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Le témoignage poignant d’Ahlam el-Mehdi, psychologue soudanaise Au Darfour, la vengeance par le viol

Originaire d’une tribu arabe du Darfour, Ahlam el-Mehdi est psychologue et travaille pour une organisation humanitaire qui s’occupe des femmes et enfants victimes de violences. « Je suis une “janjawid humanitaire”», dit-elle avec un sourire qui laisse toutefois deviner un trop-plein de tristesse. Ahlam est aussi la première femme à être entrée dans les camps militaires, tenus par les janjawids et des représentants du pouvoir central, où nombre de ses compatriotes africaines ont été violées, torturées et agressées. Un témoignage poignant. «Au Darfour, on ne demande plus combien d’agressions ont eu lieu, mais de quelle façon barbare elles ont été pratiquées. » Tel est le terrible constat dressé par la psychologue soudanaise sur le conflit qui ravage le Darfour et qui a fait plus de 300 000 morts et près de 2,4 millions de déplacés et réfugiés, selon les dernières estimations internationales. Ces agressions sont principalement commises par les janjawids, une milice arabe progouvernementale accusée de toutes sortes d’actes de barbarie contre les tribus africaines au Darfour. Dans le cadre d’un séminaire sur la grave crise humanitaire qui touche le Darfour, organisé à Beyrouth par l’Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme (CIHRS), l’Association libanaise pour la défense des droits et des libertés (ADDL) et l’Organisation palestinienne des droits de l’homme (PHRO), Ahlam a voulu parler au nom de toutes les femmes du Darfour et rapporter leurs histoires, toutes plus douloureuses les unes que les autres. « Imaginez cette scène, raconte-t-elle. Trois femmes, toutes des quinquagénaires, vont à dos d’âne chercher du bois pour réchauffer leurs foyers. À mi-chemin, elles se font arrêter par un groupe d’adolescents, le plus jeune a tout juste 14 ans, le plus âgé n’a même pas atteint ses 18 ans. Ces enfants-hommes les torturent violemment et les agressent sexuellement. Pire encore, ils les excisent afin qu’elles portent à jamais la trace de leur barbarie sur leur corps. Ensuite, ils les relâchent et leur ordonnent de rentrer chez elles pour porter l’humiliation qu’elles ont subie jusqu’à leurs familles. Imaginez seulement l’ampleur des atrocités commises au Darfour », dit Ahlam d’une voix chargée d’amertume. Malgré l’émotion, elle ne prend pas de pause et poursuit son témoignage. « Imaginez ceci maintenant : une jeune femme est violée dans un des camps militaires alors qu’elle est dans son neuvième mois de grossesse. Une fois l’agression terminée, elle accouche de son bébé mort-né… Il n’y a pas de limites à l’horreur dont je suis témoin dans mon pays », lâche-t-elle. Selon Ahlam, qui vit au quotidien le malheur des femmes violées, le conflit touche profondément les familles et les déchire trop souvent. « Les viols au Darfour ne sont pas commis dans un but du plaisir sexuel, mais par pure vengeance. Ces barbares agressent les femmes pour humilier leurs maris, leurs familles et leurs tribus. Ils violent le Darfour à travers elles. » Ahlam explique que la plupart des femmes violentées qu’elle soigne souffrent, en outre, de problèmes psychologiques majeurs. « Ces femmes sont aussi agressées moralement par leurs maris qui les perçoivent comme “les restes des janjawids”. Comme si elles n’avaient pas assez souffert, elles se sentent alors coupables, inférieures et indignes de leurs familles, raconte Ahlam. Le viol est une pratique récente au Darfour, où tout le monde connaît pratiquement tout le monde. Je suis convaincue que les agresseurs ne sont pas tous des locaux. On parle aussi de groupes étrangers, venant du Tchad ou du Mali ou d’autres pays, qui s’infiltrent chez nous et qui se mêlent du conflit », poursuit-elle. Pour Ahlam et d’autres travailleurs sociaux du Darfour, ce conflit n’a rien d’ethnique. « Ce n’est pas une guerre entre Arabes et Africains, la preuve est que je suis moi-même Soudanaise arabe aidant des Africains. Ce conflit est de nature politico-économique, pas plus, assure-t-elle. La question n’est pas de savoir comment tout cela a commencé mais que peut-on faire pour ces gens-là et comment aider avec si peu de ressources », conclut-elle sur un ton déterminé. Rania MASSOUD

Originaire d’une tribu arabe du Darfour, Ahlam el-Mehdi est psychologue et travaille pour une organisation humanitaire qui s’occupe des femmes et enfants victimes de violences. « Je suis une “janjawid humanitaire”», dit-elle avec un sourire qui laisse toutefois deviner un trop-plein de tristesse. Ahlam est aussi la première femme à être entrée dans les camps militaires, tenus par...