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Actualités - OPINION

Héritage à vendre

Entre les démonstrations musclées du Hezbollah après leur « divine victoire » et les pathétiques gesticulations des nostalgiques du pouvoir, un perchoir aux reflets changeants a accouché d’une proposition de table ronde nouvelle-vague, assortie d’un ultimatum épouvantail, sur des thèmes inopportuns truffés de tendancieuses partialités. Après un langage politique haineux et rétrograde, on pense distraire un peuple désabusé par de stériles soliloques où mensonges et démagogie se disputent la vedette et qui se terminent invariablement par d’héroïques décisions... jamais appliquées. On dénature la réalité, l’objectif n’étant pas de servir une cause mais de l’instrumentaliser. Cette levée de boucliers contre un gouvernement légitime, crédible et parfaitement représentatif, cette rage « pavlovisée » sont inacceptables. Tout aussi inacceptables sont ceux qui avalisent les anathèmes, justifiant ainsi les éventuels débordements auxquels cette paranoïa peut conduire. Mais où se trouve donc l’essentiel dans ce magma téléguidé ? Il y a un problème occulté, LE problème précisément : la chrétienté dans l’actuel Liban est privée de son représentant légitime. Un indécollable président, que les décideurs du monde ignorent délibérément, la prive dangereusement (et irréversiblement ?) d’une place de plein droit dans l’histoire qui s’écrit. C’est pourtant grâce à elle – et pour elle – que cette patrie-refuge a été pensée. La cohérence exige que ce soit au président légitime de la République de tout le Liban de réunir les éventuelles tables rondes traitant de sujets majeurs. Où est donc cet incontournable arbitre ? Pour la majorité silencieuse – hélas bien frileuse –, il reste quand même que, cohérence oblige, on commence par le commencement. Trêve donc de palliatifs piégés dans les recherches de sortie de crise. C’est par la « priorité » que commence toute construction sur un terrain meuble miné par les contradictions et les rivalités régionales. Le comportement arrogant d’Israël, né dans la guerre et le terrorisme, acharné à vider la Palestine de sa population arabe, bénéficiant de la « compréhension » de l’Occident, contient en germe la catastrophe qui se poursuit sans règlement du problème palestinien. La Syrie, inquiète sur l’issue de l’enquête relative à sa culpabilité dans les assassinats de notre intelligentsia, demeure revancharde après son humiliante éviction du Liban et essaye par tous les moyens d’éviter un tribunal international-épée de Damoclès. L’Iran, qui avait mis en scène dans les rues de Téhéran les démonstrations de triomphe à la gloire du Hezbollah, attend impatiemment de tirer les bénéfices politiques de sa « victoire » au Liban ; et si la constitution d’un « croissant chiite » de Téhéran à Beyrouth passant par Bagdad et Damas tient peut-être davantage du fantasme intégriste que d’une réalité concrète, il n’en demeure pas moins que la dictature iranienne représente une menace non négligeable. Quid des États-Unis ? L’exportation de la « démocratie » et les tentatives de création d’un nouveau Moyen-Orient ne sont que des fantasmes néoconservateurs meurtriers. Les interventions armées de l’administration républicaine n’ont réussi qu’à transformer l’Afghanistan et l’Irak en poudrières explosives du plus abject terrorisme. C’est bien là que se rencontrent malencontreusement les rhétoriques de Bush et d’Ahmadinejad. C’est donc par une incessante série d’erreurs et de dérapages que nous continuons à nous débattre dans des conflits régionaux qui n’en finissent pas de tuer... et l’on tente de nous égarer dans le labyrinthe des polémiques marginales où le temps s’arrête pour briser le rêve et nous ensevelir dans ses oubliettes. Mais où est donc ce Liban de foi et de lumière ? Sommes-nous devenus sourds à notre raison pour oublier notre culture, occulter nos priorités et brader notre héritage ? Il ne faut pas oublier que la raison d’être d’un État ne détermine en aucune façon son destin. Il arrive que l’enchaînement et l’accélération des événements, le jeu des intérêts comme des idéologies, les incontournables problèmes constamment éludés aboutissent à une tragique fatalité. Le Liban pluriel a suffisamment fait les frais de nos peurs, de nos silences et de nos lâchetés. Il est temps de s’engager dans la foulée de l’histoire, la vérité sans équivoque et l’action sans compromis, sans quoi l’avenir sera pour tous bien plus « qu’une catastrophe qui piétine ». Paul Ph. EDDÉ
Entre les démonstrations musclées du Hezbollah après leur « divine victoire » et les pathétiques gesticulations des nostalgiques du pouvoir, un perchoir aux reflets changeants a accouché d’une proposition de table ronde nouvelle-vague, assortie d’un ultimatum épouvantail, sur des thèmes inopportuns truffés de tendancieuses partialités.
Après un langage politique...