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Actualités - CHRONOLOGIE

Venise : sur la piste du Tintoret avec le musée du Prado

Tous les canaux de Venise mènent au Tintoret, mais peut-il être exposé hors de la Cité des Doges? Le musée madrilène du Prado va tenter cette gageure début 2007, avec une grande rétrospective du peintre vénitien, la première depuis 70 ans. «Il est temps de porter un nouveau regard» sur cet artiste, grand rival du Titien et de Véronèse, qui a transformé les codes de la peinture vénitienne au XVIe siècle, estime Gabriele Finaldi, directeur adjoint du Prado. Toutefois, reconnaît-il, «après Michel Ange, le Tintoret est le peintre le plus difficile du monde à exposer», tant ses œuvres sont imbriquées depuis plus de 400 ans dans de multiples palais ou églises de Venise, d’où elles peuvent difficilement bouger. De fait, sa dernière grande rétrospective a eu lieu en 1937... à Venise même, et parcourir la Sérénissime avec les responsables du Prado montre combien elle est déjà une «exposition permanente» du Tintoret. Les superlatifs abondent au sujet de Jacobus Robusti (1518-1594), qui doit son surnom de «Tintoretto» (le petit teinturier) à la profession de son père et dont l’œuvre est essentiellement religieuse ou mythologique. On lui attribue la «plus grande peinture du monde», un Paradis de 22m x 7, qui orne le salon central du palais des Doges et qu’on doit en fait en grande partie à son fils, Domenicho. Et Rubens comme El Greco, son élève et héritier espagnol, ont estimé en leur temps que sa Crucifixion du Christ, œuvre maîtresse de la Scuola (confrérie) San Rocco, était «la plus belle peinture du monde». Certes, mais c’était tout de même un peintre assez «irrégulier», spécialiste avant l’heure du «marketing» pictural et qui travaillait souvent à la va-vite pour satisfaire les commandes, selon Miguel Falomir, le conservateur pour la peinture italienne du Prado. Néanmoins, le Tintoret, par sa façon novatrice d’utiliser «les clairs obscurs, le mouvement et l’espace», s’est clairement démarqué des œuvres davantage «statiques» de ses rivaux, dit-il devant la Dernière Cène de l’église San Trovaso. Cette peinture expressive et tourmentée tranche avec le modèle «leonardesque» de l’époque, souligne-t-il, en référence à la représentation bien plus «à plat» du même événement par Leonardo da Vinci. L’originalité du Tintoret c’est qu’il «n’est pas un peintre de la célébration, mais de ce qui se passe au plus profond de soi», estime pour sa part l’architecte Franco Possoco, «gardien» de la Scuola San Rocco. Les 64 tableaux du Tintoret abrités par cette «confrérie» furent miraculeusement épargnés en 1806 par les pillages de Napoléon, que la Sérénissime n’a pas oubliés 200 ans plus tard. Ludovico de Luigi, peintre surréaliste et reconnu de Venise, va régulièrement à San Rocco revoir ce peintre qu’il juge «révolutionnaire», celui qui a «le premier fait l’opération mentale de l’impressionnisme, le précurseur de Cézanne». Dans son atelier encombré du Campo San Barnaba, «il Maestro», comme on l’appelle à Venise, ne tarit pas d’anecdotes sur son illustre prédécesseur, qui utilisait selon lui des «couleurs» très originales. «Son jaune pas exemple, il l’obtenait en faisant macérer du “bois de braise” (le brésil, qui a donné son nom au pays) dans de l’urine d’ivrognes vénitiens, recueillie la nuit par un des ses assistants!» Les grands chefs-d’œuvre ne bougeront pas, mais six tableaux du Tintoret seront tout de même soigneusement transportés début 2007 à Madrid pour rejoindre une cinquantaine d’œuvres venues de grands musées internationaux. Avec cette exposition exceptionnelle, du 29 janvier au 13 mai, le Prado, dont d’importants travaux d’agrandissement devraient s’achever en 2007, espère renouveler le succès de l’exposition du Titien en 2003 (400000 visiteurs). Gilbert GRELLET (AFP)
Tous les canaux de Venise mènent au Tintoret, mais peut-il être exposé hors de la Cité des Doges? Le musée madrilène du Prado va tenter cette gageure début 2007, avec une grande rétrospective du peintre vénitien, la première depuis 70 ans.
«Il est temps de porter un nouveau regard» sur cet artiste, grand rival du Titien et de Véronèse, qui a transformé les codes de la...