Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Dans le « jurd », les Syriens occupent les terrains, érigent des remblais et ont la gâchette facile Le ras-le-bol des habitants de Ersal : « Il n’y a pas que Chebaa à libérer »

Les Syriens continuent à souffler le chaud et le froid. Dans le « jurd » de Ersal et à quelque sept kilomètres à l’intérieur du territoire libanais, des travaux de remblai ont été érigés, interdisant toute libre circulation dans la région et coupant en deux les domaines. La situation fait grincer des dents les habitants qui accusent les Syriens de « délimiter leurs nouvelles frontières ». Durant 29 ans d’occupation, « la zone était militarisée, interdite d’accès à la population. Toute personne qui s’y aventurait était suspectée d’espionnage et risquait la prison. Après le retrait, en avril 2005, les paysans ont pu récupérer leur terre, l’ont travaillée et plantée d’arbres fruitiers et voilà qu’ils sont à nouveau obligés de la laisser à l’abandon. Ils n’osent plus s’en approcher de peur qu’on leur tire dessus. Les Syriens ont la gâchette facile. Mais cette fois qu’on se le dise, on n’a pas l’intention de renoncer à nos biens. Il n’y a pas seulement les fermes de Chebaa à libérer », disent certains, visiblement excédés. Il faut une autochenille ou un robuste tout-terrain pour prendre d’assaut les chemins du « jurd » de Ersal. De Wadi al-Mayl à Wadi Mortabia, en passant par Wadi Mira, Hawarté, Ichaab el-Kaf… les sentiers muletiers sont taillés dans les massifs rocheux qui se succèdent et se font écran. Chaque chaîne de montagne franchie en dévoile une autre dont il faut traverser les brusques lacets. Pas de villages. Tout juste, de temps en temps, des vergers ou une maison de berger. Le silence règne en maître dans cette zone frontalière quasi désertique. Le calme impressionnant est rompu par le moteur de la 4x4 qui peine à suivre le chemin, par les roues qui patinent, qui calent et freinent soudain face à des doubles remblais de sable de quatre ou cinq mètres de hauteur, érigés comme un barrage devant toute perspective…Un exemple parmi cent autres, le verger de Ahmad Alouli s’étale de part et d’autre des remblais. Il ne peut plus accéder qu’à une partie de son lopin de terre. Même scénario chez Abou Rabih qui, dans le passé, a subi la pression pour céder son terrain que « les Syriens ont essayé de lui prendre, de lui acheter pour une bouchée de pain, le menaçant même des pires sévices pour lui faire signer des papiers, mais il a tenu bon, expliquent nos guides, qui, pour des mesures de sécurité, ont voulu garder l’anonymat. Ce tracé vise, soi-disant, à faire échec à la contrebande. C’est un alibi bidon puisque le trafic illicite continue. Les Syriens connaissent tous les contrebandiers, les appuient et leur facilitent le travail. » En effet, les riverains des deux côtés n’ont pas besoin de jouer aux cascadeurs pour traverser la frontière. Longeant les murs de remblai, nos chauffeurs nous indiquent les ouvertures (comme un large couloir) qui y sont pratiquées pour permettre aux véhicules des trafiquants de poursuivre leur chemin. « C’est par cette route que transitent 90 % du mazout », précisent nos guides, ajoutant que « certains jours, l’activité est intense. Il y a quelque temps, une chaîne de télévision a filmé le ballet des camions, des bolides tout-terrain et des motos-coursiers… La frontière est une véritable passoire pour les trafics en tout genre. Et dans la foulée, on ne sait plus qui entre et qui sort du pays. » Sur le chemin se dressent des monticules de sacs de sable et de ferraille. « La Syrie achète notre sable, et la ferraille qu’elle nous vend est acheminée vers Chtaura où elle est compressée à la casse avant d’être revendue à l’étranger pour fondre l’acier. » Puis désignant du doigt les terrasses de culture sur le versant ouest des massifs montagneux, ils signalent que ces plantations dépendent de la circonscription foncière de Ersal : « Elles sont la propriété des Libanais, mais ce sont des Syriens, arrivés dans le sillage de l’armée occupante, qui les exploitent depuis 1976. » Sur un autre versant, faisant aussi partie des limites administratives de Ersal, « sont installés des Syriens originaires de Kara et Jarajir, villages frontaliers. Ils détiennent des titres de propriété datant de l’occupation ottomane, ou encore des années 20. Mais cela reste notre territoire où l’État devrait étendre toute son autorité. » « Accablés » par trois décennies d’occupation auxquelles viennent s’ajouter les « manœuvres du tracé des frontières » et la menace de perdre leurs biens, les habitants de Ersal se disent « prêts à libérer la terre par le sang s’il le faut ». Mohammad Hassan al-Houjairy, « moukhtar » des lieux, tente de calmer les esprits : « Je sais que la terre est sacrée, mais essayons de ne pas envenimer la situation. Elle pourra remettre en cause nos relations avec les habitants de Kara et Jarajir, qui sont nos amis mais aussi nos parents par alliance. Les responsables ont établi un cadre général pour régler les litiges. L’État seul peut dessiner nos frontières, définir les limites et mettre fin aux empiètements. C’est la seule manière de vivre en bonne intelligence. » Le président du Conseil municipal, Bassel Ahmad al-Houjairy, qui prône une politique réclamant « le rééquilibrage des relations syro-libanaises », a révélé qu’une commission mixte s’est réunie plusieurs fois à Baalbeck pour examiner la question et « nous leur avons demandé d’enlever tous les remblais. Nous planchons sur les limites administratives des bourgs et des villages frontaliers et nous essayons de clarifier les divergences, particulièrement dans certaines zones où Libanais et Syriens détiennent des titres de propriété. Le dossier est complexe, il nécessite du temps et ne peut être résolu en un seul round de pourparlers. C’est un sujet extrêmement sérieux qui porte sur la manière d’assurer la souveraineté du Liban et la stabilité. » Un tel objectif ne peut être atteint que si les frontières sont rendues imperméables à toute intrusion étrangère. May MAKAREM
Les Syriens continuent à souffler le chaud et le froid. Dans le « jurd » de Ersal et à quelque sept kilomètres à l’intérieur du territoire libanais, des travaux de remblai ont été érigés, interdisant toute libre circulation dans la région et coupant en deux les domaines. La situation fait grincer des dents les habitants qui accusent les Syriens de « délimiter leurs...