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Actualités - OPINION

Et demain ?

Près d’un mois après le début des hostilités, l’issue du face-à-face dantesque demeure toujours aussi incertaine. Une évidence forte s’impose d’ores et déjà : celle que le Liban, faible acteur, qui malgré sa bonne volonté affichée passe plutôt pour faire de la figuration sur sa propre scène qu’il offre pour le théâtre d’autres, en sera le grand perdant. Une fois de plus. Car les dommages infligés par Israël sont très lourds. D’autant plus lourds qu’ils s’abattent sur un petit pays surendetté, qui peinait à se dégager des effets plombeurs de quinze années d’une guerre dévastatrice. Dommages donc. Humains d’abord. Plus de 900 morts à ce jour parmi les civils – principalement des femmes et des enfants – et les militaires. Plus de 3000 blessés. Plus de 800000 personnes déplacées, le cinquième de la population du pays. Dégâts matériels aussi. Faramineux. Dont le montant dépasserait les 3 milliards de dollars. Une infrastructure balayée ; 90 % des ponts du pays détruits, l’aéroport paralysé, des quartiers en ruine, des usines touchées… La liste est longue. Dégâts environnementaux enfin. Avec une marée noire, la plus effroyable des catastrophes environnementales dans l’histoire du pays, qui nécessitera une bonne dizaine d’années avant d’être définitivement éradiquée. Mais au-delà de tous ces préjudices directs infligés par Israël, il y a aussi des préjudices indirects. Et ce ne sont pas les moindres. Économie. L’activité de tous les secteurs est ralentie, voire atrophiée. Le manque à gagner du secteur touristique est gigantesque. Il faudra des efforts colossaux pour rétablir une envolée qui s’annonçait superbe : gros efforts financiers, évidemment, mais surtout efforts de communication avec le monde sur la capacité étonnante du Liban à rebondir d’une part et sur son caractère attractif d’autre part. Social. Israël a en quelques jours déclenché un exode qui a redessiné temporairement la carte démographique du pays. Localement, certains villages hôtes, dont les capacités en eau, nourriture… n’avaient pas été prévues pour un tel afflux de personnes, commencent à être dépassés. L’ombre de la catastrophe humanitaire se profile. Mais, plus encore, que va devenir le paysage social libanais quand tout cela sera terminé ? Est-ce que les déplacés pourront rentrer chez eux ? Est-ce qu’ils en auront l’envie ? Dans le cas contraire, est-ce que l’hospitalité des régions d’accueil sera indéfectible ? Est-ce que certains réflexes de rejet de l’autre, vils et primaires, qui prévalent en temps de guerre, et que nourrissent la colère, le désespoir et la haine, vont finir par ressurgir à la longue ? Est-ce que cette proximité entre populations touchées par l’exode et populations épargnées, qui met encore plus en exergue des déséquilibres sous-jacents, ne va pas remettre en surface des clivages – réels ou inventés ? – maintes fois réapparus dans l’histoire du pays ? Est-ce que les politiciens chéris de ces populations vont avoir l’intelligence et la finesse de ne pas jouer sur ces sensibilités-là ? Politique. Israël voulait détruire le Hezbollah. Or, on ne tue pas un mouvement enraciné dans une société par les armes. La barbarie d’Israël ne va-t-elle pas, au contraire, aider à consolider les assises du parti de Dieu ? Car les frappes ennemies ne touchent pas le Hezbollah, mais le Liban. Et le peuple meurtri, aveuglé par la tristesse et la colère, ne s’en remettra-t-il pas à celui qui s’est opposé par les armes aux bombardements criminels du voisin ? S’en remettre à la guerre pour se défendre de la guerre… la plus belle des alternatives. Demain donc, quel sera le visage politique du Liban ? Est-ce que le Hezbollah aura l’honnêteté intellectuelle de ne pas utiliser les événements en sa faveur, et de s’intégrer à la légalité ? Va-t-il avoir le courage de se positionner au même niveau que n’importe quel autre mouvement politique libanais et de se plier aux règles du jeu démocratique ? Est-ce qu’il aura le courage – s’il le fait, ce sera tout en son honneur – de s’adresser à son électorat en lui expliquant tout cela ? Les questions sont nombreuses. À force de nous rebattre les oreilles avec son « nouveau Proche-Orient », le porte-parole de l’Oncle Sam aura réussi, par la défiguration totale du pays du Cèdre, à enclencher l’opération esthétique dont il rêvait depuis un certain temps, pour façonner son « nouveau Liban ». Demain, quand la guerre sera terminée, le Liban ne sera plus le même. Pourvu alors que ce soit en faveur du Liban… dans sa totalité. Sarah HATEM Paris
Près d’un mois après le début des hostilités, l’issue du face-à-face dantesque demeure toujours aussi incertaine. Une évidence forte s’impose d’ores et déjà : celle que le Liban, faible acteur, qui malgré sa bonne volonté affichée passe plutôt pour faire de la figuration sur sa propre scène qu’il offre pour le théâtre d’autres, en sera le grand perdant. Une...