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Actualités - OPINION

IMPRESSION Dans les limbes

Puisque nous n’avons pas grand-chose à célébrer en ce moment, rappelons-nous que les contours du Liban actuel ont été tracés un 1er septembre, il y a 86 ans. Après n’avoir été qu’une province de l’Empire ottoman, notre pays devenait enfin un pays. Le cadeau était bien embarrassant pour cet agglomérat de communautés qui se côtoyaient dans la méfiance, se fréquentaient dans la médisance, mais mouraient aussi, hélas, sous le même tyran, pour les mêmes vétilles, sur les mêmes potences. Plus que la géographie, c’est donc la soif de liberté qui a commencé à faire de nous un peuple. La suite, on la connaît, mieux vaut la faire brève, c’est la quête d’un équilibre difficile où sans cesse l’une des communautés s’affole dès qu’elle pressent la montée en puissance d’une autre. Combien de guerres déjà ? Simplifions en disant qu’aucune génération n’a été épargnée. Je n’aime pas du tout la campagne d’affichage de cette banque locale, qui ressemble au calendrier d’un prisonnier. Les années sombres y sont encadrées jusqu’en 2006, et le slogan dit : « Nous avons reconstruit, nous reconstruirons encore. » Pour le consommateur de base, cette publicité a quelque chose de démoralisant, sinon d’effrayant. Se trouvera-t-il quelqu’un pour s’engager une fois pour toutes à ne plus détruire, menacer de détruire ou appeler à la destruction ? Parce qu’un pays qui doit périodiquement repartir de zéro, en moins d’un siècle d’existence, ce n’est plus un pays, c’est une farce. Ou bien le Liban est-il dans les limbes, un pays qui « devient » encore, informe, inachevé, secoué sans cesse de douloureuses contractions. Tantôt il se présente par le siège, et tantôt par le blocus. Il faudra bien qu’un jour, la tête trouve sa voie. En attendant cet heureux événement, souvenons-nous, tous, tant que nous sommes, que nos pères ont suffisamment résisté au joug ottoman, à la grande famine, aux rafles, aux déportations, pour nous permettre de voir le jour. Nous sommes les descendants de tous ceux qui, forts de leur foi et de leur dignité, ont su trouver les mots et les clamer sur les places, au pied des potences et dans les premiers journaux indépendants qu’ils ont eux-mêmes créés dans le Moyen-Orient, pour appeler le monde à la justice et à la raison. Nous sommes, pour ne parler que des guerres récentes, un peuple qui a réchappé des pluies d’obus de quartier en quartier, des voitures piégées à tous les coins de rue, des bombardements intempestifs qui tombaient de la montagne, et l’on en passe. Nous sommes, c’est l’évidence même, un peuple de miraculés et de survivants. Cela fait-il de nous un peuple qui mérite de vivre ? Assurément oui. Et de donner au monde, une fois de plus, le mode d’emploi de la plus délicate des cohabitations. On ne pousse pas comme un champignon sur la ligne même où l’Orient et l’Occident se touchent. On ne naît pas impunément sous le soleil où Dieu a renversé les idoles. Trop grand pour être une province, trop petit pour être un pays, le Liban n’est pas fait, il est une promesse qu’un jour nous nous sommes faite. Le Liban n’est pas un territoire, il est une expérience extrême de l’esprit. C’est à nous qu’il est échu. Nous sommes élus, nous sommes damnés. Nous sommes responsables. Fifi ABOU DIB
Puisque nous n’avons pas grand-chose à célébrer en ce moment, rappelons-nous que les contours du Liban actuel ont été tracés un 1er septembre, il y a 86 ans. Après n’avoir été qu’une province de l’Empire ottoman, notre pays devenait enfin un pays. Le cadeau était bien embarrassant pour cet agglomérat de communautés qui se côtoyaient dans la méfiance, se...