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Actualités - REPORTAGE

Reportage À Téhéran, les prisonnières d’Evine vivent dans des cellules sans portes

Cellules sans portes, couloirs immaculés et cours d’alphabétisation distinguent le bloc des femmes de la prison d’Evine, à Téhéran, dont la direction a exceptionnellement ouvert les portes à la presse hier. Cette visite est intervenue à une semaine d’une réunion de la commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève, où le système pénitentiaire iranien devrait de nouveau faire l’objet de critiques d’ONG. Le bâtiment en brique de deux étages réservé aux femmes ressemble à celui des hommes, qu’on devine entre les arbres sur ce site de plusieurs hectares planté sur le flanc de la montagne de l’Alborz, qui domine la ville au nord. Sur les 2 575 prisonniers que compte Evine, 375 sont des femmes, selon Sohrab Soleymani, chef des prisons pour la province de Téhéran. Comme Samaneh, qui préfère ne donner que son prénom et son âge (19 ans), affairée sur une machine à coudre à la confection d’un pantalon dans l’atelier de couture. « On travaille de sept heures du matin à deux heures de l’après-midi et on est payées pour ça », explique la jeune femme, en détention provisoire pour vol. L’atelier vise à faciliter la réinsertion des détenues, selon les responsables de la prison, tout comme les cours d’alphabétisation. Dans une petite salle de classe équipée de barreaux, douze femmes de tous âges sont penchées sur leur livre d’école. Maryam, 26 ans, y dispense ses cours quotidiennement à un effectif de 28 « étudiantes ». Elle suit pour sa part des cours de théâtre pour « devenir metteur en scène », assure-t-elle, quand elle sortira dans un peu plus de cinq ans, après avoir purgé une peine de 15 années pour complicité de meurtre. « Ceux qui le souhaitent peuvent étudier pour passer du stade d’illettré à l’université », affirme M. Soleymani. Sur les plus de 27 000 prisonniers que compte la province, environ 500 sont arrivés à ce stade, selon lui. Pour Hassan, un homme de 52 ans travaillant aux cuisines, l’heure n’est plus aux études. Mais il n’en considère pas moins qu’Evine « est la meilleure prison d’Iran » pour ce qui est des conditions d’existence. Il en veut pour preuve la nourriture abondante, « avec du riz tous les jours et souvent de la viande », qu’un autre prisonnier est justement en train de découper. Dans le quartier des femmes, on est passé à un système de cellules ouvertes, sans portes, depuis un peu plus de deux ans, en même temps que le bâtiment a reçu un coup de jeune. Les chambrées, équipées d’un système d’air conditionné pour supporter les chaleurs étouffantes de l’été, contiennent 21 lits de fer, empilés par trois. Au bout du couloir, fait de carreaux de pierre et aux murs couverts de céramique, deux téléphones fonctionnant avec des cartes permettent d’appeler l’extérieur. « Toutes les détenues sont logées à la même enseigne, qu’elles soient ici pour meurtre ou simple vol », dit le directeur de la prison, Abbas Khamizadé. Evine a longtemps traîné une réputation sinistre de lieu de détention des prisonniers politiques, au service de la Savak, la police secrète du régime du shah Reza Pahlavi. Elle a conservé ce rôle après la révolution islamique de 1979, avant de devenir une prison rassemblant « essentiellement des condamnés pour crimes économiques », selon M. Soleymani. Néanmoins, c’est toujours là que le ministère des Renseignements, qui a succédé à la Savak, enferme ses prisonniers de choix. Pierre CELERIER/AFP
Cellules sans portes, couloirs immaculés et cours d’alphabétisation distinguent le bloc des femmes de la prison d’Evine, à Téhéran, dont la direction a exceptionnellement ouvert les portes à la presse hier. Cette visite est intervenue à une semaine d’une réunion de la commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève, où le système pénitentiaire iranien devrait...