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Actualités - OPINION

Réflexions et leçons

Par le Dr Ghada El-Yafi Face à l’événement, certains veulent faire supporter à la Résistance tout le poids de cette guerre. C’est endosser l’erreur. La grande majorité des analystes politiques internationaux sait que cette guerre était prévue à courte échéance, avec ou sans prétexte; Israël ne manque pas d’en créer au besoin. Souvenons-nous de l’invasion de 1982 : le prétexte était l’attentat contre l’ambassadeur israélien à Londres. Certains insistent pour dire que la Résistance «obéit» aux ordres, tantôt de l’Iran, tantôt de la Syrie et que c’est, en quelque sorte, leur «pouvoir exécutif» au Liban. Contrairement à ces points de vue, aux yeux de la grande majorité des Libanais, aux yeux de l’immense majorité des populations arabes, la Résistance, de par son idéal et ses performances lors de cette guerre, a incarné la renaissance de l’espoir et la naissance d’un avenir nouveau. Et c’est cela que je voudrais exprimer en écrivant ces quelques lignes. Prenant prétexte de deux soldats capturés pour forcer un échange, Israël a voulu sanctionner les Libanais pour avoir hésité à exécuter la résolution 1559. Pour cette porte d’entrée du nouveau Moyen-Orient – kyrielle de petits États sous la suprématie d’Israël –, le Hezbollah est gênant, il faut donc le supprimer. Au bout de 33 jours de bombardements, les Israéliens en étaient toujours au point de départ par rapport à leurs objectifs. Essoufflés, ils réclament la cessation des hostilités. Et pour ne pas reconnaître l’échec, les États-Unis l’acceptent à condition de contraindre le Liban à une résolution, laquelle, amendée, est devenue la 1701. Que nous a appris de ce conflit? Quelles leçons en tirer? Premièrement. Nous rendre à l’évidence: Israël est un pays ennemi, sans conteste. Israël a détruit l’aéroport, les ponts, les infrastructures dès le lendemain du rapt. Mais les États-Unis peuvent-ils être encore considérés comme un pays ami? N’est-ce pas eux qui ont empêché un cessez-le-feu immédiat et donc autorisé les massacres de civils durant les 32 jours suivants? N’est-ce pas eux qui ont ravitaillé Israël en «bombes intelligentes» pendant la guerre? Et après toutes ces destructions prétendent vouloir envoyer une aide «humanitaire» sous conditions? Il est temps que les Libanais sachent reconnaître qui sont leurs amis et qui ne le sont pas. Deuxièmement. Israël est une entité «hors la loi». Tant que les Nations unies, tant que les pays qui se disent démocratiques et qui prétendent défendre les droits de l’homme ignorent ses exactions et abus, et ne prennent pas les dispositions nécessaires pour faire respecter les règles et conventions internationales, chaque peuple concerné par ces exactions crée les moyens qui lui conviennent pour accéder à ses droits. Troisièmement. Le Hezbollah: un État dans l’État? Si le Hezbollah a rempli certains rôles de l’État, n’est-ce pas parce que l’État était absent? Qui a expulsé Israël du Sud? Qui a ramené la plupart des prisonniers? Qui cherche à récupérer les eaux volées? Qui découvre les agents du Mossad? Qui tente de récupérer les territoires libanais occupés? Qui a créé des écoles et des hôpitaux partout dans les régions pauvres? Faut-il l’attaquer pour avoir été présent? Ce parti a montré des qualités peu communes: la première essentielle et fondamentale, absente chez la plupart des autres formations politiques: la crédibilité. Ses autres qualités: la capacité d’organisation à la fois pendant la guerre et après la fin des hostilités, la transparence, le courage, la loyauté, la persévérance, l’intelligence, le savoir-faire, la diplomatie. Quatrièmement. La société libanaise: elle s’est montrée bien au-dessus de la plupart des leaders traditionnels. Les Libanais ont ouvert les bras à leurs concitoyens et les ont accueillis, avec chaleur, dévoilant ainsi leur générosité spontanée. De rares voix dissidentes ont tenté, sans résultat, de diviser les Libanais et de créer des zizanies. Cela prouve qu’à l’avenir, il faudrait miser sur la société civile libanaise. C’est aux jeunes en particulier d’œuvrer pour la réédification de l’État sur des bases solides, loin des appartenances sectaires. Cinquièmement. La reconstruction : devant l’amplitude des destructions, la reconstruction doit se baser sur une planification nouvelle en vue de promouvoir le projet de décentralisation prévue par la constitution de Taëf. Elle doit aller de pair avec le développement et le marché du