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Actualités - OPINION

LE POINT Sous le signe d’el-Qaëda

Seize agences américaines de renseignements ont planché des mois durant sur l’élaboration d’un rapport d’un peu plus de trente pages, au titre particulièrement éloquent : « Tendances du terrorisme mondial : implications pour les États-Unis » et aux conclusions accablantes pour l’Administration US. Unanimes, ses auteurs estiment en effet que « l’invasion et l’occupation de l’Irak sont devenues la “cause célèbre” (en français dans le texte) pour les islamistes et ont aidé à la propagation de l’idéologie jihadiste ». Celle-ci, ajoutent-ils, « est en train de s’adapter aux méthodes du contre-terrorisme et el-Qaëda continue de représenter la plus grave menace pour les intérêts américains ». Il n’y a là rien de nouveau. Depuis des mois, les témoignages affluent, à Langley où se trouve le siège de la Central Intelligence Agency, comme dans la capitale fédérale elle-même où est basée la National Security Agency, mais aussi dans les principaux centres éparpillés aux quatre coins de l’univers. Ils se rejoignent pour noter que dans les cinq années à venir, les risques de voir se détériorer l’état de la sécurité sont énormes, au point de voir la situation dans certaines parties du globe échapper à tout contrôle. Depuis le week-end dernier, quand des fuites organisées ont permis à certains journaux américains, près de six mois après son élaboration, de prendre un malin plaisir à publier les bonnes feuilles de cette étude, l’émotion n’a cessé de monter. George W. Bush a dû, par deux fois en moins de quarante-huit heures, fournir des explications embarrassées d’où il ressort que les rares phrases publiées notamment par le New York Times et le Washington Post ne reflètent que de manière fort imparfaite le jugement final de John Negroponte et de ses alter ego. Et comme pour apporter un point final au débat, le président a ordonné que soient rendues publiques quelques-unes des pages incriminées – un peu moins de quatre. Est-ce suffisant pour « dissiper la confusion dans les esprits », ainsi qu’il l’a affirmé ? Il semble bien que non, puisque le chef de l’Exécutif a jugé nécessaire de revenir sur la question hier soir, à la faveur d’un dîner de travail avec le Pakistanais Pervez Musharraf et l’Afghan Hamid Karzaï. L’émotion suscitée par cette affaire s’explique bien entendu par la gravité du sujet, mais aussi, et surtout, par le fait que le scandale a éclaté à six semaines des élections du mid-term, que les républicains sont presque assurés de perdre, au vu de leurs déboires en Irak et de la montée en puissance des groupuscules terroristes évoluant dans l’orbite de Ben Laden. D’ailleurs, l’actuel locataire de la Maison-Blanche ne s’y est pas trompé en élaborant sa nouvelle ligne de défense. « Ainsi donc, a-t-il relevé, alors que nous nous apprêtons à entrer de plain-pied dans la campagne électorale, la nouvelle est là, s’étalant sur la largeur de la première page des quotidiens. Suggérer que le scénario aurait été plus rose si nous n’étions pas intervenus en Irak revient à ne pas tenir compte d’une expérience vieille de vingt ans. » Et d’asséner son argument massue : «La meilleure façon de protéger ce pays consiste à passer à l’offensive. » Donald Rumsfeld n’aurait pas dit mieux, lui dont la théorie a permis au Pentagone d’accumuler les victoires sur les bords de l’Euphrate. Mais attention ! Toute manifestation de mauvaise foi serait malvenue. À côté de l’erreur monumentale représentée par l’engagement en Irak, le texte incriminé cite la lenteur dans l’application des réformes, un antiaméricanisme grandissant, des revendications ignorées. Mais on ne peut demander aux démocrates de se montrer beaux joueurs : en pleine campagne électorale, on fait feu de tout bois. Aussi, Nancy Pilosi, chef de la minorité à la Chambre des représentants, a-t-elle exigé la publication de l’ensemble du rapport, tandis que Hillary Rodham Clinton prenait la défense de son époux, maladroitement mis en cause la veille par la secrétaire d’État Condoleezza Rice. Exemple des gracieusetés débitées mercredi par la sénatrice de New York : « Je suis certaine que si on avait montré à mon mari un rapport confidentiel intitulé “Ben Laden déterminé à frapper à l’intérieur des États-Unis”, il l’aurait pris plus au sérieux que notre président actuel. » Face à la pression de l’opinion publique, les deux grands partis ont dû modifier in extremis leurs tactiques à l’approche du 7 novembre. Alors que tout jusqu’à présent semblait indiquer le contraire, le terrorisme figure désormais en tête des préoccupations de l’Américain moyen, au même titre que le risque de flambée des cours du pétrole et le danger nucléaire iranien ou nord-coréen. Surtout si, comme vient de le révéler une élue de l’opposition, il existe une autre synthèse, encore plus lourde de conséquences pour l’équipe en place. Mais qui sera publiée à la fin de l’automne seulement. On comprend pourquoi. Christian MERVILLE
Seize agences américaines de renseignements ont planché des mois durant sur l’élaboration d’un rapport d’un peu plus de trente pages, au titre particulièrement éloquent : « Tendances du terrorisme mondial : implications pour les États-Unis » et aux conclusions accablantes pour l’Administration US. Unanimes, ses auteurs estiment en effet que « l’invasion et...