chacun dans un genre (le nu pour Gemayel, les gazelles chez Onsi, etc.). La particularité de Farroukh: une peinture «amoureuse» du paysage libanais, une touche plus classique et une maîtrise absolue du dessin. Maîtrise qui apparaît de manière évidente dans les séries de dessins à l’encre de Chine: une cinquantaine de croquis inédits, que son fils a tirés de ses carnets de voyage pour les montrer, au cours de cette exposition, pour la première fois au public. Regard ironique Par traits fins et vifs, tout en simplicité, sobriété et fluidité, Farroukh avait retranscrit, lors de ses voyages européens – il visita, outre l’Italie et la France, l’Angleterre et l’Andalousie –, des «caractères» (faces et profils de personnages typiques), des paysages urbains et architecturaux, des sites historiques et des scènes de genre, dévoilant à travers ces croquis un regard à la fois minutieux et espiègle, ironique. Une ironie que l’on retrouve d’ailleurs souvent dans les portraits de Farroukh. Ses autoportraits en particulier. Comme cette huile qui le représente dans toute la vigueur de sa jeunesse, regard frondeur et ébauche de sourire narquois, ou cette autre des derniers mois de la vie, en 1956 – lorsque, atteint de leucémie, il se savait condamné –, où l’angoisse, exprimée par le regard, ainsi que par le tourbillon de touches qui encerclent la tête, est contrebalancée par le sourire railleur. «La dévoilée» Ce même sourire de défi, il le place encore sur les lèvres de La dévoilée. Le portrait à l’ombrelle (donc à l’occidentale) d’une dame d’une grande famille de Ras-Beyrouth, qui fût la première à oser poser en 1929 sans son voile. Une provocation pour la société de l’époque que Farroukh exprime aussi à travers l’étincelle qui allume le regard de la belle rebelle. Parmi les tableaux exposés – une majorité tirée du fonds de l’artiste ainsi que des toiles prêtées par des collectionneurs privés –, figurent les célèbres Jabal Kassioum (1934) et De ma fenêtre (ou la neige à Beyrouth en 1950), deux pièces maîtresses «dont il n’a jamais voulu se séparer», signale Hani Farroukh. Ou encore, une vue de Dora, à la végétation foisonnante, au début du siècle dernier. Mais il y a aussi, outre les portraits familiaux, à l’huile, dont ceux de la mère et de l’épouse du peintre, une magnifique tête de bédouin-berger, à l’aquarelle et au crayon, au regard d’une droiture intense. Une pièce que l’artiste, épris de sincérité, avait baptisé La franchise. Portraits révélateurs «Dans le portrait, il aimait faire ressortir la personnalité du personnage et dévoiler ce que celui-ci tente de cacher, alors que ses peintures de paysages étaient celles d’un Liban rêvé. Des paysages poétiques, exempts de tout personnage pour ne pas briser l’harmonie de la nature», indique encore son fils. Lequel souligne aussi que paradoxalement, c’est durant les années de maladie que Farroukh a peint, d’une touche épurée, ses paysages les plus verdoyants et les plus ensoleillés, «comme si la perspective de la fin prochaine l’avait libéré de tous les carcans». De ces symphonies verdoyantes aux figures aimées, en passant par les représentations nimbées de nostalgie des maisons rurales, les scènes de vie occidentales (Russel Square à Londres, discussion dans un café parisien, les carabiniers et les dames en mantilles en Espagne, etc.), ou encore quelques bouquets et natures mortes classiques... Toute une époque déploie ses couleurs, ses figures, ses pratiques et ses usages à travers cet accrochage. Qui, ponctué de papiers, de livres et d’objets personnels, comme la palette, les pinceaux, l’écharpe que l’artiste mettait pour peindre ou encore les bougeoirs, vases et encensoirs qu’il donnait à ses élèves comme modèles à reproduire, raconte, avec une pointe de mélancolie, l’univers d’un «dessinateur» dans l’âme. Un homme qui, partout où il allait, ne s’est jamais départi de son crayon et de son carnet de croquis. Et qui fût l’un des premiers peintres arabes à figurer dans le Bénézit des artistes en 1950. À (re)découvrir absolument! Zéna ZALZAL

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