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UNE TOILE, UNE HISTOIRE «La diseuse de bonne aventure», de Georges de La Tour

Scène profane ou épisode de l’histoire de l’enfant prodigue, «La diseuse de bonne aventure» de Georges de La tour, exposée au Metropolitan Museum of Art (New York), n’est, pour certains, rien d’autre qu’une vanité animée, une parabole qui enseigne une morale aussi vieille que l’humanité. On le disait roi de la nuit. Il est plutôt le peintre de la lumière, des contrastes et du clair-obscur. Célèbre à son époque, Georges de La tour sombre après sa mort dans l’oubli total. Ses œuvres dispersées un peu partout vont être attribuées à tout le monde et à n’importe qui. Dans les musées qui avaient le privilège d’en posséder, l’étiquette disait indifféremment Guido Reni, Saraceni, Gentileschi, pour les musées proches de l’Italie; Terbrughen, Honthorst, pour ceux près du Nord; Zurbaran, Velasquez, pour les musées près du Sud. C’est grâce à un érudit allemand qui a rapproché trois toiles mystérieuses que de La Tour est ressuscité en 1905. S’ensuit une chasse effrénée au bout de laquelle une poignée d’historiens de l’art trouvent des de La Tour dans les lieux les plus fous. Ses œuvres réapparaissent ainsi au grand jour et, actuellement, on n’en connaît qu’une quarantaine sur les trois cents tableaux probables. Lumière et obscurité Avant d’approcher ses œuvres, il est utile de décrire le terreau historique dans lequel s’est inscrite la trajectoire de Georges de La tour. Le peintre lorrain a en effet vécu au siècle de Louis XIII, une époque qui conjugue à la fois une opacité sur le plan politique et une grande transparence culturelle et spirituelle. Luminosité et opacité qu’on retrouve dans les travaux de cet artiste caravagesque. L’ensemble de son œuvre se développe généralement dans un espace clos, structuré selon quelques principes formels clairs et constants: développement frontal de l’espace pictural, construction géométrique des formes et un jeu subtil des sources lumineuses directes et indirectes. Fait rare dans la peinture française du XVIIe siècle, les compositions de de La Tour sont marquées par une absence de paysage et d’architecture. La nature, le ciel et l’eau n’existent pas dans son univers. Seul l’homme – et la lumière – semble l’intéresser. Il est la préoccupation essentielle de son œuvre. Jeux de mains et de regards La diseuse de bonne aventure, d’une calligraphie élégante, reprend un thème fréquemment traité par Caravage et ses adeptes: scènes peuplées de mendiants, de joueurs ou de courtisanes. Dans cette œuvre, il s’agit de tromperie dont est victime un jeune homme en pleine lumière. Le vol n’est pas dissimulé dans l’ombre et les personnages occupent tout l’espace. La composition repose sur un jeu subtil entre les attitudes, les mains et les regards, à partir desquels l’artiste crée des effets de croisements ou d’oppositions. Jeux de mains, jeux de vilains. Si les visages figés et lisses (sauf celui très ridé de la vieille diseuse de bonne aventure) semblent arrêter le temps, le geste, lui, illustré par l’expression souple et savante des doigts, paraît très rapide. En effet, tandis que la jolie Gitane au collier noir coupe la chaîne en or, sa complice, à gauche, tire la bourse hors de la poche pour la passer en douceur à une troisième jeune femme. Dans cette composition diurne, tout le dialogue a lieu au niveau des mains et les regards ne sont que prétextes. Cela rappelle à nouveau le style de Caravage, dont La Vocation de saint Mathieu raconte également le mystère de la rencontre à travers les mains. La diseuse de bonne aventure, tout comme Le Tricheur (une autre de ses œuvres diurnes), utilise le langage théâtral. À la différence de Poussin, La Tour ne cherche pas à rendre les expressions du visage. Chacun des personnages s’observe et s’interroge en silence. Et c’est là que s’opère la magie de l’artiste : une scène à la tension montante réalisée par ce simple jeu de regards. Georges de La Tour reste donc en marge de la peinture de son temps. Si en ce XVIIe siècle, les peintres continuent à trouver dans la mythologie et les mystères chrétiens la plus grande part de leurs sujets, le peintre lorrain, lui, ne peint pas les grands de ce monde, mais les humbles qu’il retrouve dans son entourage habituel. À travers les gens de la rue, comme dans La diseuse de bonne aventure, de La Tour parvient à passer sa propre morale, non une morale chrétienne à proprement dit, mais celle simplement inspirée du quotidien. Colette KHALAF
Scène profane ou épisode de l’histoire de l’enfant prodigue, «La diseuse de bonne aventure» de Georges de La tour, exposée au Metropolitan Museum of Art (New York), n’est, pour certains, rien d’autre qu’une vanité animée, une parabole qui enseigne une morale aussi vieille que l’humanité.

On le disait roi de la nuit. Il est plutôt le peintre de la lumière, des contrastes...