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La religion de l’humanisme

Je suis arrivée à Beyrouth dans la nuit du 9 juillet pour y passer les deux mois d’été que j’attends avec impatience tous les ans depuis que j’ai quitté mon pays en 1998. Je suis arrivée dans la nuit chaude et moite, juste avant qu’en finale de la Coupe du monde, l’Italie n’arrive aux tirs au but contre la France. Et j’ai exulté avec tous ceux qui appuyaient l’Italie, moi la femme à l’âme et aux racines libanaises, au cœur et aux enfants italiens. Sur la route de l’aéroport de Beyrouth, j’avais supplié mon père de s’arrêter. Je suis descendue en courant vers un café de ceux improvisés dans la partie ouest de la ville, et unique femme présente entre les hommes en maillot de corps, fumeurs de narguilé, tous fans de l’une ou l’autre équipe, je suis redevenue «l’Orientale» animée, et, levant au ciel les bras de mes deux enfants en t-shirt de supporters, j’ai hurlé «Vive l’Italie», avec une exubérance toute libanaise. À minuit, je me suis arrêtée pour acheter le drapeau de l’Italie. La nuit du 12 juillet, les battements du cœur de mon pays ont ralenti. Personne n’imagine ce qu’est une ville qui conjugue tous les verbes à tous les temps. Personne n’imagine ce qu’est être libanais. Nous avons mille visages. Mille aspects. Femmes aux longs voiles qui effleurent le sol ou femmes endossant des bikinis brésiliens. Les uns buvant et dansant jusqu’à l’aube et les autres ne le faisant sans doute jamais. La voix du muezzin s’élève avec le son des cloches et là, à quelques kilomètres de Jérusalem, l’Orient fait son union plus paradoxale mais possible, oui, possible, avec l’Occident. Aujourd’hui, dans mon pays, il y a des enfants qui verront ce qu’ils n’oublieront jamais. Et un jour ils porteront eux-mêmes les armes. Parce que la haine s’enseigne et se sème au berceau. Aujourd’hui, en Israël, des enfants écrivent des messages sur les bombes destinées au Hezbollah, celles-là mêmes qui dépèceront les corps d’autres enfants et civils innocents, coupables simplement de vivre à deux pas de la frontière avec Israël. Israël fera le vide s’il réussit à le faire. Mais là, au Liban-Sud, la terre est promise aux seuls Libanais, et les fleuves, et la précieuse eau, tout est bien nôtre. Hier à l’aube, j’ai quitté mon pays comme une sinistrée. Je suis rentrée en Italie sur un navire militaire italien. J’ai dormi sur le pont avec les femmes du Sud qui possèdent aussi la nationalité italienne. Les yeux des enfants ont fait baisser les miens. J’ai eu honte de toutes les guerres du passé. Mais que le monde entier ait honte au procès de l’enfance qu’on sacrifie... Si l’on a inventé le globalisme, on devrait inventer encore l’unique religion du futur, l’humanisme. Pour que les hommes conservent tous leur dignité. Parce que les hommes qui la perdent n’ont plus rien à perdre. Et accomplissent l’ultime suicide. Nada SKAFF MANGANO Naples, Italie
Je suis arrivée à Beyrouth dans la nuit du 9 juillet pour y passer les deux mois d’été que j’attends avec impatience tous les ans depuis que j’ai quitté mon pays en 1998.
Je suis arrivée dans la nuit chaude et moite, juste avant qu’en finale de la Coupe du monde, l’Italie n’arrive aux tirs au but contre la France. Et j’ai exulté avec tous ceux qui appuyaient...