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Actualités - REPORTAGE

Fateh Azzam, nouveau représentant régional du HCDH au Moyen-Orient, dresse un tableau de la situation dans la région «La pauvreté est autant le résultat que la cause des violations des droits de l’homme» Propos recueillis par Antoine AJOURY

Le dix décembre de chaque année, la communauté internationale célèbre la Journée des droits de l’homme. Celle-ci commémore le jour où l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Cette année, l’ONU a célébré cette journée sous le signe du combat contre la pauvreté, qui est autant le résultat que la cause des violations des droits de l’homme. La pauvreté est, dans la majorité des cas, une conséquence des violations des droits de l’homme, qu’il s’agisse des droits économiques et civils, de la discrimination d’un groupe ou d’individus, ou d’un conflit armé qui conduit à la destruction des infrastructures nécessaires au développement de la société. «La pauvreté est le résultat de plusieurs facteurs qui sont en soi des violations des droits de l’homme», affirme Fateh Azzam, le nouveau représentant régional du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’homme (HCDH) au Moyen-Orient, en ajoutant: «Vus sous notre angle, nous devons donc combattre ces infractions liées aux droits de l’homme en vue d’éliminer la pauvreté.» M. Azzam prend pour exemple les femmes qui sont l’une des catégories les plus vulnérables. «Nous savons tous que les ségrégations que subissent les femmes sont légion à travers le monde. Qu’elles soient célibataires, divorcées ou veuves, les femmes sont sujettes à des discriminations pour trouver du travail, pour être rémunérées équitablement ou pour bénéficier des aides sociales», explique-t-il, ajoutant que «le fait de défendre les droits de femmes aide directement à lutter contre la pauvreté». «C’est un cas parmi tant d’autres qui démontre la corrélation entre la pauvreté et les droits de l’homme», précise M. Azzam, qui cite également l’exemple de la pauvreté résultant des conflits armés. «Utiliser des bombes à sous-munitions comme ce fut le cas au Liban dernièrement est considéré comme une source potentielle de pauvreté. En effet, le temps nécessaire pour neutraliser ces engins explosifs, qui peut prendre au moins une année, rend les terrains visés impraticables et inutilisables pour leurs propriétaires. Si ces derniers sont des agriculteurs, ils seront ainsi privés de leur source de revenu pendant relativement longtemps», dénonce le responsable onusien. Parallèlement, la pauvreté peut être aussi une cause entraînant la violation des droits de l’homme. La pauvreté peut en effet créer une situation instable du point de vue sécuritaire ou économique dans un pays ou dans une région. M. Azzam explique ainsi que «beaucoup de tensions dans le monde sont le résultat des situations précaires dans lesquelles vivent les citoyens. Des tensions qui peuvent dégénérer en conflit où un grand nombre de droits politiques, civils et économiques seront bafoués». Concernant les pays du Moyen-Orient, le représentant régional du bureau du HCDH précise de prime abord qu’il n’y a pas une distinction claire entre les pays qui respectent les droits de l’homme et ceux qui ne les respectent pas. «Il existe toute une panoplie de droits humains, et les pays en tiennent compte à des degrés différents. C’est sur cette base que l’action des gouvernements est prise en compte.» Selon Fateh Azzam, «les violations majeures des droits de l’homme dans cette région concernent les libertés d’expression, de rassemblement pacifique et d’association. Ces trois droits sont liés et sont d’une importance capitale pour établir une démocratie». «Il faut donner à la société civile les moyens de s’exprimer afin qu’elle participe activement à la résolution de ses propres problèmes», estime-t-il. «En encourageant les citoyens à proposer de nouvelles idées, non pour dénoncer et critiquer le pouvoir politique et l’administration publique, mais pour s’associer à l’État en tant que partenaire énergique, on parviendra sûrement à des solutions efficaces.» Malheureusement, la participation de la population à la vie publique est absente dans la plupart des pays du Moyen-Orient. Cette prohibition est