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Actualités - OPINION

Le combat libanais de Jacques Chirac

Par Daoud SAYEGH L’année nouvelle s’ouvre sur des échéances multiples, libanaises et internationales. Les développements de la situation au Liban resteront pour un certain temps dans le domaine des impondérables mais ceux relatifs aux événements mondiaux sont, par contre, plus prévisibles. Le Premier ministre britannique Tony Blair avait déjà annoncé son départ pour 2007. Cette même année sera l’avant-dernière du mandat de George W. Bush. Et les élections présidentielles françaises, à moins d’un revirement de la situation, donneront un nouveau président à la France. Mais quelle que soit la décision de Jacques Chirac concernant son avenir politique, l’histoire retiendra qu’il a été l’un des acteurs majeurs de la Ve République. La vie de ce combattant exceptionnel n’est qu’un exemple édifiant pour ceux qui refusent de baisser les bras. Héritier de la conception gaullienne de la France, Jacques Chirac n’a pas manqué aux rendez-vous de l’histoire, qui augmentent la grandeur de la France. Sa politique étrangère en est la preuve éclatante. Sa politique libanaise figure à une place de choix. Le Liban a énormément gagné avec Jacques Chirac, non seulement à tous les niveaux de la coopération et de la consolidation de la relation séculaire entre les deux pays, mais aussi et surtout au niveau des relations avec l’Europe et le monde, où Jacques Chirac s’est activé à forcer les portes pour le Liban, pour le Liban de la reconstruction, avec Rafic Hariri. Ses trois visites officielles en tant que président de la République, précédées par une autre en tant que maire de Paris, et suivies par un ultime déplacement pour rendre hommage à son ami assassiné, qualifiant le crime dont il a été victime d’un autre âge, Jacques Chirac n’a pas lésiné sur les moyens pour venir en aide au Liban. Avec son éventuel départ, rien ne sera plus comme avant, tout en sachant que quel que soit le nouveau président de la France, l’amitié avec le Liban restera une constante. Mais avec la disparition de Rafic Hariri et le départ de Jacques Chirac, une page de la relation entre les deux pays sera définitivement tournée. Au Liban, à part Émile Lahoud qui se réjouira de voir le président français quitter ses fonctions « avant lui » comme il l’a déclaré, aucun Libanais sincère ne verra ce départ avec soulagement. Bien entendu, ceux qui ont réussi à saboter les résolutions de la conférence de Paris II de 2002, et qui s’apprêtent à contrecarrer la conférence de Paris III, verront dans le départ de Jacques Chirac l’éloignement non d’un ardent défenseur du Liban, mais d’un partisan acharné de la justice, de la justice internationnale en particulier, face à cette injustice atroce qui a frappé le Liban et réussi à écarter Rafic Hariri de la scène. Ils y verront aussi l’occasion de fermer une porte grande ouverte de l’Occident, pour réenfermer le Liban dans la Grande Prison. Construite sur les bases d’une amitié solide entre deux hommes, la relation entre Rafic Hariri et Jacque Chirac ne s’était pas faite par hasard. C’est la rencontre harmonieuse de deux visions du monde, de ses intérêts, de son avenir. Une amitié enrichissante au service de l’homme, des idéaux, du développement, de la liberté, et qui a trouvé son épanouissement avec les postes de responsabilité des deux hommes. Bien sûr, Jacques Chirac, héritier politique du gaullisme, connaissait bien le Liban et tout ce que notre pays resprésentait pour la France. Mais Rafic Hariri a apporté à cette vision un éclairage nouveau. C’est à travers sa globalité, son expérience humaine inédite, son ouverture sur sa région et sur le monde, sa modernité et sa soif de renouveau, de la reconstruction, du relèvement des défis, sa place au carrefour des continents et des échanges que Jacques Chirac a fini par regarder le Liban. Il regardait notre pays à travers les yeux de Rafic Hariri, ce qui l’a forcément amené à une nouvelle perception du Liban. Dès lors, il n’a jamais manqué à l’appel. Les portes de l’Europe nous étaient aisément ouvertes, ainsi que celles de l’Amérique. Jacques Chirac avait décelé dans la personnalité de Rafic Hariri ce que Jean-Paul II avait découvert dès 1993, pour lui avoir accordé sept audiences, fait rare dans les annales du Vatican. Pour Jacques Chirac, la cause du Liban méritait le combat. Ce n’était pas le combat du pays d’un ami personnel, mais celui d’un pays qui représentait, au-delà de l’amitié et des intérêts, un symbole vivant de tout ce dont le monde a besoin, surtout dans cet Orient compliqué que l’illustre prédécesseur de Jacques Chirac, le général Charles de Gaulle, rappelant dans ses Mémoires les événements de 1941-1942, avait écrit : « Vers cet Orient compliqué, je volais avec des idées claires. » L’Orient est de plus en plus compliqué, mais la vision du Liban est toujours claire pour ceux qui savent le regarder. Et Jacques Chirac n’a pas voulu détrouner les yeux. Le Liban, en Orient, puisqu’il est l’espace de la liberté, qui est sa raison d’être, restera le pays de lumière, de générosité, d’ouverture, d’échanges et de tolérance. Tel fut le combat libanais de Jacques Chirac.
Par Daoud SAYEGH

L’année nouvelle s’ouvre sur des échéances multiples, libanaises et internationales. Les développements de la situation au Liban resteront pour un certain temps dans le domaine des impondérables mais ceux relatifs aux événements mondiaux sont, par contre, plus prévisibles.
Le Premier ministre britannique Tony Blair avait déjà annoncé son départ pour...