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Actualités - REPORTAGE

Social - Des plats chauds aux plus démunis, provenant d’un surplus chez les plus nantis La Famille du Cœur de Jésus : « Non au gaspillage, oui à l’entraide »

À Antélias, dans un local discret comme les volontaires qui l’animent, des personnes durement éprouvées par la vie retrouvent un peu de lumière, de la nourriture pour affronter la faim, des habits pour lutter contre le froid. Auprès de la Famille du Cœur de Jésus, portée par une foi fervente à aider les plus nécessiteux, ceux-ci retrouvent une dignité qui leur a été ôtée par la misère. L’action de l’association est fondée sur une idée simple inspirée de la nécessité d’instaurer une solidarité sociale à tout prix : le partage des repas. En effet, qui d’entre nous n’a pas assisté à des mariages ou des réceptions en pensant que les restes de ces festins pouvaient nourrir autant de personnes que les convives ? Les bénévoles de la Famille du Cœur de Jésus ont entrepris, eux, de mettre au point un système où ces restes pouvaient être collectés de façon sûre afin que des personnes dans le besoin puissent en profiter. Tout ce qu’il leur faut, c’est d’être avertis à l’avance des grandes réceptions, un geste bien simple pour ajouter de la joie au cœur des hôtes comme des personnes dans le besoin. La Famille du Cœur de Jésus a été fondée en 1971 au Canada comme un groupe de prière. C’est le père capucin Augustin Mardini qui a lancé ce groupe au Liban en 1985, et celui-ci compte aujourd’hui 2 500 personnes, avec un comité exécutif d’une vingtaine de personnes. L’objectif premier de cette association était de pousser les familles à prier davantage. Les fondateurs se sont inspirés de l’apparition de Jésus à sainte Marguerite-Marie et des mots qu’elle a entendus : « C’est ce cœur qui a aimé le monde et qui ne rencontre qu’ingratitude. » Cette phrase est devenue la devise de l’association, dont les volontaires tirent leur force de l’amour divin, comme nous l’explique la présidente de la Famille du Cœur de Jésus, Salwa Stéphan, fondatrice de la branche libanaise avec Arlette Aboukhater et Joyce Sayegh. Mais bientôt, les prières et la dévotion ont mené ces volontaires à rechercher le travail social, le bien-être d’autrui auprès des personnes durement éprouvées par le besoin. Ainsi, certains d’entre eux se sont habitués à visiter des hôpitaux, des maisons de repos et des prisons (Baabda et Roumié) pour y réconforter les malades, les personnes du troisième âge et les prisonniers vivant dans des circonstances très rudes. Peu à peu, c’est à un autre ennemi que la Famille du Cœur de Jésus a voulu s’attaquer : la faim. « L’idée était à la base celle de mon mari, Georges Stéphan, qui, quand il enseignait à l’école, avait instauré le système du “pain du pauvre” quand chaque élève emmenait un pain pour le distribuer aux plus démunis, explique Mme Stéphan. Nous étions aussi très touchés lorsque nous voyions des personnes contraintes à chercher dans les poubelles pour se nourrir. L’idée a fait son chemin, et nous avons décidé de nous lancer dans ce projet de distribution hebdomadaire de repas. » Les débuts étaient difficiles, l’association ne trouvait pas facilement de sources de nourriture. « Certains hôtels avaient peur de nous confier les restes de leurs repas de peur qu’ils ne parviennent avariés au destinataire, raconte-t-elle. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour les convaincre que nous étions très pointilleux concernant le transport et le stockage des aliments. » En effet, l’association s’est procuré une camionnette réfrigérée et transporte elle-même la nourriture de son endroit de provenance jusqu’au centre, où elle est une fois de plus bien stockée. L’équipe de bénévoles vérifie tout, et au moindre soupçon, se débarrasse du stock. Depuis février 2005 que le projet est sur les rails, aucun incident n’a été enregistré. Dans le centre, les aliments sont bien triés et bien présentés dans les réfrigérateurs. Chaque famille obtient une portion complète de tout ce que l’association aura pu rassembler ce jour-là. 200 familles bénéficiaires Aujourd’hui, il y a 80 familles qui viennent profiter de ces repas par semaine, même si le nombre de bénéficiaires s’élève en fait à 200 familles, l’association ayant mis en place une seconde activité, celle de la distribution