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Actualités - OPINION

EN APARTÉ Amours chiennes

21 juin. Drôle de date pour entamer une rencontre hebdomadaire, dégager les mercredis, placer un rituel. C’est le début de l’été, le 21 juin, et l’été, c’est orgiaque : plein de soleils, plein de margharitas frozen, plein de décibels, plein de sable entre les doigts de pied, plein de blanches nuits, plein de balades en Harley dans la Békaa, plein d’avions qui atterrissent à l’aéroport RH, plein de capotes usagées et de draps épuisés, plein de main dans la main, plein de tête-à-tête dans des restos pleins, plein de rires et de larmes ensemble, plein de sauvageries et de tendresses, plein de ruptures barbares et d’aime-moi je t’aime ; l’été, c’est la saison des rencontres. C’est simple, banal, beau, une rencontre, ce segment d’amour, lisse, plein, ou physique, torturé, sans issue, ou serein, sentimental, obscène, Nous Deux. Hasard, coïncidence ou conséquence minutieuse d’entremises en tous genres : il y a alors, c’est normal c’est la loi de la rencontre, des rétines qui s’écarquillent, des yeux qui ne se lâchent plus, des mains devenues brusquement moites et honteuses, des ventricules qui palpitent, des défis à relever, des montées de sève, des descentes de drinks, des peaux qui se fanent à trop se chercher au lieu de se trouver, des échanges de SMS, comment tu as eu mon numéro ? puis des collages de corps, des orgasmes hagards, brutaux, volés à l’arrière de berlines, ou de longues nuit doucettes au milieu de pétales de rose, des bulles dans des baignoires de palace, des flûtes qu’on déverse lentement, c’est cool un(e) inconnu(e), c’est parfait quand on sait qu’on ne le(la) reverra jamais, on peut tout dire et tout faire avec un(e) inconnu(e), le(la) quitter quelques minutes après, essayer de le(la) revoir, tous les jours jusqu’au départ, encore plus loin, plus haut, plus fort s’il n’y a pas d’avion qui attend ; c’est la rencontre des étés, la saison des pavanes, l’heure des aveux, les paupières un peu basses, comme l’Italienne Alice qui dit : « Je ne sais pas ce qui m’a pris(e), je n’ai pas du tout l’habitude de faire ce genre de chose, tu sais » ; elle le dit bien des heures après avoir griffonné son numéro de téléphone sur un carton et que le serveur l’eut donné au narrateur beau comme un ange qui dînait en famille, une table devant, dans une trattoria à Romanze, au fin fond du Frioul, et qui finira par l’appeler, à Alice, un peu plus tard, qui lui fera l’amour et qui lui dira, encore plus tard, avec le pouce et l’index : « Je suis à ça de tomber amoureux de toi. » Les affres d’une rencontre. 21 juin. Chacun peut commencer à regarder un film dans son film : vivre sa rencontre tout en lisant celle de Nicolas Fargues, à deux, en se disputant le livre, ou seul, sur le sable ou sur un lit, avant, pendant ou après la rencontre. Ce livre est une bombe nucléaire, une histoire simple, une vie et un roman, un work of art, une écriture folle, une écriture Ferrari, pire que sublime, belle ; ce livre s’appelle J’étais derrière toi, c’est édité chez POL, le monsieur à l’histoire s’appelle Nicolas Fargues, et il lui est arrivé la même chose, à la lisière d’un été, la même chose que n’importe qui d’entre nous ; il lui est arrivé une rencontre. L’été s’est terminé, ciao mio amore, ciao, we don’t need to be sad, it’s just the beginning of a beautiful and long story, je t’aime, te quiero, ti amo, i love you, ciao, ciao, ciao. Une rencontre, c’est une séparation. C’est la même émotion, nécessairement : c’est du Nicolas Fargues, un peu après un 21 juin. Ziyad MAKHOUL
21 juin. Drôle de date pour entamer une rencontre hebdomadaire, dégager les mercredis, placer un rituel. C’est le début de l’été, le 21 juin, et l’été, c’est orgiaque : plein de soleils, plein de margharitas frozen, plein de décibels, plein de sable entre les doigts de pied, plein de blanches nuits, plein de balades en Harley dans la Békaa, plein d’avions qui...