Rechercher
Rechercher

Actualités

Le texte s’inspire des écoles de droit françaises et anglo-saxonnes Le projet de tribunal international, un « modèle unique en son genre »

Prévu pour être débattu, dès réception par le Liban, en Conseil des ministres, le projet de création du tribunal à caractère international que doit renvoyer prochainement à Beyrouth le secrétaire général adjoint aux affaires légales de l’ONU, Nicolas Michel, sera, en principe, le texte final, préludant à la mise en place d’un véritable « bijou de tribunal », comme l’a souligné une source proche du ministère de la Justice. Le dernier texte, qui avait suscité des objections de la part de plusieurs membres du Conseil de sécurité, devrait subir entre-temps les amendements nécessaires, prenant en compte les réserves émises dans les coulisses du Conseil. Certaines parties avaient en effet contesté la dénomination de « crimes contre l’humanité » figurant dans le premier projet, et qui devait guider le travail du procureur général près le tribunal chargé de juger les responsables de l’assassinat de Rafic Hariri. Dans sa nouvelle mouture, le prochain (et dernier ?) texte devrait contourner l’appellation controversée de crimes contre l’humanité qui, selon les juristes, risque de constituer une « véritable boîte de Pandore » dont la moindre conséquence serait la levée de l’immunité des chefs d’État qui seraient soupçonnés dans le cadre de cette affaire. Selon une source autorisée, une des formules envisagées pour débloquer cette impasse, et qui pourrait obtenir l’aval incontournable des membres contestataires du Conseil de sécurité, serait d’occulter le terme de « crimes contre l’humanité » et de laisser au procureur général toute la marge d’appréciation nécessaire en cours de procès, pour décider s’il y a eu actes de terrorisme international ou crimes contre l’humanité. « La logique est la suivante, explique la source : si le seul assassinat de Rafic Hariri a été considéré par la communauté internationale comme acte terroriste, ce qui par ailleurs a justifié la création de ce tribunal, que serait-ce alors une fois l’existence d’un lien avec les 14 autres assassinats – auquel fait référence la commission d’enquête internationale – est prouvée par les enquêteurs. » Pour cet expert, cela signifie que nous sommes en présence d’un chef d’accusation encore plus grave et aux effets juridiques bien plus importants dans le cadre d’un procès dont personne ne peut prévoir les répercussions juridiques aussi bien que politiques. En partant de la notion d’acte (s) terroriste (s) commis non seulement à l’encontre du Premier ministre Rafic Hariri, mais également contre le pays tout entier et son infrastructure – un crime de moindre envergure que les crimes contre l’humanité –, le tribunal ne pourra ignorer les assassinats qui ont précédé ou suivi le meurtre de l’ancien Premier ministre qui lui semblent de plus en plus liés, comme le montrent les derniers rapports du chef de la commission d’enquête internationale, Serge Brammertz. D’où l’ouverture du champ du procès, et l’élargissement, de facto, de la compétence du tribunal international aux 14 autres crimes, souligne la source. En ce faisant, le procureur général pourrait estimer, en cours de route, que l’ensemble de ces crimes sont des crimes contre l’humanité. Dans le cas où le procureur général adopterait la thèse du terrorisme international, cela ne manquera pas d’établir un précédent dans le domaine du droit international qui n’a connu, à ce jour, aucun procès relatif au terrorisme. Mais ce point de droit n’est pas la seule caractéristique de ce projet, « unique en son genre », tant du point de vue académique que sur le plan de son efficacité juridique escomptée, souligne la source. L’originalité du texte qui devrait établir le tribunal à caractère international réside surtout dans son aspect « composite », vu la multiplicité des écoles de droit auxquelles ont eu recours les magistrats libanais en charge (les juges Ralph Riachi et Chucri Sader), aidés en cela par leurs interlocuteurs onusiens. « L’idée de base a consisté à s’inspirer en même temps de l’école de droit française et du système anglo-saxon de la Common Law, en puisant dans chaque système ce qui pourrait le mieux convenir à cette affaire, explique l’expert. Ainsi, dit-il, au système de droit civil français (qui est par ailleurs peu connu au sein de l’ONU), nous avons pris le principe du “jugement par contumace”. Au système anglo-saxon, nous avons emprunté le principe du procureur général qui est en même temps juge d’instruction. » Le principe du jugement par contumace est certes très important dans cette affaire, dans le cas notamment où les coupables ne seraient pas retrouvés. Dans cette hypothèse, le tribunal pourra au moins désigner les criminels, faute de pouvoir les arrêter, et rendre public le jugement afin que l’opinion publique en soit informée. Quant au second principe, inspiré du droit anglo-saxon, il permet de confier au même juge investigation et accusation (prosecution), ce qui permet de gagner du temps et d’assurer une continuité dans le procès. Qu’en est-il alors du débat qui dure sur la question de savoir si le tribunal doit être créé avant qu’il n’y ait des actes d’accusation émis contre les suspects ? Rappelons que la thèse, soutenue notamment par la Russie, la Chine, mais aussi par le Qatar et la Syrie, consiste à dire qu’il est inutile d’établir ce tribunal tant qu’il n’y a pas d’inculpés. « Une position tout à fait défendable », précise la source judiciaire. « Toutefois, dit-elle, une autre thèse est venue contrecarrer celle-ci arguant du fait que l’enquête a déjà bien avancé, le juge Brammertz s’étant déjà constitué une idée claire sur ce dossier, voire une profonde conviction du lien qui relie les 14 assassinats à celui de Rafic Hariri. » « D’ailleurs, poursuit la source, tous les tribunaux internationaux préalablement créés l’ont été sur la base d’existence de crimes graves, et non sur la base d’actes d’accusation émis préalablement. » Ainsi, ajoute l’expert, peu importe qu’il y ait ou non des inculpés en vue, dans la mesure où c’est l’ensemble du dossier qui sera déféré devant le tribunal sur base de faits graves qui ont entraîné la mort de plusieurs personnes et la destruction d’une partie de l’infrastructure du pays, sans citer l’impact psychologique et politique de ces crimes. Cela suppose donc que les quatre généraux soient également traduits devant la justice internationale, même s’il n’y a pas encore de preuve contre eux, à moins que l’investigation en cours ne les innocente complètement à un moment précis de son évolution, permettant ainsi leur remise en liberté. Mais nous n’en sommes pas encore là. Une fois amendé, et officieusement approuvé (toujours dans les coulisses) par le plus grand nombre de membres au sein du Conseil de sécurité, le projet devra être adopté en Conseil des ministres, puis transmis au Parlement pour vote, ce qui n’est pas encore gagné, quand bien même le principe du tribunal à caractère international aurait fait l’unanimité entre les Libanais. Affaire à suivre. Jeanine JALKH

Prévu pour être débattu, dès réception par le Liban, en Conseil des ministres, le projet de création du tribunal à caractère international que doit renvoyer prochainement à Beyrouth le secrétaire général adjoint aux affaires légales de l’ONU, Nicolas Michel, sera, en principe, le texte final, préludant à la mise en place d’un véritable « bijou de tribunal »,...