travail. Et, au vu de l’expérience de la reconstruction précédente, il est impératif de confier les dépenses à un organisme non politique, avec contrôle et audit. Sixièmement. L’Iran et la Syrie: la mainmise de la Syrie sur le Liban a entraîné des abus de pouvoir de connivence avec des chefs libanais, toujours présents aujourd’hui. La Syrie a quitté le Liban. Mais les voix qui la dénoncent continuent à se faire entendre. Dans quel but? Cela va-t-il dans l’intérêt du Liban et des Libanais ou bien cela est-il destiné à rapprocher l’opinion libanaise du projet américain du nouveau Moyen-Orient qui, rappelons-le, consiste à morceler la région pour mieux la contrôler? Certains ont des griefs personnels contre la Syrie et cela peut être justifié. Mais les responsables, eux, ont des devoirs envers les Libanais et, que nous le voulions ou non, les intérêts des Libanais sont avec la Syrie, en particulier face au plan américain. Il est irrationnel de continuer à insulter la Syrie et la forcer ensuite à adhérer à nos priorités. Un responsable doit savoir faire la part des choses. Quant à l’Iran, c’est aujourd’hui une nation à part entière qui n’est plus sous l’influence de pays colonisateurs et c’est ce qui provoque dans le monde occidental tant de griefs. L’Iran a dénoncé le sionisme, la conduite raciste d’Israël, et a soutenu la cause palestinienne. Faut-il lui en vouloir pour cela? Ses liens avec le Hezbollah sont essentiellement d’ordre religieux. Quant à l’idée que la Syrie et l’Iran se battent sur notre territoire, utilisant le Hezbollah, l’une pour écarter la création du tribunal international, l’autre pour détourner l’attention de son problème nucléaire, elle s’est avérée un non-sens, car les deux objectifs continuent leurs cours, guerre ou pas. Par contre, si le duo Israël-États-Unis avait en vue une guerre contre la Syrie ou l’Iran, leur plan est certainement en cours de modification. Septièmement. La résolution 1701, la Finul, le blocus: contraint, le Liban a accepté beaucoup moins que les sept points demandés par le président du Conseil des ministres. Malgré cela, la cessation des hostilités stipulée par la résolution n’est respectée qu’unilatéralement, par le Liban, grâce à la discipline du Hezbollah. Un des sept points demandés par le Liban était l’envoi des forces de la Finul pour aider l’armée libanaise à protéger la frontière sud du Liban. Les tergiversations de la France sur le nombre de soldats participant à la Finul perturbent les Libanais qui ne comprennent plus si les troupes sont là pour protéger Israël ou l’empêcher de nous agresser; pour empêcher le Hezbollah de conserver sa puissance ou pour nous mettre sous tutelle. Une note reste cependant positive: le rôle de l’armée libanaise. Épaulée par la Finul, elle peut enfin garantir la protection des populations civiles qui sont revenues dans leurs villages, même détruits, dès l’arrêt des hostilités et en coordination avec le Hezbollah. Celui-ci, tenant parole, évite toute apparence armée. En conclusion, la première conséquence de ce conflit est que dorénavant tout État ennemi réfléchira sans doute à plusieurs reprises avant de porter atteinte au Liban. L’établissement de la souveraineté nécessite des sacrifices. Le Liban les a offerts et si le gouvernement libanais ne fait pas tout pour éviter d’en perdre les bénéfices, il se rendrait coupable de haute trahison. Mettre sur pied un État ayant le monopole de la force exige un accord de tous les Libanais, c’est-à-dire une représentativité non truquée, et un gouvernement ayant les qualités nécessaires de crédibilité, d’organisation, de transparence, de loyauté, de persévérance, d’intelligence, de savoir-faire et de diplomatie. De même, l’État se doit d’être fort en édifiant une armée dotée obligatoirement de moyens de défense adéquats. Seulement alors, l’État saura que ses priorités vont au service de tous ses citoyens sur un pied d’égalité ainsi que la protection sacrée du pouvoir de décision. Et de ce fait, toute crainte de voir un État se développer dans l’État s’évanouira. Pour terminer, prions avec Pascal: «Mon Dieu, faites que la force soit juste et que la justice soit forte. »
Par le Dr Ghada El-Yafi

Face à l’événement, certains veulent faire supporter à la Résistance tout le poids de cette guerre. C’est endosser l’erreur. La grande majorité des analystes politiques internationaux sait que cette guerre était prévue à courte échéance, avec ou sans prétexte; Israël ne manque pas d’en créer au besoin. Souvenons-nous de l’invasion de...