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NOTE DE LECTURE « La main blessée » de Patrick Grainville Érotisme et panne d’écriture…

Inconciliables, l’érotisme et la panne d’écriture? Et puis d’abord quelle relation lie la pulsion sexuelle et l’inspiration littéraire? Beaucoup plus qu’il n’en paraît de prime abord… Labyrinthe filandreux, certes, mais bien perceptible et que vient d’explorer, en profondeur, Patrick Grainville, dans son vingtième roman La main blessée (éditions du Seuil – 311 pages). Ici, l’érotisme, intense et flamboyant, est au service d’une panne d’écriture d’un écrivain, sans nul doute son alter ego imaginaire… Sujet et discours de la passion, à la dimension de la phrase flamboyante, aux rythme et accords d’orgue du prix Goncourt 1976, justement pour son opus intitulé Les flamboyants… De la suite dans les idées pour l’auteur de L’atelier du peintre qui poursuit inlassablement sa quête de l’écriture. Né à Villers-sur-Mer, au Calvados, en 1947, à l’est de Deauville, Patrick Grainville est professeur agrégé de lettres modernes. Mais sa vraie profession, son identité, sa vie profonde, son moi inaliénable, indiscutablement, ce sont les pages à noircir pour une œuvre romanesque qui a aujourd’hui de l’ampleur, de la singularité et du caractère. En devanture des librairies, en cette saison de la course aux prix, son dernier roman, La main blessée, attire toujours les regards. Regards d’une certaine catégorie de lecteurs. Monde habité par une débauche de sensualité où la langue française a des fougues et des contorsions incroyables. L’histoire? Un peu tirée par les cheveux, car il s’agit surtout de préoccupations foncièrement littéraires. Avec l’apport de grands mythes où la femme et le couple allument, dans une atmosphère baroque et véhémente, la géhenne des brasiers rougeoyants… Un mal soudain frappe la main d’un écrivain. Mal mystérieux et terrible qui paralyse une vie. Une kyrielle de guérisseurs sont sollicités. Mais rien ne répare ce mal qui brise une vie et asservit un corps. Alors surgissent des figures emblématiques de femmes. Nour l’Égyptienne, Balkis, Kahina et d’autres «centauresses» (il faut se familiariser avec les néologismes de Grainville) pour conjurer le sort et rétablir l’ordre. Dans ces pages frémissantes de chair, la sensualité a la part plus que belle dans ses ramifications innombrables, tout en touchant même au saphisme… Une tempête de mots s’abat sur le lecteur dans ce vibrant hymne à la vie, aux désirs impétueux et à la tentative d’expliquer certains secrets qui dépassent les humains… Cavalcade d’images où les scènes crues se multiplient, où les croupes, les galbes, les métaphores (simples et alambiquées), la luxure et la volupté ont des farandoles d’enfer et des pavanes harmonieusement dissonantes. Un romantisme presque sauvage et païen domine ces pages incantatoires, tonitruantes et débridées. Une prose somptueuse, parfois surchargée, aux confins du gongorisme. Qui écrit encore comme ça? serait-on tenté de s’écrier. Patrick Grainville, pardi! On l’aura compris, tant de bruit, de fureur, de colère, d’obstination et d’érotisme enfiévré n’auront été évoqués, dans cette fiction de crampe d’écrivain, que pour ramener la plume à la main. Un écrivain, un vrai, a les rêves têtus et coriaces. Grainville en offre ici une éloquente illustration, lui qui est sans nul doute tout l’opposé d’un écrivain minimaliste. Son intrépide et téméraire chevauchée de mots est de toute évidence une randonnée fantastique. Une fine et exaltée exploration des zones d’ombre. Des zones d’ombre érogènes pour mieux servir la littérature. Une main blessée? Pas tant que ça, tant qu’écrire tous les matins, régulièrement, reste possible. C’est le meilleur diagnostic pour une prompte guérison, et tout le reste est… littérature. Edgar DAVIDIAN Livre en vente à la librairie al-Bourj.
Inconciliables, l’érotisme et la panne d’écriture? Et puis d’abord quelle relation lie la pulsion sexuelle et l’inspiration littéraire? Beaucoup plus qu’il n’en paraît de prime abord… Labyrinthe filandreux, certes, mais bien perceptible et que vient d’explorer, en profondeur, Patrick Grainville, dans son vingtième roman La main blessée (éditions du Seuil – 311...