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Soixante-dix pour cent des habitants ont fui la ville Baalbeck plus que jamais sous la coupe du Hezbollah

Dans son petit bureau sans air et sans électricité, Assaad Cara, directeur de la Croix-Rouge de Baalbeck, tente désespérément de trouver un précédent historique pour analyser les événements que sa ville traverse aujourd’hui. « En 1982, quand les Israéliens ont envahi le Liban, Baalbeck était une ville refuge, car la situation ici était relativement plus calme qu’ailleurs. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Les gens fuient la ville ! » Sous le soleil implacable de ce mois d’août, cette ville de la Békaa a des allures de ville fantôme. 70 % des 125 000 habitants ont plié bagage vers la Syrie ou vers des régions plus calmes du Liban. À Baalbeck, le temps semble avoir suspendu son vol. Dans les ruines du temple, les gradins attendent des spectateurs qui ne viendront pas. Comme chaque été, la ville s’était préparée à accueillir les grands noms du spectacle qui devaient se produire dans le cadre du festival. Pour l’occasion, les routes menant aux ruines avaient été refaites. Aujourd’hui, le bitume est luisant, mais aucun bus chargé d’aficionados de Fayrouz, Caracalla ou Deep Purple n’y roule. Dans l’air, les notes de musique sont remplacées par le bruit sourd des avions israéliens qui survolent ce fief du Hezbollah. Aux abords de la ville, des camions, des stations d’essence et autres entrepôts ont été bombardés. Ce sont les nouvelles ruines de Baalbeck. Les bureaux du parti de Dieu,comme celui de l’information, à Ras el-Aïn, ont également été rasés par les obus israéliens, qui continuent de pleuvoir. Loin d’être affaiblie, la Résistance est toutefois plus que jamais présente dans la ville. Devant les monceaux de béton de ce qui était, il y a seulement un mois, un supermarché, un responsable du Hezbollah, qui ne donnera pas son nom, procède à un enregistrement des visiteurs digne des douanes de l’aéroport. Nom, prénom, nom du père, année de naissance, nationalité, employeur. « Ne soyez pas fâchés, nous devons faire ça à cause de la situation », se justifie-t-il avant de repartir, laissant les journalistes à la charge de deux jeunes hommes en pantalon et tee-shirt kaki. « Impossible de circuler ici sans eux. Baalbeck est depuis longtemps un bastion du Hezbollah. Mais aujourd’hui, la ville est totalement sous leur contrôle », explique un résident de la ville, bien informé de la situation. « Mieux encore, les gens qui ont dû fuir leur maison en confient la garde aux membres du parti. Ils comptent sur eux encore plus qu’avant. » De fait, pas un policier, agent de sécurité ou soldat n’est visible dans les rues de la ville. « Les policiers et l’armée sont là, mais dans leurs casernes », explique Ali Osman, le mokhtar de la ville qui avoue en être réduit à s’occuper des affaires administratives et ne peut même pas donner un bilan précis des victimes. « Une trentaine, je crois. » Dans la ville, on ne critique d’ailleurs les chiites du Hezbollah qu’à demi-mots. Devant le siège de la Croix-Rouge, la famille el-Ayhel, ne cache pas ses affinités politiques. Les murs de la petite allée menant à leur modeste maison sont recouverts de portraits de l’ancien Premier ministre sunnite, Rafic Hariri, assassiné en février 2005. « Je pense que le Hezbollah a fait une erreur en traversant la ligne bleue pour aller kidnapper les deux soldats. Mais, finalement, les gens du Hezbollah sont des Libanais, nous devons les soutenir. Et, face à eux, Israël massacre des civils », explique Maher. Lui et sa famille sont toujours à Baalbeck, dans leur maison modeste mais chaleureuse. D’autres habitants de la ville n’ont pas cette chance. Non loin du centre, six familles, soit une quarantaine de personnes, ont trouvé refuge dans une cave qui tient plus de la grotte. Le sol est en terre, les murs, des parois de roche, l’air est extrêmement humide. L’endroit n’est éclairé que de maigres rayons de soleil qui parviennent à se faufiler dans le trou qui sert d’entrée. Des enfants sont allongés sur des matelas crasseux posés à même le sol. « Il n’y a pas de toilettes, nous nous lavons avec l’eau de ces deux petites cruches », explique Hassan Dandach, 42 ans. Au sol, la terre mouillée colle aux semelles. « Nous avons peu de nourriture, pas de médicaments. Les enfants n’osent pas sortir d’ici, ils ont peur des avions. Vous voyez cette femme, son mari à dû être évacué. L’air est tellement insalubre qu’il a fallu lui donner de l’oxygène », explique Wahidé Shmelé, une femme de 55 ans avant de conclure : « Comment peut-on tomber plus bas que ça ? » Émilie SUEUR
Dans son petit bureau sans air et sans électricité, Assaad Cara, directeur de la Croix-Rouge de Baalbeck, tente désespérément de trouver un précédent historique pour analyser les événements que sa ville traverse aujourd’hui. « En 1982, quand les Israéliens ont envahi le Liban, Baalbeck était une ville refuge, car la situation ici était relativement plus calme...