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Actualités - CHRONOLOGIE

À l’hôpital de Tyr, le lugubre ballet des brancards ne s’arrête pas

Tyr, d’Émilie SUEUR Dans leur offensive contre le Hezbollah, les Israéliens n’en finissent pas de massacrer des civils libanais. Hier matin, deux missiles ont visé, de manière extrêmement ciblée, une voiture transportant la famille Zabad, à 50 mètres de l’entrée de l’hôpital Najem, à Tyr. Les engins de mort sont tombés juste derrière le véhicule. Au centre des urgences de l’hôpital, l’atmosphère est électrisée. « Taisez-vous ! Dégagez les enfants aux étages supérieurs ! » hurle un médecin, alors qu’une femme, blessée au pied lors du tir contre la voiture, est au bord de la crise d’hystérie. Dans le hall passe un brancard sur lequel gît un adolescent, le visage couvert de sang. Puis un autre brancard, où repose un vieil homme, les yeux rivés au plafond et les bras en croix. « Dieu que nous haïssons les Israéliens », lâche Nada Najem, la femme du directeur de l’hôpital qui s’est réfugiée dans l’établissement avec ses quatre enfants. Deux femmes en tchador noir surgissent en se frappant le visage : « Où sont-ils, où sont-ils ? » Derrière elles, le lugubre ballet des brancards ne s’arrête pas. Au premier étage, toutes les chambres sont remplies de blessés. Zeina a tout juste 13 ans. Allongée dans un lit, sa mère, blessée à la main se tenant à ses côtés, raconte le cauchemar. Elle vient de Aïtaroun, un petit village situé à la frontière avec Israël. Elle et des proches ont quitté ce village soumis à d’intenses bombardements israéliens il y a cinq jours. Depuis le début de l’offensive, le Liban-Sud n’en finit pas de se vider de sa population. Sur la route menant de Saïda à Tyr, les villages sont désertés. Des tracts sont régulièrement largués par l’aviation israélienne pour pousser les habitants à fuir. Mais une fois sur les routes, alors qu’ils se sont pliés aux injonctions des Israéliens, les civils sont toujours une cible pour les missiles. Zeina et sa famille ont quitté leur village dans un convoi de trois voitures. Après quelques heures passées sur la route, la première voiture a été visée par un missile. Puis la seconde, tuant sur le coup un père de famille. « Nous avons fui les voitures parce qu’ils larguaient des bombes au phosphore, explique Zeina. Nous avons couru nous réfugier dans les champs, mais ils nous ont encore bombardés à deux reprises. » L’une des bombes est tombée sur la grand-mère de Zeina. Elle est morte sur le coup, les deux jambes arrachées. Blessée aux jambes, à la main et à l’épaule, Zeina se repose aujourd’hui. On lui parle d’une évacuation vers un hôpital de Beyrouth. « Je ne suis pas sûre de vouloir partir d’ici, explique-t-elle. J’ai trop peur qu’ils nous tirent une nouvelle fois dessus. » Dans la chambre en face, deux garçonnets pleurent, le visage couvert de sang. Ali, 14 ans, et Abbas, 12 ans, viennent du village de Tiri. Le minivan qui les transportait ainsi que 17 autres personnes vers Tyr a également été visé par les missiles israéliens alors qu’il arborait des drapeaux blancs. Ils viennent d’arriver à l’hôpital, où ils ont reçu quelques soins. Leur père est mort, leur mère est en salle d’opération. « Quand nous avons été évacués par la Croix-Rouge libanaise, ma grand-mère respirait encore. Mais elle était coincée dans la voiture, nous avons dû la laisser », raconte Ali, le souffle coupé par les larmes. Assise à côté de lui, Hiba, 17 ans, pleure doucement. Elle est blessée à la main et un filet de sang coule sur son visage, encadré par un tchador noir. « Où est ma sœur ? demande-t-elle en pleurant. Elle a 15 ans et porte un tee-shirt bleu. » Une infirmière entre dans la chambre et demande à Nada : « J’ai une petite fille aux urgences, elle est blessée. Je ne sais pas où sont ses parents. S’ils sont vivants ou morts. Quelqu’un cherche-t-il une petite fille ? » La sœur de Hiba, Khautar, est elle aussi aux urgences. Avant de rentrer en salle d’opération, un éclat d’obus a blessé sa main. Elle raconte que son père a été tué lors de l’attaque israélienne. Dans les jardins du Rest House de Tyr, des réfugiés ont eu plus de chance. Ils sont arrivés sains et saufs. Leur calvaire n’est pas terminé pour autant. Ils attendent qu’un bus les rapatrie vers Saïda. Elham, une femme d’une cinquantaine d’années, n’a que des questions à poser. « Quand allons nous partir ? Qui va nous emmener ? » En face d’elle, visiblement désemparée, une responsable de l’association dirigée par Bahia Hariri n’a pas de réponse. Le calvaire des Libanais du Sud est loin d’être terminé.
Tyr, d’Émilie SUEUR

Dans leur offensive contre le Hezbollah, les Israéliens n’en finissent pas de massacrer des civils libanais. Hier matin, deux missiles ont visé, de manière extrêmement ciblée, une voiture transportant la famille Zabad, à 50 mètres de l’entrée de l’hôpital Najem, à Tyr. Les engins de mort sont tombés juste derrière le véhicule.
Au centre des...