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Actualités - interview

P-O - « L’Europe n’est pas qu’un budget », souligne le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité commune Solana à « L’Orient-Le Jour » : « Les paramètres de la paix sont connus, il revient aux acteurs de les mettre en œuvre »

Depuis la formation du gouvernement d’union palestinien, l’Union européenne cherche à encourager le nouveau cabinet sans pour autant remettre en cause son boycott du Hamas, qu’elle considère comme une organisation terroriste en raison de son rejet des trois conditions fixées par le quartette : abandon de la violence, reconnaissance de l’État hébreu, acceptation des accords israélo-palestiniens passés. Face à cette situation, plusieurs pays européens ont choisi de ne coopérer qu’avec les ministres palestiniens non issus du Hamas. Ainsi, la semaine dernière, pour la première fois depuis la victoire électorale du Hamas en janvier 2006, Paris a reçu le ministre des Affaires étrangères, Ziad Abou Amr, et Rome a accueilli le ministre de l’Information, Moustapha Barghouthi, deux politiciens indépendants. Dans une entrevue accordée à « L’Orient-Le Jour », le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité commune, Javier Solana, explique la nature des relations entre l’Europe et le nouveau gouvernement palestinien ainsi que le rôle politique auquel l’UE aspire dans la région pour relancer le processus de paix. «L’UE n’a aucune hostilité de principe à l’égard du nouveau gouvernement d’Ismaïl Haniyeh », assure M. Solana. « Les dirigeants européens ont fait valoir qu’ils accueillaient favorablement la formation du nouveau cabinet et l’UE est prête à coopérer avec tout gouvernement légitime qui adopterait une plate-forme reflétant les principes du quartette. Pour cette raison, elle examinera soigneusement les actions du nouveau gouvernement et de ses ministres », souligne-t-il. À la question de savoir si la politique de l’UE envers le nouveau gouvernement ne risquait pas de l’affaiblir, M. Solana affirme que « les Européens sont convaincus du contraire ». « Un gouvernement qui accepte les règles de la communauté internationale ne peut que recevoir l’appui de tous et en tirera une crédibilité et un soutien renforcés », insiste-t-il. Lors de sa visite en France, le ministre Abou Amr a toutefois déclaré que le gouvernement palestinien refuse « toute discrimination » entre ses membres. Selon lui, le nouveau cabinet a un programme qui n’est pas celui du Hamas ni celui du Fateh. La visite du ministre Abou Amr visait notamment à relancer le processus d’aide financière de l’UE, premier bailleur de fonds des Palestiniens, tel qu’il était défini avant l’arrivée du Hamas au pouvoir. « Sans les Européens, l’Autorité palestinienne n’aurait pu survivre », avait déclaré M. Abou Amr, tout en soulignant que le gouvernement palestinien souhaite un « soutien politique et financier » de l’UE. Réunis à Brême le 31 mars, les 27 ont affirmé maintenir un sentiment d’espoir et ont commencé à voir comment faire évoluer le mécanisme mis en place en juin 2006, par lequel ils aident les Palestiniens les plus démunis, en contournant le gouvernement. « L’Union européenne poursuivra son assistance aux Palestiniens, comme elle continue de demander que les recettes des impôts et des douanes palestiniens qui sont retenues par Israël soient débloquées, indique M. Solana. Mais l’Europe n’est pas qu’un budget. Elle se veut aussi une “Europe politique”. C’est une adepte du “soft power” qui s’est dotée au fil du temps d’une “boîte à outils” qui rend sa politique extérieure de plus en plus efficace », assure-t-il. « Il n’est pas inutile de rappeler que les Européens ont longtemps défendu les principes d’autodétermination du peuple palestinien. Tout le monde, y compris Israël, est convaincu que l’État palestinien est une solution et un objectif. Les Européens le disent depuis des décennies », insiste le haut représentant. Les appels pour une plus grande implication politique de l’UE au Proche-Orient se sont d’ailleurs multipliés ces derniers jours. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’est ainsi dit prêt à un contrôle plus important de l’UE sur le processus de paix au Proche-Orient. Le Premier ministre israélien Ehud Olmert, de son côté, s’est dit disposé à accepter la présence d’un observateur européen lors des rendez-vous réguliers avec le président palestinien. Certains responsables palestiniens, dont le ministre Abou Amr, ont toutefois noté que les Européens sont divisés sur la politique à l’égard du nouveau cabinet. Alors que certains pays de l’UE demandent la reconnaissance de l’État d’Israël, d’autres veulent la fin de la violence et la libération du soldat israélien, Gilad Shalit, détenu depuis juin par des groupes palestiniens. En réponse à ces déclarations, M. Solana explique que même si « les Européens font parfois entendre des voix distinctes, après discussion, ils se retrouvent autour d’un consensus durable ». Selon lui, il n’y a pas de réelle différence entre la demande de reconnaître l’État d’Israël et celle de cesser les violences. « Vouloir l’un, c’est vouloir l’autre, à la condition que l’on accepte le principe des deux États frontaliers vivant en paix et en sécurité, ce qui suppose notamment la fin de l’occupation des territoires, précise-t-il. Quant à la libération du soldat israélien, c’est une question humanitaire et politique. Les Européens sont convaincus que sa libération enclencherait un processus positif de discussions entre Israël et l’Autorité palestinienne. » « L’Europe n’oublie pas non plus que des Palestiniens sont emprisonnés en Israël, notamment des personnalités élues et des membres du Conseil législatif, et nous demandons également leur libération. C’est aussi une affaire humanitaire et politique », ajoute M. Solana. Mais, aujourd’hui, la « fenêtre d’opportunité » qu’a évoquée la semaine passée la chancelière allemande Angela Merkel lors de sa tournée au Proche-Orient semble malheureusement sur le point de se refermer. Quelques heures seulement après l’annonce du président Abbas que le soldat Shalit et le journaliste de la BBC seraient libérés « sous peu », l’armée israélienne lançait, samedi dernier, son premier raid aérien depuis l’instauration d’une trêve, il y a plus de quatre mois dans la bande de Gaza, tuant deux activistes palestiniens. Parallèlement, le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, a promis vendredi dernier que son mouvement continuerait sa résistance contre Israël et ne renoncerait pas à ses revendications sur « l’ensemble de la Palestine ». « Palestiniens et Israéliens ont besoin d’une paix durable, insiste M. Solana. Et l’UE juge que le conflit israélo-palestinien doit être résolu au plus vite. Les paramètres de la paix sont connus depuis Camp David, les paramètres Clinton, les progrès de Taba (2001), la résolution de la Ligue arabe (à Beyrouth en 2002)… Il revient donc aux acteurs de les adopter et de les mettre en œuvre. » Propos recueillis par Rania MASSOUD
Depuis la formation du gouvernement d’union palestinien, l’Union européenne cherche à encourager le nouveau cabinet sans pour autant remettre en cause son boycott du Hamas, qu’elle considère comme une organisation terroriste en raison de son rejet des trois conditions fixées par le quartette : abandon de la violence, reconnaissance de l’État hébreu, acceptation des accords...