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« Nos actes nous suivent »

C’est le titre du dernier roman publié par Paul Bourget dans les années 1920-1930. Le grand écrivain s’inspirait de la sentence évangélique «On est puni par où l’on a péché» (un professeur jésuite disait à ses élèves de terminale que c’est une des constantes de l’histoire). Partant de là, force malheureusement est de constater les erreurs des vainqueurs du 14 Mars, erreurs dont les conséquences se répercutent jusqu’aujourd’hui. Au lendemain de ce jour béni, le monde entier – et les Libanais eux-mêmes – s’étonnait de l’événement: un peuple composite, divisé, humilié, s’était spontanément retrouvé uni, place de la Liberté, faisant litière de ses divergences pour, d’un seul cœur, se soulever contre l’oppression de l’étranger. La liberté, captive depuis des décennies, triomphait enfin. Mais les leaders, hélas, après une telle victoire, n’avaient pas totalement oublié leurs intérêts personnels. Et voici l’erreur qui fut le point de départ de la série de revers. La loi électorale 2000, loi scélérate qui avait produit un Parlement domestiqué capable de voter la funeste prorogation présidentielle, présentait néanmoins quelque avantage pour certains. Or le projet d’une nouvelle loi, acceptable, était déjà en discussion lorsque le crime du 14 février a tout laissé en plan. Il fallait le gagner de vitesse avant qu’il ne soit voté. Comment, se dirent-ils, justifier des élections hâtives sous l’empire de la loi 2000? C’est simple: on déclare que les puissances insistent pour que nous fassions des élections en mai, à l’échéance préalablement prévue, qu’il faut se dépêcher pour qu’un Parlement nouveau puisse débarrasser le pays des séquelles de la sujétion. Alors, faisons des élections en vitesse afin d’avoir sans tarder une Chambre vierge. On a donc fait hâtivement des élections en mai 2005, même sous l’empire de la loi 2000, et on a eu une Chambre avec la majorité de l’alliance du 14 Mars, mais une Chambre nullement vierge, puisqu’elle a pu produire les dégâts suivants: – réélire au perchoir le même Nabih Berry qui est depuis douze ans un organe majeur du système, lui faisant ainsi compléter seize ans de règne ininterrompu, chose inouïe dans les annales parlementaires mondiales; – contrer, des semaines durant, la formation d’un gouvernement homogène, réduisant le Premier ministre à subir, comme pis-aller, les deux diktats malencontreux de la miniroté Amal-Hez pro-syrienne, à savoir: 1 - négliger les excellents éléments chiites indépendants et compétents, et nommer cinq ministres affiliés à la Syrie; 2 – Se voir attribuer le ministère des Affaires étrangères, malgré le fait que le Hezbollah avait autrefois, parmi ses principes fondateurs, l’instauration future d’une république islamique (l’a-t-il abandonnée depuis, et quand?). Revenons à la clause de la 1559 stipulant le désarmement de tout élément en dehors des forces de l’État: la nouvelle majorité, par égard pour le Hezbollah, avait dit que cette question serait traitée ultérieurement par le dialogue avec ce parti. Mais un dialogue seulement pour ce problème, toutes les autres affaires demeurant du ressort exclusif du gouvernement. Or ne voilà-t-il pas que M. Berry, entrant inopinément en scène et sans aucun rapport avec ses attributions, annonce la convocation d’un comité dit «national» du dialogue pour traiter d’un tas de questions, préalablement à la reprise du cours habituel des affaires laissé en souffrance depuis dix-huit mois. Il a mis ainsi les ex-vainqueurs du 14 Mars dans une position embarrassante: s’ils ne donnent pas leur accord, ils seraient aussitôt accusés de refus de coopération. Conséquence: le pays se trouve, toutes affaires cessantes, pataugeant dans le lamentable scénario du dialogue, reporté de semaine en semaine. Les commerces du centre-ville sont pris en otage par les protagonistes de ce dialogue, lesquels, pour la sauvegarde de leur sainte sécurité, ont mis en place des mesures draconiennes décourageantes pour les consommateurs et la clientèle des magasins. Un côté encore plus intéressant pour M. Berry dans la convocation d’un tel dialogue voué à l’échec est que tout temps perdu pour le Liban est un temps gagné pour les adversaires de l’enquête sur l’assassinat de Hariri. Donc un avantage énorme pour ceux qui voudraient ramener le pays à une situation semblable à celle du temps de la tutelle. Les ex-vainqueurs du 14 Mars ont, là, matière à profonde réflexion. Les erreurs commises dans l’euphorie de la victoire ont leurs répercussions jusqu’aujourd’hui. Albert SARA
C’est le titre du dernier roman publié par Paul Bourget dans les années 1920-1930. Le grand écrivain s’inspirait de la sentence évangélique «On est puni par où l’on a péché» (un professeur jésuite disait à ses élèves de terminale que c’est une des constantes de l’histoire).
Partant de là, force malheureusement est de constater les erreurs des vainqueurs du 14...