de provisions quatre fois par an. Pour en revenir au centre d’Antélias, qui a été mis à sa disposition par l’évêché maronite, notamment sur une initiative de l’évêque Youssef Béchara, les provisions (la « mouné ») s’entassent toute l’année, en attendant le moment de distribution. « Nous avons parfois des manques et des difficultés à nous procurer toutes les denrées nécessaires, explique Mme Stéphan. Nous aimerions qu’il y ait plus de sponsors. Ils devraient venir observer par eux-mêmes l’étendue des besoins sociaux de nos jours. » L’association a ajouté une troisième activité dans le centre. « Un jour de grand froid, nous avons vu un de nos bénéficiaires entrer en bras de chemise, se souvient-elle. Depuis ce jour, nous avons décidé de procurer également des habits à nos familles. Tous les vêtements que nous avons sont neufs et proviennent de stocks de boutiques. Les gens ont tout le loisir d’entrer et de choisir ce qu’ils veulent. » En une année, la Famille du Cœur de Jésus a distribué des produits pour une valeur de 120 millions de livres. Quand cela est possible, l’association tente de procurer un emploi au pourvoyeur de fonds de la famille s’il est au chômage. Les donateurs, pour leur part, obtiennent un reçu et peuvent compter sur le fait que tout est inscrit sur ordinateur. Malgré les 200 familles bénéficiaires, l’association aurait aimé faire plus. « Il y a tant de besoins, ils augmentent tous les jours », déplore Mme Stéphan. Les familles sont choisies parmi les plus nécessiteuses, repérées par les groupes de prière, les 65 « paroisses » dans les différentes régions libanaises. Aux occasions particulières, notamment aux fêtes religieuses, l’association organise aussi une distribution aux familles et plus particulièrement aux enfants. Accueillis dans la dignité et avec le sourire Dans le centre de la Famille du Cœur de Jésus à Antélias, les bénévoles accueillent les bénéficiaires avec le sourire. Il n’est jamais facile pour une personne de faire le premier pas pour venir demander un repas, mais il se passe très peu de temps avant qu’elle ne devienne une habituée. « J’ai pleuré la première fois que je suis venue ici, avoue une mère de famille. Mais j’ai vite compris qu’ils nous réservaient un accueil chaleureux ici, que nous étions traités en toute dignité, contrairement à certaines autres associations. Dans ce centre, on m’aide à faire ma “mouné”, je rentre chaque fois avec des plats chauds et je profite d’habits neufs. » Cette dame, comme tant d’autres, connaît de multiples difficultés dans la vie. « Mon mari est cardiaque et incapable de travailler, ses médicaments nous coûtent 300 000 LL par mois, raconte-t-elle. Je dois aussi m’occuper de ma mère alitée. J’ai encore trois enfants scolarisés. À l’association, on m’a aidée à les inscrire à l’école. » Mais elle avoue quand même cacher la provenance des aliments, qu’elle emporte dans un sac, à ses enfants. Un peu plus loin se trouve un vieil homme au regard brillant. « Je suis arrivé jusqu’au Brésil puis j’ai tout perdu, et je suis revenu », raconte-t-il. Il s’étale ensuite sur sa longue descente aux enfers, aux institutions qui font perdre à l’être humain toute sa dignité, aux nuits passées dans le froid. « Mais nous sommes bien accueillis ici », dit-il. Cet homme, qui a connu tant de désillusions, refuse de laisser tomber l’avenir et les ambitions. « J’aurais aimé créer un club du troisième âge pour faire profiter la société des idées et de l’expérience des plus âgés », lâche-t-il durant la conversation. Numéros utiles Tous ceux qui aimeraient apporter une aide à la Famille du Cœur de Jésus (restaurants, hôtels, boutiques, particuliers...), ou la prévenir à l’occasion d’un mariage ou un événement quelconque peuvent appeler au numéro suivant : 04-416789, de 8h à 13h tous les jours (c’est un simple coup de fil à passer, l’association s’occupe de tout à partir de là). Le numéro de fax est le 04-910271. Il existe également un compte à la Byblos Bank. Suzanne BAAKLINI

À Antélias, dans un local discret comme les volontaires qui l’animent, des personnes durement éprouvées par la vie retrouvent un peu de lumière, de la nourriture pour affronter la faim, des habits pour lutter contre le froid. Auprès de la Famille du Cœur de Jésus, portée par une foi fervente à aider les plus nécessiteux, ceux-ci retrouvent une dignité qui leur a été...