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Actualités - ANALYSE

Éclairage « L’industrie de la peur » est florissante aux États-Unis

Le téléphone de Randy Markey a commencé à sonner le 12 septembre 2001 au matin et ne s’est pas arrêté depuis. Pour ce fabricant de containers spéciaux pour bombes, virus et matériaux radioactifs, comme pour tout le secteur de la sécurité aux États-Unis, la destruction du World Trade Center a marqué le début d’un âge d’or dont personne n’entrevoit la fin. Dans les allées de la GovSec (pour « Government Security ») Exhibition, qui rassemble dans l’immense hall du centre de conférences de Washington plus de 500 fournisseurs d’équipements pour l’armée, la police et la surveillance, Randy n’est pas seul à se réjouir. « L’impact du 11-Septembre a été immédiat », assure ce vice-président de la société Nabco, installée près de Pittsburg (Pennsylvanie, Est). « Les appels ont commencé dès le lendemain. Nos ventes ont triplé, et même plus que ça. On a embauché, sous-traité. Là, ça se calme un peu, mais il y a encore beaucoup d’argent dans le système à dépenser pour ce genre d’équipements. » Avec 31 milliards de dollars de budget votés pour 2007, le département fédéral de la Sécurité intérieure passe depuis sa création, en 2002, des centaines de contrats avec des milliers de sociétés, pour financer des programmes de recherches ou d’équipements. Dans son bureau proche de la Maison-Blanche, Mark Shaheen, ancien diplomate devenu analyste dans le cabinet Civitas, fondé en 2003 pour étudier le secteur de la « Homeland Security », estime « le marché mondial de la sécurité pour le secteur privé à au moins 40 milliards de dollars, dont la moitié aux États-Unis ». « Il croît d’environ 10 % par an depuis le 11-Septembre, ce qui n’est pas rien. » Un autre cabinet de conseil, Cronus Capital Markets, a créé un indice spécialisé dans ce genre de valeurs : il a augmenté de 12 % depuis le début de 2006, contre 4,9 % pour l’indice Dow Jones. Le secteur est si florissant qu’il a généré une presse spécialisée : le magazine Government Security, créé il y a moins d’un an, ne traite que des « solutions technologiques pour la défense de la patrie ». Dans les allées de la foire-expo à GovSec, les grands noms du secteur de l’armement comme Boeing ou Northrop Grumman côtoient des PME qui ne connaissent pas la crise. Partout, une même foi en la toute-puissance technologique de l’Amérique pour remporter la « guerre au terrorisme ». Les vendeurs, mâchoires carrées, nuques rasées et poignées de main à broyer des noix, proposent d’un air soucieux badges électroniques, rangers allégés, gourdes sophistiquées, slips kangourou noirs « commando », armes et lasers de toutes sortes. La Harley Davidson « Special police » côtoie le camion de commandement hi-tech à 1,5 million de dollars. On peut s’inscrire pour des stages commandos où, assure un jeune homme en pantalon treillis, les rôles des méchants en keffieh sont tenus par de « vrais Arabes ». Comme ce fut le cas à la fin des années 90 avec les sociétés Internet (l’exubérance en moins), les spécialistes du capital-risque se pressent pour financer les projets de sociétés proposant des systèmes de contrôle d’accès, de surveillance vidéo, d’inspections de bagages ou des logiciels spécialisés. Des pépinières d’entreprises, où les anciens policiers et soldats sont légions, se montent dans tout le pays. Près de Washington, le « Chesapeake Innovation Center » assure être, avec vingt « start-up », « la première pépinière spécialisée dans la sécurité ». Dans une interview au magazine spécialisé Wired, Tom McMillen, fondateur de la société Fortress America, assure que « si un missile Stinger est tiré sur un avion dans ce pays et que le président ferme l’espace aérien, toute la Bourse plongera, mais pas les actions du secteur de la sécurité... » Michel MOUTOT (AFP)

Le téléphone de Randy Markey a commencé à sonner le 12 septembre 2001 au matin et ne s’est pas arrêté depuis. Pour ce fabricant de containers spéciaux pour bombes, virus et matériaux radioactifs, comme pour tout le secteur de la sécurité aux États-Unis, la destruction du World Trade Center a marqué le début d’un âge d’or dont personne n’entrevoit la fin.
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