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Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT DE RÉALISATEUR Pour Fouad Alaywan, le cinéma c’est cette magie qui transforme la réalité en une autre réalité

Il a une tête à la Almodovar. Les cheveux bouclés, les lunettes colorées et un imaginaire tout aussi fantasmagorique, insolite et provocant. Fouad Alaywan, producteur, réalisateur et scénariste (de ses propres films), est un personnage haut en couleur. Comme tous les rondouillards, il marie l’humour au débonnaire et, comme tous les gabarits impressionnants, il cache sous des propos à la fois drôles et désabusés une sensibilité à fleur de peau. Dans les locaux de sa boîte de production aux murs colorés sur dallage ancien, Fouad Alaywan a planté son décor: chaise de réalisateur, peintures-caricatures le représentant en train de filmer, caméras, DVD, affiches de films... Sans pour autant qu’il y ait là le moindre soupçon de culte de la personnalité. Et pour cause, ce réalisateur-là n’est pas de ceux qui se prennent trop au sérieux. Nettement plus versé dans l’autodérision et la dérision que dans la pose affectée, il suit, affirme-t-il, son bonhomme de chemin sans trop se faire du souci. «Il y a des choses que le destin vous réserve, d’autres que vous n’obtiendrez pas, soutient-il en fataliste convaincu. Pour moi, l’essentiel est d’être en paix avec moi-même, de profiter de chaque moment et de faire du cinéma.» Une philosophie hédoniste qui ne l’empêche pas de faire un «cinéma de questionnement», tellement ses films naissent de ses interrogations, posent des questions, donnent une réponse, mais laissent toujours la porte ouverte à mille autres conclusions et interprétations. Le tout concrétisé à travers des scénarios plutôt piquants et toujours relevés d’un soupçon de fantastique, d’absurde ou de surréel. Le pouvoir de l’image Ce cinéaste a un univers, un style qui lui sont propres. La guerre, qui est entrée dans sa vie alors qu’il était encore enfant, l’a confronté très tôt à l’absurde, dit-il. «Quand la guerre a éclaté, j’avais dix ans. Elle a tout changé: les couleurs de l’immeuble, celles de la ville, les habitants de mon quartier...» Son regard s’attachera, dès lors, à rechercher, au-delà de la surface lisse des choses, les points de ruptures. Puis tout jeune adolescent, il découvre le cinéma à travers les films en noir et blanc sur la révolution russe. «Le cinéma Clemenceau projetait ces films gratuitement. Nous étions en pleine guerre, sans beaucoup de possibilités de sorties. Ces séances constituaient pour moi et ma bande de copains un loisir dépaysant. On pouvait y rester dix heures d’affilée.» Ça ne l’a pas rendu communiste, mais a tissé entre l’image et lui une relation indéfectible. «J’ai été fasciné par le pouvoir de mémoire de l’image. Par cette trace de vie qu’elle conserve.» Des études de cinéma au San Fransisco Film Institut puis au Montana State University, suivies d’un stage d’assistant sur le plateau de Far and Away du cinéaste américain Ron Howard ainsi que d’un documentaire pour le ministère de l’Environnement de l’État du Montana sur la découverte des ossements d’un dinosaure garderont Fouad Alaywan, ce fils de Beyrouth, loin de son pays pendant cinq ans. Lorsqu’il retourne en 1992, le Liban s’apprête à entamer sa reconstruction. Il veut y participer à sa façon: cinématographiquement. En produisant des émissions pour des chaînes libanaises et arabes (dont Al-Adassa al-Arabia, une série documentaire de 52 épisodes pour al-Jazira qui traite des grands cinéastes arabes) pour justement pouvoir financer ses propres films. Des courts-métrages très personnels, qui parlent de vie, d’amour, de mort, du regard d’autrui, etc., mais toujours avec en toile de fond ou en filigrane Beyrouth et le Liban. Le Liban, un pays impossible, comme une histoire d’amour éternelle De Homesick...Sick Home à Rue 60, le premier long-métrage qu’il prépare actuellement, en passant par Hawa Beyrouth, les films de Fouad Alaywan mettent en scène des situations étranges ou cocasses, des situations qui partent toujours d’une base réaliste pour se muer en scènes irréelles. Pour Alaywan, tout l’intérêt de faire du cinéma se trouve dans «cette magie qui transforme la réalité en une autre réalité». Dans Hawa Beyrouth, par exemple, il était parti d’une idée toute simple, celle d’un homme qui se retrouve bloqué presque nu dans sa salle de bains suite au claquement de la porte provoqué par le vent de Beyrouth. Il essaie de sortir par la fenêtre, sa serviette-éponge enroulée autour de la taille, mais celle-ci s’envole également, le livrant entièrement nu aux regards des passants qui le prennent pour un pervers exhibitionniste. La question ici est, vous l’aurez deviné, celle de la vérité des choses sous leur apparence. Dans À Plus, il met en scène, à travers les aventures cocasses d’une famille libanaise installée en Suisse, les clivages de générations. Dans le film qu’il prépare, il s’interroge sur l’amour, le point de rupture d’une histoire d’amour. «Le pourquoi et le comment d’une relation fusionnelle, passionnelle commencent à se déliter. Comment du partage d’une même pomme, d’un même emploi de temps, des mêmes envies et désirs, on se dirige, subrepticement, vers des chemins qui se séparent». Des questions qui renvoient, comme toujours chez Fouad Alaywane, à une interrogation primordiale: le devenir du Liban. «Un pays qui me semble de plus en plus impossible, comme une histoire d’amour éternelle.» Zéna ZALZAL Courts-métrages – «Homesick... Sick Home» (ou «Nostalgie d’un pays malade») – 1992: premier prix au Festival du film et de la vidéo du Montana. – «Ya Salam!» – 1996. – «La nuit bleue» –1998 (sur un scénario de Raïf Karam). – «Hawa Beyrouth» – 2002: mention spéciale du Festival Off de Venise. – «À Plus» – 2006: sélectionné au Festival de Montpellier.
Il a une tête à la Almodovar. Les cheveux bouclés, les lunettes colorées et un imaginaire tout aussi fantasmagorique, insolite et provocant. Fouad Alaywan, producteur, réalisateur et scénariste (de ses propres films), est un personnage haut en couleur. Comme tous les rondouillards, il marie l’humour au débonnaire et, comme tous les gabarits impressionnants, il cache sous des...