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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - Robert Mariskin interprète Chopin à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) De polonaise en scherzo, une ballade romantique

Qui dit piano, dit Chopin. Un programme entièrement consacré à ses tourmentes, sa poésie, sa mélancolie, ses blessures, sa nostalgie, la transparence et la fluidité de ses notes ensorceleuses au clavier. De polonaise en scherzo, en passant par barcarolle, ballade et fantaisie, Robert Mariskin, champion des touches d’ivoire qui arrive en droite ligne de Moscou, a illustré avec éclat, à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ), dans une ballade sonore bien romantique, la formule Chopin à jamais… Chopin dans tous ses états et son inspiration vagabonde. Chopin dans ses grappes de notes incandescentes comme de la lave d’un volcan en éruption, Chopin rêveur au milieu des chromatismes évocateurs d’une rafale de vent balayant les feuilles mortes d’automne dans la profondeur des forêts de mélèze…Un pianiste et un compositeur se sont rencontrés pour le plus grand bonheur des mélomanes mordus du clavier. Présenté par le Conservatoire supérieur de musique en collaboration avec le Centre culturel russe au Liban, Robert Mariskin, costume sombre, la trentaine, svelte, les cheveux blonds et coupés «propre et net», a concocté un formidable programme exclusivement réservé aux partitions du pèlerin polonais. Alliant, en tout naturel, virtuosité, brio et bravoure. Chant d’une infinie beauté où dominent, dans un admirable clair-obscur, les atmosphères les plus éminemment romantiques. Chopin s’est largement inspiré des «polonaises» qui ouvraient le bal dans la haute société de Varsovie. De danse de cortège solennelle, mais tout en gardant le sens du rythme et le frémissement de la vie, elles deviennent sous sa plume créative et novatrice une fastueuse et troublante mélodie. Une mélodie qui serpente mystérieusement, vibrante de sentiments certes nationaux, mais surtout déchirée par la nostalgie et la tourmente de l’éloignement. Car Chopin, adulé professionnellement à Paris, n’en fut pas moins ce voyageur polonais souffrant d’être loin de sa terre natale. Une musique incantatoire pour un exil bien douloureux. Des quatorze polonaises, le public en applaudira trois seulement ce soir-là. Avec tous les droits de préséance qu’un pianiste haut de gamme leur doit… Somptueuse ouverture par conséquent avec la Polonaise en la majeur n°1 op 40. Populaire pour être l’une des plus célèbres et célébrées des «polonaises» qui ont fait, avec un succès absolu, le tour du monde, elle garde tout au long de son magnifique développement une sorte de fière allure martiale. Suit la Polonaise en do mineur n°1 op 26, moins enflammée, empreinte des variations de rythmes impétueux qui caractérisent toutes les «polonaises» mais distillant toujours, avec un art souverain et aristocratique, ces notes d’une singulière beauté envoûtante. En grandes vagues veloutées et sur fond de notes bleues se déploie la Barcarolle en Fa majeur op 60. Incroyable tendresse, où la fluidité et le soyeux des phrases enserrent délicieusement l’auditeur dans un écrin alangui de rythmes berceurs et de trouvailles harmoniques surprenantes. Un art consommé Tournoyantes comme une toupie folle sont les premières mesures de la Fantaisie impromptu en do op 66 qui offre des moments d’une agitation extrême, où angoisse et sérénité touchent à la fois à des accords bouillonnants et des chromatismes d’une finesse de délicate dentelle de Bruges… Obsessionnel et dramatique est ce Scherzo en si bémol mineur op 31. Entre ciel et terre se démène un archange emprisonné avec ces notes qui ont la douceur angélique d’une aile battant l’air ou le souffle démoniaque des forces obscures vrillant les pavés de l’enfer… Plus calme et littéralement lumineuse est la Ballade n°1 op 23. Promenade dans un univers enchanteur où les thèmes s’enchaînent et se mêlent subtilement. Narration d’un promeneur solitaire qui trie ses souvenirs et sait choisir ses mots et ses vocables. Sans émouvoir outre mesure et sans grandiloquence inutile, mais juste pour garder l’auditeur parfaitement éveillé et enchanté… Pour conclure, en beauté et apothéose, la Polonaise en la bémol majeur op 53. Submergeant la salle de ses accords tonitruants et de son flot torrentiel de notes, cet opus d’une puissance titanesque déferle comme une imparable lame de fond sur le public totalement tétanisé, médusé. Surtout cette main gauche qui martèle le clavier d’où surgit brusquement une mélodie divinement torturante qui prend à la gorge et aux tripes. Nul n’échappe à ces sortilèges qui aveuglent comme un éblouissant feu d’artifice! Applaudissements fournis d’un public totalement sous le charme d’un jeu absolument hypnotique. Un jeu où ne manquaient ni précision, ni sens des nuances, ni exaltation maîtrisée, ni virtuosité, ni brio, ni une suprême qualité de toucher du clavier. Pas d’affectation ou de coquetterie: un jeu accompli, doublé d’une parfaite technicité pianistique, coulait ici de source sûre. Sans sourire, le visage sans expression, presque imperturbable, Robert Mariskin fait la révérence à un public qui crie déjà, à partir des derniers gradins, bis, bis. Le bis est accordé mais pas celui qu’on croyait, une Mazurka par exemple…Divin, grave, doucement et tendrement rêveur, comme un monde touché par une grâce impalpable, parfaitement «cantabile» est ce mouvement lent d’une sonate de Mozart. Brusquement, après la tempête Chopin, la voix du génie de Salzbourg investit les lieux. Dans cette inexplicable magie d’alchimie musicale, les mots deviennent superflus! D’autorité, le silence se fait! Edgar DAVIDIAN PS: Robert Mariskin interprétera ce même programme demain samedi 29 avril à l’auditorium Hariri de l’Université de Balamand. Et ce soir, vendredi 28 avril, il donnera la réplique à l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de Walid Gholmieh, dans le Concerto n°21 pour piano et orchestre de Mozart à l’église Saint-Joseph de l’USJ.

Qui dit piano, dit Chopin. Un programme entièrement consacré à ses tourmentes, sa poésie, sa mélancolie, ses blessures, sa nostalgie, la transparence et la fluidité de ses notes ensorceleuses au clavier. De polonaise en scherzo, en passant par barcarolle, ballade et fantaisie, Robert Mariskin, champion des touches d’ivoire qui arrive en droite ligne de Moscou, a illustré...