Rechercher
Rechercher

Actualités

Lettre au Bon Dieu

De là haut, Tu as sûrement vu le regard brûlant de Georges, 13 ans, franco-libanais rapatrié à bord d’un navire de guerre. Il en dit long sur ses vacances interrompues chez la téta, dans la maison aux briques rouges de la montagne du Sud. Ému, Tu as souri, j’en suis sûre, de la remarque de Nour, 7 ans, qui s’exclame : Cana, Galilée et Tibériade sont les villes de Jésus qui sont bombardées! Quant au silence de tombe qu’affiche Maria, 15 ans, il nous glace de tristesse. Fraîchement libérée des examens du brevet, elle voit avec effroi son été fracassé par un Merkava. Pour Toi, je ne sais pas, mais l’angoisse de Sarah, Zeina et Alexandre nous fait, à nous, frissonner. Le « après, après Haïfa » reste pour eux un mystère. Ils ont toutefois peur que ces combattants fantômes qui émergent des souterrains n’étendent leurs ombres sur leur village. Enfin les larmes de la petite Mia, sur la route sombre de Damas, nous fendent le cœur. Elle ne trouve pas de chocolat pour son grand-père, laissé derrière, en fidèle gardien des clés. Ne crois-Tu pas que la déception de nos jeunes, aussi grande que le drame qui frappe notre pays, aurait suffi pour comprendre ? Fallait-il donc extirper des enfants des décombres de Cana, ôter la vie au secouriste de la Croix-Rouge la veille de la trêve, prendre en otage une population entière fière de vivre, ébranler la révolution du Cèdre, laisser la chimiothérapie détruire les maisons saines, faire pleurer de dépit l’hôtelier, le pêcheur de poissons, sentir la brise maritime avec ses relents de pollution noire, empêcher Sylvie Guillem et Gad Elmaleh de crier leur art au sommet, enfin priver Baalbeck de la grandeur de Feyrouz pour comprendre? Tes yeux s’embuent-ils de larmes ? Fallait-il cette partie d’échecs diabolique, cette bataille navale dans une mer rouge, ces doigts levés à l’école de l’ONU où l’on joue à la guerre, pour que les deux protagonistes constatent, à l’heure des grands bilans, que la recherche du Paradis n’est pas réservée à un peuple choisi, et n’est pas non plus un suicide collectif, mais bien plus une quête personnelle et individuelle ? Fallait-il ce grand silence que seule la mort absurde jette sur nous, pour comprendre… la non-permanence des choses ici-bas ?! Et Baudelaire, dans un éclair de génie, de balbutier : « Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité, que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge, et vient mourir au bord de Votre éternité. » Tu ne réponds pas ; tu nous regardes avec une incommensurable bonté, une compassion infinie. Dr Mirna WAKED Pneumologue
De là haut, Tu as sûrement vu le regard brûlant de Georges, 13 ans, franco-libanais rapatrié à bord d’un navire de guerre. Il en dit long sur ses vacances interrompues chez la téta, dans la maison aux briques rouges de la montagne du Sud. Ému, Tu as souri, j’en suis sûre, de la remarque de Nour, 7 ans, qui s’exclame : Cana, Galilée et Tibériade sont les villes de Jésus...