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Actualités - CHRONOLOGIE

SÉCURITÉ - La non-ratification par le Liban du traité d’Ottawa, un obstacle aux aides internationales Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, plus d’un demi-million de mines polluent le territoire libanais

La guerre du Liban est bel et bien terminée. Israël s’est retiré du Liban-Sud le 24 mai 2000. Anniversaire qui devrait être célébré dans deux semaines. Mais les traces du conflit meurtrier qui a secoué le pays durant des décennies sont loin d’être effacées. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, plus de 500 000 mines antipersonnel, mines antichar, pièges et engins explosifs en tout genre, baptisés UXOs, polluent toujours l’ensemble du territoire libanais, dont la grande majorité, placée par l’armée israélienne, est concentrée sur la Ligne bleue, frontalière avec Israël (370 000 mines environ) et dans les régions de Nabatyé, Jezzine, Hasbaya et de la Békaa-Ouest (100 000 mines au moins). Faisant du Liban-Sud la région du monde la plus concentrée en mines. Mais ce chiffre officiel, qui compte uniquement les mines répertoriées sur les champs identifiés, risque, dans la réalité, d’être bien plus important. Et pour cause, la présence de mines dans le pays est le résultat des différentes guerres qui se sont déroulées sur son sol. Placées par les nombreuses milices de tous bords ou par les armées régulières, y compris l’armée libanaise, seules les mines laissées par l’armée israélienne sont répertoriées au moyen de cartes remises en 2003 à l’ONU. Et encore, ces cartes, représentant environ 80% des champs de mines laissés par l’armée israélienne, ne sont pas toujours précises, certaines étant parfois fausses, sans compter qu’au fil des années et compte-tenu des pluies torrentielles qui s’abattent en hiver sur le pays, les mines bougent et changent souvent d’emplacement. Des accidents à la pelle Résultat, rien qu’en 2005, on dénombre 26 accidents, portant à 5 000 le nombre global des victimes des mines au Liban. Des victimes dont on compte environ 45 % de morts et 55 % de blessés lourdement handicapés pour avoir eu un ou plusieurs membres arrachés, ou pour avoir perdu la vue. Après une baisse remarquable, suite aux nombreuses campagnes de sensibilisation entreprises par l’armée libanaise et à la présence d’équipes de déminage sur le terrain, les accidents se sont dramatiquement multipliés l’année dernière, et plus précisément dans le sud du pays, car la population, principalement composée d’agriculteurs, cherche à rentabiliser ses terres au maximum. Poussés par le besoin mais aussi par le désir de normalité, les agriculteurs et les éleveurs de chèvres prennent chaque jour davantage de risques, dépassant sans arrêt les limites des champs de mines, pourtant clairement indiqués comme étant dangereux, dans leur grande majorité. Quant aux plus jeunes, ils sont souvent victimes de leur inconscience et de leur ignorance. Régulièrement, un nouveau drame révèle l’emplacement d’un champ de mines non répertorié, alors que sur les champs identifiés, les accidents se multiplient, plus dramatiques les uns que les autres : le 12 février 2005, quatre adolescents du village de Markaba ont enjambé les barbelés d’un champ de mines de la Ligne bleue pour se faire photographier, avec Israël en toile de fond. L’un d’entre eux a marché sur une mine et a eu la jambe arrachée. Les trois autres ont été blessés par les éclats. Le 20 juillet 2005, un villageois de Toul préparait son terrain à la construction. Il a heurté une mine avec une pelle et a été tué sur le coup. Le 28 octobre 2005, c’est dans le village de Ramiya qu’un homme de 34 ans a été mortellement blessé par un autre engin explosif. Le 10 novembre 2005, un berger a été pris dans un champ de mines alors qu’il tentait de sauver sa vache, déjà mortellement blessée par une mine. Le berger a pu être sauvé par des secouristes, mais la vache a péri. Le 14 décembre 2005, trois fillettes ont été blessées par une