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Concert - À l’église Saint-Joseph(USJ) À horizons ouverts avec l’Orchestre symphonique national libanais et le pianiste Vahan Mardirossian

Une chaleur étouffante à l’église Saint-Joseph (USJ) où se pressait un public nombreux. Salle archicomble pour l’une des meilleures prestations de l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de Harout Fazlian avec un invité de marque, le brillant pianiste Vahan Mardirossian. Illuminée, l’autel orné de deux magnifiques colonnettes couvertes de roses multicolores, l’église des pères jésuites devait résonner de splendides partitions où dominaient, à horizons ouverts, les chatoiements de la musique de Sibelius, Rachmaninov et Tchaïkovski. De la véhémence, de la passion, du rythme, du panache, des couleurs, du tempérament dans ces pages bouillonnantes de vie telle l’irrépressible montée d’une sève printanière… Ouverture en grande pompe avec le somptueux poème pour orchestre Finlandia de Jean Sibelius, écrit en 1899 et développant un thème inspiré du lied l’Attente de Schumann, mêlé de motifs populaires du pays des grands froids. Retentissants paysages sonores où s’amplifient majestueusement les luttes que le peuple finlandais a soutenues durant toute son histoire pour s’affranchir de la tutelle russe…. Généreux hommage à la gloire d’une patrie passionnément portée dans le cœur quand on sait l’attachement de Sibelius à la terre des légendes de la Kalevala… D’un lyrisme à l’autre avec la partition Rhapsodie sur un thème de Paganini de Serge Rachmaninov, ardemment et brillamment défendue au clavier par le jeune pianiste Vahan Mardirossian, nouvelle coqueluche des pianophiles du monde entier. Cheveux frisés coupés court, barbe de « vartabed » des hauts plateaux du pays de Sayat-Nova, généreusement corpulent dans son costume noir avec papillon sur chemise blanche, le regard pétillant, Vahan Mardirossian a une surprenante aisance et légèreté dès que ses doigts effleurent les touches d’ivoire. Mais aussi une indéniable puissance dans ses accords magistralement plaqués. Aériens sont ses arpèges d’une tendresse de caresse de plume, divinement égrenés, comme des rangs de perles qu’on lâche par mégarde dans un lumineux éclaboussement…Et, bien sûr, la partition de Rachmaninov, sur un délirant tournis de notes et mélodies paganiniennes, incantatoires et possédées par un esprit endiablé, répondait parfaitement aux plus secrètes et redoutables aspirations d’un pianiste qui, sans nul doute, sait que la musique lui appartient. En profondeur. Comme une vague démontée ou un rêve plus tenace et obsédant qu’un désir, cette rhapsodie échevelée, tout en tonalités tonitruantes ou folles de passion, atteint des cimes inégalées, d’un lyrisme postromantique débridé. La poésie à la russe et à l’état pur ! C’est-à-dire avec emphase, emportement, sans retenue. Bravoure et maestria garanties pour une performance à couper le souffle où précisions et déchaînement faisaient un tumultueux mariage d’amour. Jamais clavier, même le plus éloquent, ne fut aussi éblouissant, aussi véhément et péremptoire ! Après ces salves de notes incendiées, une salve d’applaudissements ! Standing ovation de rigueur pour un pianiste au sourire éclatant. En bis, en solo absolu, bien sûr, la plus célèbre et la plus célébrée des Polonaises du prince du clavier, Frédéric Chopin. Moment hypnotique où la musique est à la fois lave de volcan et prière ardente, caresse infinie et bouleversement intérieur. Mais ce qui aurait dû être apothéose dans cet emballement maîtrisé d’un jeu parfait a capoté à la fin des dernières mesures. L’héroïque, combative et brillante Polonaise est brusquement empêtrée dans sa terrible vélocité car une touche du clavier a sauté… Paganini avait l’habitude de réduire en cendres fumantes les cordes de son archet et voilà que Vahan Mardirossian pulvérise l’ivoire du clavier… Résultat : entorse aux doigts d’un pianiste à la fois habité de tous les démons et porté par tous les anges, absent dans son ivresse de jouer, totalement investi à son art. Tout comme le public resté médusé et subjugué jusqu’aux derniers soupirs d’un clavier aux accords et rythmes menés à un train d’enfer. Ce qui en soi est déjà une prouesse, sans parler d’une sensibilité à fleur de peau d’un artiste hors pair qui illumine déjà la musique de toutes les nuances et tous les contrastes souhaités… Petit entracte et place au plus cosmopolite des musiciens russes : Piotr Ilytch Tchaïkovski, avec deux œuvres orchestrales au lyrisme passionnel bouleversant. D’abord ce détonant Capricio italien où éclate tout l’amour du soleil, de la liberté et de l’Italie d’un compositeur au cœur pris dans l’étau d’une prison muette au temps d’une répression morale où toutes les amours ne pouvaient dire leur nom… Randonnée heureuse et flânerie entre mélancolie et espoirs souriants d’un opus respirant une évidente joie de vivre. Notamment cette merveilleuse « tarentella » d’une fraîcheur décapante. Suit l’Ouverture fantaisie de Roméo et Juliette, écrite en 1869, une des œuvres les plus poignantes, qui contribua largement à faire connaître le compositeur de Casse-Noisette à l’étranger, loin de son village natal Votkinsk. Le thème shakespearien de l’amour inaccessible, dans sa plénitude, ne pouvait laisser indifférent Tchaïkovski, lui -même en proie à l’isolement et l’incompréhension dans sa tourmente affective et sentimentale. Déchirante dans sa mélodie, chargée d’une force persuasive de la tolérance, expressive et colorée, cette narration passionnelle reste un chef-d’œuvre d’émotions. Émotions à l’état pur où les sons, la mélodie et les rythmes ont, sur l’auditeur, plus de prise et d’emprise que les vocables et les mots. Les amants de Vérone restent ici d’une incandescente beauté avec en premier plan les pressants souhaits de réconciliation de deux familles irrémédiablement ennemies. Flot splendide de notes où la musique a tous les miroitements, tous les pouvoirs. Absolument tous les pouvoirs, celui de briser les frontières et de panser les plaies des cœurs meurtris. Dans cette église remplie jusqu’aux derniers rangs d’un public religieusement recueilli, et sous l’explosion des fleurs joyeusement colorées de l’autel, les voûtes illuminées accueillent les superbes derniers assauts orchestraux d’une houleuse partition où l’amour, mystère de tous les mystères, demeure à la fois objet de rédemption et de discorde. Seule la musique a le pouvoir de paix et d’apaisement que nul ne pourra lui ravir. Et c’est avec ce sentiment d’élévation que sont accompagnés les applaudissements de l’auditoire face aux musiciens et à leur chef d’orchestre qui tirent gracieusement la révérence. Edgar DAVIDIAN
Une chaleur étouffante à l’église Saint-Joseph (USJ) où se pressait un public nombreux. Salle archicomble pour l’une des meilleures prestations de l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de Harout Fazlian avec un invité de marque, le brillant pianiste Vahan Mardirossian. Illuminée, l’autel orné de deux magnifiques colonnettes couvertes de roses...