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Actualités - OPINION

Les obsèques de la raison

Trêve au Liban… Ce court répit a permis de procéder aux funérailles des nombreuses victimes. Le gouvernement libanais avait prévu de faire des funérailles nationales et avait invité bien sûr toutes les autorités politiques, religieuses, nationales et internationales Beaucoup de monde autour de plus de 800 cercueils plus un : un tout petit cercueil placé à côté de ceux des enfants – il y en avait beaucoup, alignés les uns près des autres, il fallait vraiment les serrer, l’espace étant trop exigu pour les contenir tous et à cause de la foule disposée tout autour. Ce tout petit cercueil était celui de l’espérance, de l’espoir, du renouveau, de la renaissance. En effet, tout semblait bien repartir dans ce pays qui commençait à renaître après tant d’années de guerre et après la libération de la présence syrienne ; l’optimisme se répandait, était contagieux. Et tout cet élan de renaissance est retombé, est mort lui aussi ; alors, des obsèques s’imposaient pour lui. Un silence lourd pesait sur l’ensemble, ponctué par moment par des cris déchirants de mamans entre deux petits cercueils. À un moment donné, l’organisateur de cette scène funèbre fit un signe aux responsables religieux qui prononcèrent des prières. L’un d’eux termina par un vibrant appel à la paix, et dans un recueillement impressionnant, un cortège se forma pour aller en direction du cimetière. Le petit cercueil de l’espoir était dans la première voiture. Les cercueils défilèrent lentement, emportés par deux ou trois dans des véhicules transformés en corbillards Tout de suite derrière, les personnalités politiques : M. Koffi Anan, qui semblait écrasé par une situation qu’il n’arrivait pas à maîtriser, avait fait le déplacement spécialement. À ses côtés, on pouvait distinguer : M. Douste-Blazy, des représentants de l’Italie, des pays arabes facilement reconnaissables. Les États-Unis et l’Angleterre s’étaient excusés, ils n’avaient pas fini de discuter pour savoir s’il fallait un cessez-le-feu immédiat ou urgent, ils en étaient à faire de la sémantique. Derrière eux, des femmes, des hommes effondrés, en larmes, s’épaulant les uns les autres, se soutenant comme ils pouvaient. Malgré l’ampleur du drame, relativement peu de monde ; il est vrai que les routes sont défoncées, les ponts cassés, le carburant manquant … Le cortège prit la direction d’un cimetière non loin de la côte ; il fallait traverser un quartier où beaucoup d’immeubles avaient été détruits par les bombes. Quelques chiens faméliques cherchaient un peu de pitance entre les gravats ou les carcasses de voiture. À un moment donné, un petit bruit dans le ciel, un vrombissement assez léger. Tout le monde fixa le ciel d’un regard inquiet : c’était un drone israélien qui espionnait ; les gens ne furent qu’à demi rassurés. Au détour d’un immeuble encore debout, on aperçut la mer ; d’habitude, elle était d’un bleu intense avec de la belle écume blanche et joyeuse ; là elle était grise et visqueuse, dégageait une forte odeur de mazout due à la fuite des énormes cuves crevées par l’aviation israélienne. On entra dans l’immense cimetière ; les corps furent sortis des corbillards improvisés ; les pleurs des mères devinrent plus déchirants. Vu la forte chaleur qui régnait, la mise en terre se fit rapidement. La cérémonie fut d’autant plus écourtée que malgré la trêve, on commençait déjà à entendre de sourds grondements, surtout vers le sud. Parmi les gens qui se dispersèrent, un homme avec un turban blanc sur la tête, une forte barbe, à la mine guillerette, un kalachnikov en bandoulière ; on ne l’avait pas vu jusqu’alors. Quelqu’un l’interpella vigoureusement de son prénom : Hassan, qui semblait lui reprocher sa présence. Une courte altercation s’engagea, rapidement interrompue par un homme en uniforme ; il disparut dans une voiture fortement protégée. De sources sûres, on m’a rapporté qu’à Jérusalem, de semblables obsèques eurent lieu avec évidemment un nombre de cercueils beaucoup moins important ; un cercueil supplémentaire complétait l’ensemble. Comme il intriguait beaucoup et qu’il ne portait pas de nom, il fut ouvert. C’était le cercueil de la raison et du bon sens. Louis LINGOT Dagneux, France
Trêve au Liban… Ce court répit a permis de procéder aux funérailles des nombreuses victimes. Le gouvernement libanais avait prévu de faire des funérailles nationales et avait invité bien sûr toutes les autorités politiques, religieuses, nationales et internationales Beaucoup de monde autour de plus de 800 cercueils plus un : un tout petit cercueil placé à côté de ceux...