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Actualités - OPINION

Pour que le Liban vive

Par Dominique Chevallier Professeur émérite à la Sorbonne Si le président Émile Lahoud s’était retiré au terme de son mandat, peut-être serait-il aujourd’hui un sage coulant des jours paisibles et consulté en cas de difficultés dans son pays. Mais à quoi sert-il de rêver sur des institutions libanaises qui ne sont pas appliquées ? À garder un espoir dans le rôle du Liban en tant qu’État rassemblant chrétiens et musulmans pour la paix de tous. L’Irak, occupé par l’armée américaine et ravagé par des guerres civiles, est dit « fédéral » parce qu’en fait démantelé. La Palestine étouffe sous l’hégémonie israélienne. L’hypothétique rapprochement Syrie-Irak-Iran, sur-« dollarisé » grâce à la hausse du pétrole et du gaz, n’est-il qu’une réponse au New Middle-East dessiné par l’Administration Bush ? La Chine et l’Inde mettent au travail des foules peu payées et migrantes. Le Liban pèse-t-il par sa population limitée sur un petit territoire ? Oui, car il représente l’indispensable maillon d’un ensemble méditerranéen et arabe où sont nées nos grandes civilisation universalistes et qu’animent plus de sept cents millions d’êtres humains. Cet ensemble, comprenant l’Union européenne et la Ligue des États arabes, commande nos destins. Dois-je m’excuser d’écrire des vérités aussi élémentaires, le nombrilisme des uns, le mondialisme des autres les effacent parfois. Les divergences européennes et l’inexistence exécutive de la Ligue arabe les obscurcissent souvent. Mais nous existons. Et le Liban doit exister, malgré les menaces, les intrusions et les agitations qui gangrènent sa souveraineté. Il doit rester un État unique, dirigé par un gouvernement représentant la majorité parlementaire, avec un président de la République respectant la Constitution et des citoyens responsables de l’unité de leur pays. Sinon, il disparaît dans un quelconque New Middle East ensanglanté par des luttes fratricides entre clans et communautés. Les provocations quotidiennes, les attentats odieux, les déferlements doctrinaux qui laissent les cerveaux désemparés, annoncent-ils cette fin ? Parmi ceux qui se disent « adversaires », que de gens se connaissent et entretiennent des complicités multiples ! Toute appréciation sur le mouvement des réalités actuelles ne peut se limiter aux proclamations verbales des uns et des autres. Pour mémoire : en 1996, l’ambassadeur Walid Moallem – ministre des Affaires étrangères de la Syrie au moment où j’écris – avait été envoyé par son gouvernement à Washington avec pour mission de négocier directement avec l’ambassadeur d’Israël, Itamar Rabinovich, professeur à l’Université Tel-Aviv, spécialiste de l’histoire de la Syrie au XXe siècle, qui venait d’être nommé dans le même but aux États-Unis. Leurs pourparlers échouèrent à cause, notamment, des exigences du gouvernement israélien en faveur des colons juifs installés sur le plateau du Golan. Mais ces contacts furent assumés de part et d’autre. Plus discrètement, des rapports similaires se reproduisent dans certaines circonstances. Comme partout, d’ailleurs. Peut-on échapper aux modèles qu’imposent les voisinages ? Le Hezbollah aligne maintenant des combattants efficaces parce que, depuis plus de vingt ans, ils ont été préparés idéologiquement et militairement à mener une lutte sans merci. Israël a servi d’exemple ; dès sa fondation, ses soldats ont été formés et entraînés selon une telle méthode. Il y a loin entre les juifs qui ont subi tant de massacres et d’humiliations, et ces hommes qui méprisent avec violence les Arabes, mais les craignent aussi. Tous ces guerriers idéologisés, ivres de propagande, utilisent des armes que la chimie, la biologie et la physique ont rendues totalitaires en elles-mêmes et par elles-mêmes. Le civil et le militaire s’associent dans l’industrie. Ils se confondent dans les soutiens internationaux que les uns et les autres reçoivent. Israël s’adosse aux États-Unis ; les militants du Hezbollah bénéficient des pétrodollars iraniens. « Des chants graves s’élevaient dans les fumées de l’encens pour devenir voûte des cieux couvrant une humanité calcinée. » Le Liban n’échappe pas aux transformations du XXIe siècle. Une partie de lui-même peut s’éteindre, mais l’autre renaître si sa liberté d’exister lui est accordée. Article paru le jeudi 7 décembre 2006
Par Dominique Chevallier
Professeur émérite à la Sorbonne

Si le président Émile Lahoud s’était retiré au terme de son mandat, peut-être serait-il aujourd’hui un sage coulant des jours paisibles et consulté en cas de difficultés dans son pays. Mais à quoi sert-il de rêver sur des institutions libanaises qui ne sont pas appliquées ? À garder un espoir dans le rôle...