Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE La vie, comme les uniformes, ne vaut plus grand-chose en Irak

«Armée irakienne, police, ministère de l’Intérieur, armée américaine. Choisissez ! Nous avons tous les uniformes », lance un vendeur de Bagdad qui désire rester anonyme : les faux uniformes sont souvent utilisés lors des centaines d’enlèvements et d’assassinats. Dans le même temps, le ministère de l’Intérieur a lancé un appel à la population lui demandant de dénoncer, via un numéro de téléphone mis en service pour l’occasion, « les personnes utilisant de faux uniformes (...) les mauvaises gens en ayant utilisé des pour des enlèvements et vols ». Parallèlement, la télévision publique Iraqia diffuse fréquemment un spot : deux malfrats mal rasés, vêtus d’un uniforme bleu de la police, enfilent un brassard « IP » (police irakienne) et se présentent au domicile d’un homme. Celui-ci hésite à les suivre quand surgissent deux policiers bien rasés. Ce sont les vrais. S’ensuit un duel de Western à la Sergio Leone qui tourne à l’avantage des vrais policiers. Le clip est plutôt grossier, mais la réalité dépasse toutefois la fiction. L’usurpation d’identité est devenue monnaie courante. L’avocat de Saddam Hussein, Khamis al-Obeidi, avait ainsi été enlevé puis assassiné fin juin par des hommes affirmant appartenir au ministère de l’Intérieur, alors que des hommes portant des uniformes militaires ont enlevé samedi 29 personnes, dont le patron du Comité olympique irakien Ahmad al-Hijia al-Samarraï. Ce ne sont que deux exemples d’une longue liste. Place Tahrir à Bagdad, nul besoin de fouiner pour trouver des uniformes, ils sont partout en devanture. Une chemise de la police ? 3,25 dollars. Un pantalon ? 5,5 dollars. Le béret ? 1,5 dollar. Le brassard ? 1 dollar. Les insignes ? entre 15 cents et un dollar. Dans des boutiques de grands hôtels, on peut même s’acheter des décorations et médailles. « Je regrette que les tenues militaires se trouvent en vente libre sur le marché et puissent être importées », a affirmé le général Abdelaziz Mohammad dans un briefing sur le sujet lundi. Et d’annoncer : « Nous allons importer de nouvelles tenues pour nos unités et que personne ne pourra se procurer. Elles seront difficiles à imiter. » La solution des problèmes ? Si les couturiers importent effectivement du textile pour faire des faux, la majorité des uniformes est en fait de vrais. « Ce sont les membres des différents corps qui vendent leur uniforme », explique un couturier. Un commandant du ministère de l’Intérieur, rencontré par l’AFP mercredi place Tahrir, explique sous le couvert de l’anonymat qu’il est venu vendre son uniforme neuf pour en acheter un vieux. Il peut ainsi présenter à tout moment à ses chefs le nombre d’uniformes qu’on lui a confiés tout en réalisant un petit bénéfice de 20 à 30 dollars. Les salaires oscillent entre 250 et 400 dollars selon les grades et les forces de sécurité (un soldat touche par exemple plus qu’un policier) dans un pays où les prix grimpent. « Nous achetons les uniformes neufs 20 à 25 dollars et nous les revendons 40 USD. Le prix des occasions dépend de leur état. Cela peut descendre assez bas, » explique un vendeur. « Un jour, un membre de l’armée nous en a vendu 60 d’un seul coup. Mais le lendemain, il y a eu une descente. Ils espéraient les récupérer. On a l’habitude, on stocke les uniformes ailleurs », poursuit le vendeur. Parmi les uniformes, il y a aussi des tenues US fournies par les interprètes et traducteurs locaux travaillant dans les unités américaines. C’est plus cher que les tenues irakiennes : 70 dollars pour l’uniforme et 70 pour les bottes. Le vendeur ajoute : « Les bottes américaines sont les meilleures. Inimitables. » Nafee ABDEL JABBAR et Patrick FORT (AFP)

«Armée irakienne, police, ministère de l’Intérieur, armée américaine. Choisissez ! Nous avons tous les uniformes », lance un vendeur de Bagdad qui désire rester anonyme : les faux uniformes sont souvent utilisés lors des centaines d’enlèvements et d’assassinats.
Dans le même temps, le ministère de l’Intérieur a lancé un appel à la population lui demandant de...