Aphorismes Sourds comme un pot Percy KEMP

Voyant les chefs de file de la majorité et ceux de l’opposition échanger des imprécations et s’accuser mutuellement de ne pas remplir leurs obligations envers le pays, un vieux conte chinois me vient à l’esprit. Une vieille dame possédait deux grands pots qu’elle prenait tous les matins à la rivière suspendus aux deux extrémités d’une perche qu’elle portait appuyée contre sa nuque. Or, l’un des deux pots était fêlé. À la fin de la longue marche qui ramenait la vieille dame de la rivière à la maison, le pot qui était en parfait état rapportait toujours sa pleine ration d’eau, mais le pot fêlé, lui, n’était plus qu’à moitié plein. Jour après jour, deux ans durant, la même chose se reproduisit, la vieille dame ne ramenant chez elle qu’un pot et demi d’eau au lieu de deux. Bien sûr, le pot intact était très fier de ses exploits et il ne manquait pas de rabrouer le pot fêlé qui ne remplissait pas bien sa fonction. Un matin, en revenant de la rivière, il dit à la vieille dame, en parlant du pot fêlé : « Tu devrais t’en défaire. La fêlure sur son côté laisse l’eau s’échapper par terre. » À quoi la vieille dame répondit en souriant : « As-tu remarqué qu’il y a des fleurs sur son côté du chemin, entre la rivière et la maison, alors que de ton côté il n’y en a guère ? J’ai toujours su, quant à moi, à propos de sa fêlure. J’ai donc semé des graines de fleurs sur un côté du chemin et, chaque jour, en revenant de la rivière, il les arrose et les fait pousser. S’il n’avait pas été tel qu’il est, il n’aurait pu y avoir toute cette beauté. » Cela pour dire qu’il faut de tout pour faire un pays et que toutes ses composantes, quelles que soient leurs carences apparentes, y contribuent chacune à sa manière. Alors, au lieu de montrer incessamment du doigt leurs tares respectives, les leaders de la majorité et ceux de l’opposition seraient bien inspirés de faire de sorte que les points forts des uns viennent compenser les faiblesses des autres et vice versa. La diversité, aujourd’hui source de discorde, deviendrait alors synonyme de concorde. Mais sans doute est-ce inutile de demander cela à des gens qui, fêlés ou pas, se comportent avec nous comme s’ils étaient sourds comme un pot. Article paru le Jeudi 14 Décembre