notamment illustrée par des lois et des règlements restrictifs handicapant la création et l’organisation d’associations, de syndicats ou de toute autre forme de rassemblement. La censure est également un facteur décisif pour empêcher les citoyens de s’exprimer. M. Azzam s’est néanmoins abstenu de citer les pays qui violent ces droits politiques essentiels, laissant à la commission des Droits de l’homme ou à d’autres organes des Nations unies le soin de dénoncer les régimes concernés. Le responsable onusien revient par ailleurs sur d’autres violations des droits de l’homme assez courantes dans le monde arabe. Il cite notamment les procédures d’arrestation et de détention, ainsi que la torture sous toutes ses formes, psychologique et physique. M. Azzam revient en outre sur les mauvaises politiques de certains pays très peuplés en matière d’urbanisme. Qu’il s’agisse de mauvaises lois relatives aux constructions ou du manque d’habitations décentes, des violations manifestes des droits sociaux et économiques des citoyens existent. Il cite d’autre part un problème très grave et très répandu dans plusieurs pays du Moyen-Orient, à savoir les personnes sans nationalité. «Le premier cas qui nous vient en tête, c’est bien sûr celui des réfugiés palestiniens. Mais il y en a bien d’autres comme le statut des Kurdes dans certains pays, ou celui des Bédouins. Il y a, d’autre part, les lois sur la nationalité qui empêchent le transfert de la nationalité par la mère», précise M. Azzam. Autant de restrictions qui peuvent engendrer des situations précaires pour les personnes concernées. L’expert onusien signale en outre le cas de centaines de milliers d’expatriés dans certains pays du Golfe et celui des employées de maison étrangères au Liban, par exemple. Ces deux catégories de personnes sont continuellement victimes de discrimination dans les pays d’accueil, ce qui rend leur vie encore plus misérable que dans leur pays d’origine. Un travail de longue haleine La prévention et la lutte contre la pauvreté en général et les violations de droits de l’homme en particulier nécessitent un travail de longue haleine. «Les efforts de l’ONU dans ce contexte sont permanents. Il n’y a pas un programme déterminé, mais une conception globale destinée à améliorer chez les citoyens le niveau de bénéfice de tous leurs droits économiques, sociaux et culturels», explique M. Azzam. «Nous appelons ainsi les gouvernements à procurer à leurs administrés un logement adéquat, à promouvoir l’enseignement, à permettre que la population puisse bénéficier d’un niveau de vie convenable.» Toutefois, le rôle du bureau du HCDH ne consiste pas à condamner les pays récalcitrants, mais à coopérer avec eux d’un point de vue technique. «Nous aidons les gouvernements à modifier leurs législations internes pour qu’elles se conforment aux traités internationaux qu’ils ont ratifiés», précise-t-il, «sans oublier notre assistance à la société civile», à travers un soutien aux ONG ou des campagnes de sensibilisation en cas de besoin. Selon le responsable onusien, «l’éducation reste l’une des meilleures solutions possibles pour combattre les situations précaires, puisqu’elle fournit les moyens adéquats pour trouver un travail satisfaisant». Respecter le droit à l’association et au regroupement aide également à lutter contre la pauvreté. «Si des ouvriers ou des fermiers désirent se rassembler pour mieux défendre leurs droits et leurs intérêts, et qu’ils y sont interdits par leur gouvernement, alors cette politique de répression qui viole leurs droits politiques nuit également à leur niveau économique», prévient le représentant régional de HCDH. «L’idée principale étant que la lutte contre la pauvreté ne consiste pas uniquement en des programmes économiques ou des aides humanitaires, mais par le respect, la prévention et la défense des droits civils, économiques, sociaux, culturels et politiques. En un mot, des droits de l’homme», conclut M. Azzam.
Le dix décembre de chaque année, la communauté internationale célèbre la Journée des droits de l’homme. Celle-ci commémore le jour où l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Cette année, l’ONU a célébré cette journée sous le signe du combat contre la pauvreté, qui est autant le résultat que la...