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Actualités

Un si petit pays, de si grandes causes…

Le 28 décembre 1968, l’aéroport international de Beyrouth était bombardé. Cette attaque israélienne avait laissé, cloués au sol et détruits, treize avions libanais. Lourd tribut payé alors par le Liban à la présence armée palestinienne sur son sol, et de l’action des fedayine au Liban-Sud. Le 13 juillet 2006, trente-sept ans six mois et treize jours plus tard, l’aéroport international de Beyrouth, qui nous a coûté des millions de dollars, sans compter les petits pots-de-vin et les grandes commissions, le gaspillage et les accords juteux (aéroport dont nous étions néanmoins si fiers) est bombardé de nouveau. Ses trois pistes sont rendues inutilisables. En un jour, nous basculons tous d’une réalité dépassant nos espérances, maigres il est vrai, à un cauchemar bien réel vécu depuis des jours au quotidien. Lourd tribut payé par le Liban tout entier à cause de la présence sur notre sol, qui est le leur aussi, d’une fraction armée. Nous sommes tous les otages d’une décision qui a été prise par des hommes non responsables (pourtant au gouvernement), décision unilatérale et isolée, non consensuelle, provoquant en quelques jours la destruction de ce que des dizaines de milliers de Libanais ont reconstruit pendant quinze ans, avec acharnement et détermination, foi et courage, au prix d’un labeur quotidien qui, pour beaucoup d’entre eux, a dévoré les plus belles années de leur vie, pour rendre possible un avenir digne et civilisé à leurs enfants. J’ai été de toutes les guerres, de toutes les campagnes nationales, de toutes les manifestations, depuis 1975 à ce jour. Lorsque la résistance avait sa raison d’être parce que le Liban était occupé – et bien que cette résistance ait été dirigée contre une seule des deux occupations de mon pays, l’israélienne et non la syrienne –, je l’ai soutenue et aidée, dans la mesure de mes moyens, et bien qu’étant à des années-lumière de sa doctrine. Après l’assassinat de Rafic Hariri, pendant des semaines et des semaines, après dix à douze heures de travail au bureau, je suis descendue chaque jour manifester à la place des Martyrs. Je suis Libanaise et fière de l’être, mais je refuse d’être Libanaise dans un Liban détruit et ruiné sans autre raison que la poursuite de chimères. J’ai une indigestion de chimères, une nausée des grandes causes, un dégoût de tous les mots en « isme », arabisme, nationalisme, christianisme, sionisme, islamisme, fanatisme, héroïsme et autres. Aujourd’hui, je ne manifesterai plus pour rien ni personne, surtout pas pour la résistance. La résistance n’a plus sa raison d’être. Toutes les raisons qu’elle avance pour justifier sa permanence sont factices, c’est-à-dire fausses, et fallacieuses, c’est-à-dire qui cherchent à tromper ; elles sont dictées de surcroît par des intérêts non libanais. À propos, où sont aujourd’hui l’Iran et la Syrie, leurs divisions blindées et leurs obus ? J’oubliais : nous ne valons pas la peine que l’Iran lève le petit doigt pour nous, il le fera seulement si la Syrie est attaquée. Tous les combattants du Hezbollah peuvent allègrement mourir au Liban-Sud : ils ne sont que libanais. Dont note. Je ne veux plus défendre la cause de personne : ni celle des Palestiniens, ni celle des Rwandais, ni celle de Aung San Suu Kyi. Je veux défendre seulement la cause du Liban, ma cause, qui doit devenir leur cause, puis un jour, je l’espère, notre cause. Je veux défendre la cause d’un Liban libre dans tous les sens du mot, souverain dans tous les sens du mot, indépendant dans tous les sens du mot. Je veux qu’aucun Libanais n’ait aucun choix autre que celui de penser, dire et agir envers son pays en fonction d’une devise unique : aimez-le ou aimez-le. Aucune alternative n’est possible. Nous avons payé trop cher toutes les autres, « Aimez-le ou quittez-le », « Aimez-le comme nous le voulons ou disparaissez ». Si nous voulons vivre ensemble, et nous le voulons, car notre diversité est notre richesse, et le Liban est notre trésor commun, il n’y a qu’un choix, un seul : le Liban avant tout, avant tous, voisins, cousins, frères et faux frères inclus. Ce Liban-là exige des décisions courageuses, qu’il est grand temps d’exprimer et de mettre en place, car nous payons aujourd’hui le prix de nos lâchetés. Ces décisions sont : 1 – Un cessez-le-feu, mais pas n’importe lequel : un cessez-le-feu qui ne nous ramène pas au statu quo ante, qui ne soit pas qu’un report du problème, qui institue une solution radicale, claire et durable. 2 – Le désarmement du Hezbollah : ses armes au lieu de protéger le Liban ont provoqué sa destruction. Dorénavant, il faut qu’il soit clair que nul autre que l’armée libanaise ne peut porter les armes. 3 – Le retour déclaré à l’état d’armistice avec Israël. 4 – Cela en attendant de négocier ensuite, dans la sérénité, une paix équitable, seule issue réaliste à ce conflit qui n’en finit plus, solution à laquelle se sont rendus de nombreux pays arabes, et non des moindres, dont l’Égypte, champion de l’arabisme ; et à laquelle rêvent tous les pays arabes modérés, sans oser le dire et sans savoir comment y parvenir sans être traités de traîtres. J’ai bien dit paix, pas fraternité – nous l’avons vue à l’œuvre – ni amitié. Les modalités d’application de cette paix décideront de l’amitié et/ou de la fraternité (Dieu nous en préserve). Dans toute existence, celle des hommes, des nations ou des empires, dans tout cheminement, il y a LE moment de vérité. Ce moment de vérité est arrivé pour le Liban. Il est temps que nous ayons le courage d’afficher nos opinions, sans avoir peur d’être traités de lâches, de traîtres, d’agents américains, ou de sionistes. Nous sommes des Libanais qui aspirent à une vie normale, dans la concorde civique, et la paix. Nawal EL-MÉOUCHI
Le 28 décembre 1968, l’aéroport international de Beyrouth était bombardé.
Cette attaque israélienne avait laissé, cloués au sol et détruits, treize avions libanais. Lourd tribut payé alors par le Liban à la présence armée palestinienne sur son sol, et de l’action des fedayine au Liban-Sud.
Le 13 juillet 2006, trente-sept ans six mois et treize jours plus tard, l’aéroport...