Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Ces Afghanes qui s’immolent par le feu...

Étendue sur un lit d’hôpital, son corps brûlé enveloppé dans des bandages, Marjan, 13 ans, est à l’agonie. Comme des centaines d’autres Afghanes, elle a tenté de se suicider en s’immolant par le feu. Sa sœur de 14 ans s’est enlevé la vie de la même façon l’an dernier, raconte Homayoon Azizi, chef du département des grands brûlés de l’hôpital public d’Hérat, principale ville de l’ouest de l’Afghanistan. Non sans paradoxe, l’immolation par le feu est devenue fréquente, surtout à Hérat, depuis la chute du régime intégriste des talibans fin 2001, selon M. Azizi qui estime que le retour de ceux qui s’étaient réfugiés en Iran, où cette forme de suicide est pratiquée, pourrait en partie expliquer ce phénomène à Hérat. Le nombre de ces cas est cependant en déclin dans cet hôpital : en 2004, 196 tentatives de suicide par immolation y ont été recensées, 162 l’an dernier et 53 sur les six premiers mois de cette année, selon M. Azizi qui précise que la plupart des femmes ont succombé à leurs blessures. Il n’existe cependant pas de statistiques pour l’ensemble du pays, alors que les hôpitaux et la police ne tiennent parfois pas de registres et que, surtout, les familles refusent par honte de parler de suicide, interdit par la loi islamique, selon l’ONG allemande Medica Mondiale. Mariages forcés et divorces Lors d’une conférence régionale cette semaine à Kaboul sur ce sujet, cette organisation a elle assuré que le nombre de suicides par immolation était en hausse, rapportant, par exemple, 36 suicides depuis le début de l’année dans la capitale afghane contre 18 en 2005. Les raisons pour perpétrer un tel geste de désespoir dans un pays où les droits des femmes sont constamment bafoués sont aussi obscures que variées. Les mariages forcés de jeunes filles – souvent en tant que deuxième ou troisième épouse – avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elles, mais aussi les abus sexuels commis par un beau-père ou les violences exercées par un mari, sont responsables de ces suicides, selon les experts. Les mariages forcés représentent en Afghanistan entre 60 et 80 % des unions, selon la Commission indépendante afghane de défense droits de l’homme (AIHRC). Le tabou du divorce, pour des femmes qui sont parfois « données » à une autre famille pour régler une dispute, fait également que certaines d’entre elles ne voient d’autre issue que le suicide. Un système judiciaire inefficace, le manque d’éducation et peut-être le retour de la télévision, interdite du temps des talibans, et de ses « idées nouvelles » dans plusieurs foyers afghans, pourraient enfin expliquer ce phénomène, selon les experts. « Les gens simples ne peuvent parfois penser à rien d’autre qu’à s’immoler par le feu pour régler leurs problèmes, et des maris décident même de mettre le feu à leurs femmes », déclare M. Azizi. Violence conjugale À l’hôpital d’Hérat, des larmes coulent sur les joues de Torpikay lorsqu’elle raconte pourquoi elle a tenté de s’immoler par le feu. Ne pouvant plus supporter de se faire battre à coups de pierres par le fils de la première femme de son mari, Torpikay a demandé à son mari de faire cesser ces brutalités. Dans le cas contraire, elle lui a dit qu’elle se tuerait. « Il m’a répondu “vas-y” », dit-elle. « Je n’avais pas d’autre choix. Je ne voulais pas aller voir la police », poursuit Torpikay, 25 ans, en assurant cependant qu’elle « ne recommencera plus ». « Mon mari doit maintenant prendre soin de moi. Sinon, je vais devoir divorcer. » Bronwen ROBERTS (AFP)

Étendue sur un lit d’hôpital, son corps brûlé enveloppé dans des bandages, Marjan, 13 ans, est à l’agonie. Comme des centaines d’autres Afghanes, elle a tenté de se suicider en s’immolant par le feu. Sa sœur de 14 ans s’est enlevé la vie de la même façon l’an dernier, raconte Homayoon Azizi, chef du département des grands brûlés de l’hôpital public...