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Actualités

Société La langue des Innus canadiens en péril d’extinction

Dans les réserves indiennes innues de l’Est canadien, la langue traditionnelle se meurt, les anciens peinent à la transmettre à la génération montante dont l’avenir économique passe par la maîtrise du français et, de plus en plus, de l’anglais. « À ce rythme, on va perdre la langue bientôt, dans une génération », lance sans ambages Denis Vollant, de l’Institut culturel et éducatif montagnais (ICEM), une organisation basée sur la Côte-Nord québécoise, vouée à la pérennisation de la langue innue dans les écoles. Le peuple innu ou montagnais, à ne pas confondre avec les Inuits du Grand Nord canadien, est installé depuis des temps immémoriaux dans les provinces de Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador et compte aujourd’hui quelque 15 000 personnes, dont la majorité vit dans une dizaine de réserves. Le Canada compte au total 1,3 million d’autochtones. La natalité est en chute libre au Canada depuis quelques décennies, mais la démographie est galopante chez les Innus dont entre 35 % et 45 % de la population est âgée de moins de 15 ans, selon l’Institut national de la statistique. Cette fécondité ne permet toutefois pas d’assurer la survie de la langue et de la culture ancestrales d’une population confrontée à un chômage endémique, dépassant par endroits les 60 %. Les autorités innues sont prises entre l’arbre et l’écorce, désirant former une élite capable de prendre en main l’avenir de la collectivité, ce qui passe par le succès dans le système d’éducation officiel, mais aussi préserver l’enseignement de la langue traditionnelle. « C’est sûr qu’on veut maintenir la langue, la protéger, la sauvegarder, la promouvoir, mais, dans les faits, les parents nous disent aussi que le français ou l’anglais sont importants pour permettre aux jeunes de trouver un emploi à l’extérieur de la réserve parce que dans la communauté, il n’y en a presque pas », poursuit M. Vollant. Les seuls emplois de qualité dans la réserve de Nutashkuan, située à 1 400 kilomètres au nord-est de Montréal, sont au Conseil de Bande ou dans les services publics, assure le chef local Antoine Ishpatao. Certaines écoles dans les réserves offrent une ou deux heures d’enseignement de l’innu par semaine, et les directeurs se plaignent du manque de ressources et de manuels scolaires. « Dans mon école, je n’ai pas eu de cours d’innu avant le secondaire (sixième) », affirme Jasmin, 16 ans, un duvet sous le nez, sirotant une bière dans la réserve de Nutashkuan. Au lycée de Betsiamites, réserve située à mi-chemin entre Montréal et Nutashkuan, un dictionnaire français-montagnais est exposé dans la vitrine du hall, et plusieurs enseignes sont redigées dans la langue innue. Ces signes de renaissance sont toutefois assombris par les affiches sur la prévention du suicide et la photo, sur le mur du secrétariat, des huit seuls diplômés pour une classe qui comptait une soixantaine d’élèves au départ. « Les jeunes recherchent leurs racines, mais ils se voient en même temps dans l’obligation de réussir en français pour avancer, pour être fiers. J’ai toujours trouvé qu’on était assis entre deux chaises », explique Daniel Rock, directeur de l’école. Et une troisième chaise s’ajoutera bientôt. Le gouvernement du Québec impose pour septembre des cours d’anglais dès la première année du primaire. « Si, en plus, l’anglais apparaît en première année du primaire, ça va être terrible », pense M. Rock, faisant état des difficultés des élèves aussi bien en français qu’en innu, et du vocabulaire montagnais qui s’étiole depuis la création des réserves indiennes qui a précipité la sédentarisation de ce peuple de chasseurs. « Il y a des mots que je ne comprends même plus moi-même, dont tous les mots décrivant les activités en forêt », dit-il.
Dans les réserves indiennes innues de l’Est canadien, la langue traditionnelle se meurt, les anciens peinent à la transmettre à la génération montante dont l’avenir économique passe par la maîtrise du français et, de plus en plus, de l’anglais. « À ce rythme, on va perdre la langue bientôt, dans une génération », lance sans ambages Denis Vollant, de l’Institut...