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Actualités - CHRONOLOGIE

Les premiers jours sont caractérisés par un sentiment de panique, d’inhibition et d’annihilation La vie est plus forte que la destruction provoquée par la guerre, insiste Chawki Azouri

Comme dans un cauchemar, le 12 juillet, la guerre nous a pris de court. N’ayant pas perdu les mécanismes de défense, acquis durant les tristes années des conflits déjà vécus, les Libanais se sont approvisionnés en produits de première nécessité. Ils ont aménagé les abris, déserté les maisons proches des zones militaires vers des lieux plus sûrs, ou plié bagage, s’embarquant à bord du premier bateau à la recherche d’un meilleur lendemain. Une réaction tout à fait compréhensible, d’autant que l’impact immédiat de la guerre demeure, selon les spécialistes, celui de « la terreur et de la panique ». « Dès les premières bombes, les Libanais ont retrouvé leurs réflexes d’antan, se ruant sur les supermarchés pour s’approvisionner, comme si la guerre allait être longue », explique le Dr Chawki Azouri, directeur du service psychiatrique de l’hôpital Mont-Liban. « Le premier impact est donc celui de l’annihilation, de la terreur et de l’inhibition, poursuit-il. Les gens restent scotchés devant la télévision à revoir les mêmes nouvelles. Ils sombrent dans la passivité. Et d’un coup, on ne sent plus la vie, non seulement dans les zones bombardées, mais aussi dans les zones sûres. » Vient ensuite la deuxième étape, au cours de laquelle « les gens désertent leur maison, même ceux qui n’habitent pas la banlieue sud ou le Liban-Sud ». « Nous sommes passés actuellement à la troisième phase, ajoute le Dr Azouri. Les gens commencent à s’habituer à la dureté de la guerre, aux bombardements et à la mort. Dans cette phase, la vie retrouve ses petites habitudes. C’est une réaction très fondamentale qui signifie que la vie est plus forte que la destruction provoquée par la guerre, encore que dans son imagination, sa créativité et son désir d’éternité, l’homme est inventif. » Une réaction qui pousse le Dr Azouri à remarquer qu’il n’existe pas un risque réel de voir augmenter, dans l’immédiat, les cas de dépressions nerveuses, d’autant que devant la terreur externe (provoquée par la guerre et les catastrophes naturelles), les personnes mettent « en veilleuse leurs conflits internes ». « La terreur interne, c’est-à-dire l’angoisse, l’anxiété, la détresse et la panique, est plus difficile à vivre que la terreur extérieure, parce que tout simplement on ne peut pas la fuir, remarque le Dr Azouri. Or dans cette situation de guerre, les personnes souffrant de déprime, d’inhibition, d’anxiété, etc. mettent en veilleuse leurs conflits psychiques internes, quelles que soient leurs manifestations, dans leur tentative de fuir le danger externe. » Le Dr Azouri met toutefois en garde contre la période de l’après-guerre au cours de laquelle tous les conflits psychiques internes, qui ont été tus, « vont réapparaître en force ». « Des personnes qui n’ont jamais souffert d’un conflit psychique vont se retrouver, du fait de la guerre, face à des traumas qu’ils n’ont jamais vécus et aux moyens qu’ils vont pouvoir inventer pour les traiter. Là, on va voir apparaître les névroses de guerre, qui sont des névroses traumatiques comme l’angoisse, les palpitations, la peur, la dépression, etc. Il s’agit d’un phénomène très courant sur le plan clinique que l’on pourrait observer dans tous les pays qui ont connu la guerre. » Mais nous remarquons une plus grande consommation de tranquillisants au sein de la population. « En cette période, j’estime que le citoyen libanais terrorisé n’a pas à aller consulter un psychiatre pour prendre un tranquillisant. Connaissant la facilité du Libanais à l’autoprescription, les citoyens qui sont anxieux peuvent prendre des tranquillisants pour pouvoir dormir, car le sommeil est important pour récupérer. Ils peuvent prendre uniquement des tranquillisants. Ni des antidépresseurs ni un autre genre de psychotropes, parce qu’il s’agit de médicaments dangereux qui ne peuvent pas être pris sans avis médical. De même, il faudrait qu’ils évitent les somnifères. Toutefois, lorsque la guerre prendra fin, il est impératif que ces personnes consultent un spécialiste. » Le Dr Azouri constate, par ailleurs, qu’en cette période, la population libanaise est divisée en trois catégories. Les personnes qui se trouvent dans les zones militaires et désertent leurs maisons pour fuir le danger, les personnes qui restent chez elles mais qui compatissent avec les déplacés ou se portent volontaires pour les aider, et enfin les personnes qui poursuivent leur vie habituelle, comme si la guerre se déroulait dans un autre pays. « D’un point de vue moral et descriptif, on peut bien évidemment être critique vis-à-vis de cette dernière catégorie de personnes qui ne semble pas être concernée par la guerre, avance-t-il. Mais d’un point de vue analytique, il faut qu’il y ait de la vie quelque part pour la transmettre aux autres zones. Parce que la vie est contagieuse. La mort ne l’est pas. » Nada MERHI
Comme dans un cauchemar, le 12 juillet, la guerre nous a pris de court. N’ayant pas perdu les mécanismes de défense, acquis durant les tristes années des conflits déjà vécus, les Libanais se sont approvisionnés en produits de première nécessité. Ils ont aménagé les abris, déserté les maisons proches des zones militaires vers des lieux plus sûrs, ou plié bagage,...