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Actualités - CHRONOLOGIE

LES SCÈNES BEYROUTHINES - « Rond-Point Paris-Beyrouth » a été inauguré par une création libanaise à l’Espace Tournesol « La porte de Fatima », ou la guerre d’un mois d’été...

Malgré la peur, malgré l’angoisse, malgré les menaces d’un lendemain qui s’annonce lourd de nuages, ils sont venus ! Opérateurs culturels français, comédiens et techniciens du théâtre du Rond-Point, à leur tête Jean-Michel Ribes, ils sont tous là, à Beyrouth, comme prévu, comme promis, pour ensemble, avec les gens de scène et le public libanais, « dialoguer, écouter et créer en commun ». Soutenue et encouragée par l’ambassadeur Émié – qui a pris le risque, le « formidable pari » de maintenir et de poursuivre la programmation de ces rendez-vous de théâtre –, l’opération « Rond-Point Paris-Beyrouth » a été inaugurée, par lui, samedi soir, à l’Espace Tournesol avec « La porte de Fatima », une création du collectif Shams, directement inspirée de la guerre de juillet. Dans son mot de circonstance, précédant la représentation, Bernard Émié a mis l’accent sur le « dialogue, le respect de l’autre, la compréhension mutuelle et la création en commun », qui sont tout à la fois les ingrédients de cette rencontre théâtrale entre Paris et Beyrouth et ceux qui doivent servir « à faire sortir les Libanais de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent ». Prenant à sa suite la parole, M. Christophe Girard (adjoint au maire de Paris et chargé de la Culture) a réaffirmé l’engagement de Bertrand Delanoë dans des projets de collaboration à venir entre les deux capitales française et libanaise. Olivier Poivre d’Arvor (directeur de Francecultures), l’initiateur de ce marathon théâtral à Beyrouth, a, à son tour, fait part de sa joie de voir la salle remplie de monde malgré les circonstances. Il a également rendu hommage à la détermination de l’ambassadeur de France « qui a rendu possible cette opération ». Puis, Jean-Michel Ribes (directeur du théâtre du Rond-Point) ainsi que ses partenaires libanais, les directeurs des théâtres libanais, Paul Matar (Monnot), Nidal Achkar (al-Madina) et Roger Assaf (Le Tournesol), ont, pour leur part, exprimé leur volonté de mettre en relief, à travers la permanence de ce projet, « l’universalité de la résistance théâtrale et culturelle » et la conviction que « l’art nous protège de la vérité qui tue », selon une affirmation de Nietszche, reprise par Jean-Michel Ribes. Figures du Sud Une affirmation parfaitement adaptée aux circonstances. Et tout autant à la pièce présentée ce soir-là sur la scène du Tournesol, l’objectif de La porte de Fatima, conçue et mise en scène par Roger Assaf, étant de « représenter par la magie du théâtre ce que la guerre veut détruire ». La trame : dans un village du Liban-Sud, un jeune homme vient de filmer le mariage d’une fille dont il était éperdument amoureux. La guerre survient et surprend tout le monde. Les routes sont bloquées ou détruites, rendant difficile et périlleux le retour à Beyrouth. Durant son trajet, le photographe fait de multiples rencontres, chacune narrant une petite histoire du passé récent ou lointain de ces villages maintenant détruits. Composée, à partir de récits glanés, d’anecdotes vécues, de témoignages vrais, de documents photos et vidéo, de poèmes et de chansons, cette création, directement inspirée donc de la guerre de juillet, parle de ces villages du Sud saccagés par la sauvagerie israélienne. Trois brillants acteurs sur scène : Hanane Hajj Ali, Yasmina Toubia et Roger Assaf, ce dernier campant plutôt un narrateur – hakawati, font défiler au gré des saynètes des figures typiques, illustrant chacune une facette de la guerre : des femmes au champ, surprises par les bombardements, en pleine récolte de tabac ; un vieil homme agonisant, seul, les jambes bloquées entre le plafond et le sol de sa maison bombardée à Aïtaroun ; une femme qui pleure son fils mort au combat ; des monologues qui dressent un parallèle entre une mère chiite de quatre martyrs et une autre juive ; une lettre d’un soldat israélien au ton plein de morgue et de hargne ; une madame Rose qui converse avec une tortue de mer et que la pollution de la côte va priver des dernières nouvelles de son fils disparu dans les eaux... Ou encore une allégorie de Beyrouth, cette ville-femme exploitée, soumise, détruite, défigurée, qui finira par s’immoler ! Dans un mélange de réalité, de poésie, de surréalisme et d’absurde, le tout traité par une superposition de techniques scéniques, d’images vidéo, de narration, de jeu dramatique, de touches d’humour, Roger Assaf, aidé par le collectif Shams, fait preuve, une fois de plus, de sa virtuosité dans la mise en scène. Et si le propos est partisan, comme toujours chez ce metteur en scène engagé, l’atmosphère rendue, qu’elle plaise ou pas, est toujours extrêmement forte. Troublante et alarmante, comme les prémices d’un bouleversement... Zéna ZALZAL
Malgré la peur, malgré l’angoisse, malgré les menaces d’un lendemain qui s’annonce lourd de nuages, ils sont venus ! Opérateurs culturels français, comédiens et techniciens du théâtre du Rond-Point, à leur tête Jean-Michel Ribes, ils sont tous là, à Beyrouth, comme prévu, comme promis, pour ensemble, avec les gens de scène et le public libanais, « dialoguer,...