mine dans la région de Saksakié. L’aînée, âgée de 14 ans, a eu la main amputée et les deux autres ont été blessées aux pieds. Le dernier accident remonte à un mois à peine, ressemblant tragiquement aux autres drames. Six ans après le retrait israélien du Sud, et alors que la stabilité s’installe, pourquoi les mines continuent-elles de menacer une population qui n’aspire qu’à mener une existence normale et à exploiter ses terres au maximum ? Pourquoi les travaux de déminage, qui avaient démarré en force en 2002, sont aujourd’hui ralentis, voire quasiment arrêtés ? Des aides qui se raréfient Certes, 35 millions de dollars ont été débloqués en 2002, grâce à l’Opération solidarité émiratie (OES), permettant ainsi le retour des déplacés du Sud dans leurs villages, suite au retrait israélien. 56 455 mines antipersonnel, 1 637 mines antichars et 4 211 UXOs, disséminés sur 5 millions de mètres carrés, ont ainsi été détruits dans un temps record de deux ans. Un déminage, qui, placé sous le contrôle de la MACC SL (Centre de coordination pour l’action contre les mines, Liban-Sud), a été possible grâce à un efficace partenariat entre le Bureau national de déminage (NDO) de l’armée libanaise, l’ONU et le Fonds émirati. Mais depuis la fin de cette opération en mai 2004, les aides sont plus rares et moins importantes. Selon le Bureau national de déminage, 50 millions de dollars sont encore nécessaires pour nettoyer la totalité du pays. Mais les fonds manquent et les travaux de déminage ne fonctionnent plus qu’au ralenti, traitant les urgences au cas par cas, avec 200 démineurs de l’armée libanaise et 30 autres de l’association humanitaire britannique MAG (Mine Advisory Group-Lebanon), grâce à l’expertise technique de la MACC SL qui prépare, gère et vérifie l’ensemble des opérations. Mais si l’armée se voit dans l’impossibilité d’embaucher et de former davantage de spécialistes, la MAG, elle, risque de n’être plus en mesure de payer ses démineurs et ses équipes de soutien (tous libanais), au cas où les financements s’arrêtent. Sans parler des frais d’entretien des équipements, du coût d’appareils supplémentaires de déminage, de chiens démineurs, etc. Les 4 millions de dollars assurés annuellement par l’armée libanaise et les quelques autres millions de dollars récoltés çà et là, auprès de quelques pays amis, ne peuvent, à eux seuls, permettre un déminage efficace et rapide du pays. Aujourd’hui, l’attention des autorités libanaises et des Nations unies se tourne vers 151 villages des cazas de Jezzine, Nabatyé, Hasbaya et de la Békaa-Ouest, regroupés en zone 6. Une zone dont le coût de déminage est estimé par la MACC SL à 15 millions de dollars et qui a été partagée en 6 secteurs, pour en faciliter le financement, le nettoyage de chaque secteur pouvant coûter entre 1,5 et 3 millions de dollars. Certes, si le budget est assuré, dans sa totalité, le déminage du secteur pourrait être terminé en 18 mois, au maximum. Quant au déminage de la Ligne bleue, il n’est toujours pas envisagé par les autorités libanaises, décision politique oblige. En fait, tant que la tension persiste entre le Liban et Israël, la présence des mines est considérée par le gouvernement comme un rempart à une éventuelle incursion ennemie. Dans cet état des lieux et compte tenu que le Liban n’a toujours pas ratifié le traité d’Ottawa, « Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction » (à l’instar d’Israël et des États-Unis), le gouvernement peut-il espérer un soutien absolu pour le déminage, de la part des Nations unies et de l’Europe, et plus précisément un afflux des aides internationales ?
La guerre du Liban est bel et bien terminée. Israël s’est retiré du Liban-Sud le 24 mai 2000. Anniversaire qui devrait être célébré dans deux semaines. Mais les traces du conflit meurtrier qui a secoué le pays durant des décennies sont loin d’être effacées. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, plus de 500 000 mines antipersonnel, mines antichar, pièges et engins explosifs...