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Actualités - OPINION

Une génération exilée

Je me présente : 23 ans. Je suis un enfant bâtard du Liban et je demande justice. Je suis un enfant perdu du Liban et je cherche mon chemin de retour. Y’a-t-il un guide pour me montrer le chemin? Je fais partie de cette génération E, comme je me plais à dire. La génération qui n’a connu que l’exil, qui vit dans l’exil et qui ne voit de futur que dans l’exil. Or l’exil est un état avilissant, dégradant et surtout autogénérateur. L’exil se nourrit de lui-même et une émigration mène à une autre. Mais je refuse l’humiliation. Je fais partie de cette génération qui est née dans une guerre provoquée par ses aînés. Ma génération ne fait plus partie du paysage libanais. Mes aînés si ! Ma génération fut punie par un éloignement forcé. Mes aînés non ! Beyrouth ne semble pas être le seul Phénix capable de renaître de ses cendres. Tous nos chefs de guerre, et Dieu sait que nous aimons être les chefs en toute circonstance, s’avèrent avoir cette capacité de renaître de leurs cendres, de se transformer et de se recycler, et les guérilleros deviennent des protecteurs d’un peuple opprimé qui, lui, reste étouffé par les cendres d’une guerre qu’il semble avoir vécue vaguement. En effet, notre mémoire semble évoluer au même rythme que les discours de chefs les mains jadis pleines de sang, le nôtre. Le pardon ? Bien sûr ! L’oubli ? Jamais ! Ma génération pardonne, mais elle réclame une place dans un futur qui tarde à se reconstruire. Comment puis-je croire en un futur dans un pays dont les chefs et les représentants sont ceux qui, hier encore, trouvaient un plaisir fou à le détruire, le violer et l’humilier ? Dans l’esprit duquel de ces derniers puis-je trouver un reflet de mes pensées, de mes doutes et surtout de mes aspirations ? Le siège de Baabda semble ainsi toujours alléchant pour les mêmes, ou est-ce ceux-là qui ont le monopole du leadership libanais ? De par leur zèle dans la guerre qui a fait mon malheur, je peux clairement concevoir l’idée qu’ils soient les plus aptes à mener à bien le Liban. Ce siège semble être un aimant à problèmes. La solution est simple, selon ma grand-mère qui a connu le Liban durant ses heures de gloire mais aussi durant ses heures les plus sombres : « Couvrons-le de piments forts, ce maudit siège, et que ces hommes assoiffés de pouvoir s’y collent s’ils sont capables… » J’accuse tous nos chefs et nos représentants actuels du malheur économique, social et politique des Libanais ; un malheur qui leur semble collé à la peau. J’accuse ceux-là mêmes de nous empêcher de voir la lueur du futur, tout en étant les fantômes terrifiants de notre obscur passé. J’accuse ma génération d’être trop laxiste, d’accepter de voter pour les mêmes, de dépendre des mêmes et ne pas comprendre qu’elle est responsable de son propre malheur qui ne peut que rester le même. J’accuse… Mais, en fin de compte, à quoi bon accuser. Nos représentants excellent dans cet art, celui de l’entre-accusation. Je t’accuse, tu m’accuses, mais la populace vit dans un vide total, et son trac l’use. Rabih MASROUHA
Je me présente : 23 ans. Je suis un enfant bâtard du Liban et je demande justice. Je suis un enfant perdu du Liban et je cherche mon chemin de retour. Y’a-t-il un guide pour me montrer le chemin?
Je fais partie de cette génération E, comme je me plais à dire. La génération qui n’a connu que l’exil, qui vit dans l’exil et qui ne voit de futur que dans l’exil. Or...