Aphorismes Ajoutes-y un pas!

Confrontés aux déboires des troupes de l’Otan en Afghanistan, à la déconfiture des Israéliens au Liban et à la débandade américaine en Irak, les stratèges occidentaux réfléchissent sérieusement à ces guerres asymétriques, où des armées équipées de chasseurs-bombardiers et de missiles à longue portée peinent à venir à bout d’un ennemi muni de lance-roquettes et d’armes légères. Déboussolés, ils en viennent à regretter la parfaite et rassurante symétrie technologique de la guerre froide. Reste à savoir pourquoi l’asymétrie technologique des conflits actuels poserait problème. Les armements sophistiqués ont cette particularité, qu’ils abolissent les distances. Bombes intelligentes et missiles guidés permettent de frapper l’ennemi de loin tout en restant hors de sa portée. En comparaison, les armes de proximité des guérilleros contraignent ces derniers à s’approcher de l’ennemi au péril de leur vie. L’urgence d’une présence sur le terrain n’est donc pas la même chez les uns et chez les autres. Suréquipés, les soldats occidentaux tendent à puiser leur courage dans la supériorité de leurs armes téléguidées, derrière lesquelles ils finissent par se retrancher. Mal équipés, les combattants qui leur font face savent quant à eux que leurs armes ne valent rien s’ils ne font pas preuve d’audace. L’asymétrie technologique, on le voit, aura donné naissance à une asymétrie psychologique, qui se trouve être la vraie cause du problème. À quelqu’un qui lui demandait pourquoi les Spartiates avaient des épées courtes, le général lacédémonien Antalkidas répondit: «C’est parce que nous combattons toujours l’ennemi de près.» Alors, la prochaine fois qu’un général occidental se demandera que faire pour que ses hommes se comportent mieux à la guerre, suggérons-lui de remplacer leurs armes à longue portée par des armes de proximité. Et quand ces derniers protesteront que ces armes-là ne portent pas assez loin pour atteindre l’ennemi, répondons-leur comme jadis cette mère spartiate à son jeune fils qui lui faisait remarquer que son épée était trop courte: «Eh bien, lui dit-elle, ajoutes-y un pas!» Percy KEMP