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Actualités - interview

Le ministre des Affaires étrangères en visite au Liban Le Nagorny Karabakh, une enclave arménienne en quête de reconnaissance

Parce qu’il dirige la diplomatie d’un pays qui n’existe pas, officiellement du moins, Giorgi Petrossian est un homme occupé. En visite au Liban, il n’a pas ménagé ses efforts pour promouvoir l’idée d’un Nagorny Karabakh indépendant et reconnu en tant que tel par la communauté internationale. Point de tension du Sud Caucase, le dossier du Nagorny Karabakh empoisonne les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis plus de 15 ans. C’est en 1988 qu’éclate une guerre entre ces deux pays. Un conflit sanglant qui fera plus de 25 000 tués et des centaines de milliers de déplacés. En 1991, dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique, ce petit territoire à très large majorité arménienne, mais situé en Azerbaïdjan, déclare unilatéralement son indépendance à l’issue d’un référendum. Trois ans plus tard, un cessez-le-feu est signé. Les hostilités prennent fin, et le Nagorny Karabakh passe en quasi-totalité sous le contrôle de la communauté arménienne. Depuis cette date, la situation n’a pas évolué. Quelques accrochages sont enregistrés, mais globalement la situation est assez stable. Elle n’en est pas optimale pour autant. Les tensions persistant, le développement du Nagorny Karabakh, sous perfusion arménienne, et de la région en général sont entravés. Depuis le début de l’année, une série de négociations ont été organisées, dont la dernière a rassemblé autour d’une même table, à Bucarest, le président arménien, Robert Kotcharian, et son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev. À l’issue de ce tête-à-tête, le dossier semblait toutefois toujours complètement bloqué. « Nous revendiquons l’indépendance. Une requête qui a été formulée par le peuple lors du référendum de 1991. Dans le cadre des négociations, le statut final du Nagorny Karabakh est le fond du problème. Si nous ne parvenons pas à la reconnaissance du droit de notre peuple à l’autodétermination, tous les autres points sont secondaires. À partir du moment où notre statut sera reconnu, nous nous assiérons à la table des négociations et pourrons éventuellement faire des compromis. Pas avant », affirme Giorgi Petrossian, ministre des Affaires étrangères du Nagorny Karabakh, en visite à Beyrouth. Aujourd’hui, nous sommes encore loin de ce résultat, aucun pays, pas même l’Arménie, ne reconnaissant l’indépendance du Nagorny Karabakh. Les dernières résolutions onusiennes sur ce dossier font toute référence à cette région comme appartenant à l’Azerbaïdjan. Et l’équilibre des pouvoirs dans la région ne semble pas jouer en faveur de l’enclave de montagnes et de vallées. Dans le cadre de la quête européenne du nouveau Graal, à savoir les ressources énergétiques, gazières ou pétrolières, l’Azerbaïdjan dispose d’arguments de poids. En visite à Paris fin mai, le président azerbaïdjanais avait annoncé qu’il discuterait de l’approvisionnement en gaz de l’Europe avec Jacques Chirac. Depuis janvier dernier, date d’une crise entre l’Ukraine et la Russie qui avait perturbé les livraisons de gaz en direction de l’Europe, cette dernière cherche des sources d’approvisionnement alternatives. L’Azerbaïdjan pourrait ainsi disposer d’un levier pour faire pencher la balance, dans le cadre de négociations sur le Nagorny Karabakh, en sa faveur. « Je voudrais poser une question aux Européens. Ont-ils seulement besoin de gaz et de pétrole, ou de défendre les valeurs morales et humaines ? » s’exclame le ministre. Par ailleurs, l’accession à l’indépendance du Nagorny Karabakh pourrait être mal vue par certains pays voisins, comme la Géorgie, qui doivent eux-mêmes faire face aux velléités sécessionnistes de plusieurs régions. Des pays qui, en outre, ont établi une alliance avec l’Azerbaïdjan. Fin mai, le président géorgien réaffirmait son attachement au Guam (organisation qui réunit la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie) et son souhait de développer les interactions en son sein. « Cette alliance est politique et énergétique. Elle va certainement vouloir exercer une influence sur les conflits de la région. Le temps va nous montrer si elle peut réussir dans cette entreprise ou non. Oui, il faut reconnaître que cette alliance nous inquiète car elle peut causer des problèmes », explique M. Petrossian. Les dernières négociations n’ont pas donné de résultats, quelle est la suite du programme ? « Des rencontres sont prévues au niveau des ministres des Affaires étrangères. Mais aujourd’hui, le président Aliev ne contribue pas à créer un environnement sain pour ces discussions, car il multiplie les déclarations belliqueuses. En mars dernier, il a déclaré que si les négociations n’aboutissaient pas, il recourrait aux armes. De facto, l’Azerbaïdjan tente de faire pression sur la communauté internationale », affirme le ministre. Y a-t-il un risque que la guerre reprenne ? « Je ne crois pas, mais le président Aliev a dépassé les limites de l’acceptable. Le président arménien a d’ailleurs réagi en déclarant que si les Azerbaïdjanais continuaient de tenir ce genre de propos, l’Arménie reconnaîtrait le Nagorny Karabakh. » Le dossier semble bien loin d’être bouclé, tant les questions que pose le Nagorny Karabakh sont étroitement liées aux enjeux centraux qui agitent le Caucase du Sud. Pas de quoi toutefois décourager le ministre Petrossian, visiblement résolu à ne pas lâcher son bâton de pèlerin. Émilie SUEUR

Parce qu’il dirige la diplomatie d’un pays qui n’existe pas, officiellement du moins, Giorgi Petrossian est un homme occupé. En visite au Liban, il n’a pas ménagé ses efforts pour promouvoir l’idée d’un Nagorny Karabakh indépendant et reconnu en tant que tel par la communauté internationale.

Point de tension du Sud Caucase, le dossier du Nagorny Karabakh...