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Actualités - OPINION

L’option du meilleur, la plus raisonnable

Un chantier de trois petites années s’ouvre à nous. Le temps passe très vite et il n’y a pas une minute à perdre. Voilà le défi formidable qui s’offre à notre jeunesse et voilà le seul but de ces quelques lignes : lui rappeler que tout est possible. Le meilleur et le pire, et que choisir le meilleur, en fin de compte, reste l’option la plus raisonnable. Et alors, comment reconnaître la bonne option ? Comment, enserrés dans tous les carcans de notre folklore, deviner la bonne direction ? Une piste : regardez tout ce que vos pères ont fait et faites le contraire ! Vous pouvez difficilement vous tromper. Ils ont instauré un système de partage du gâteau basé sur les féodalités confessionnelles ? Changez de registre, essayez : « The right man, at the right place, at the right time ». Vous verrez, c’est magique. Je vous préviens, avoir un ministre qui connaît ses dossiers va vous surprendre. Mais rassurez-vous, on s’habitue très vite. Ils vous ont fait le coup de « nous sommes trop différents pour vivre ensemble » ? Envoyez-les balader. Dites-leur que vous ne voulez plus écouter leurs discours nauséabonds. Dites-leur qu’il n’y a rien au monde qui ressemble plus à un Libanais qu’un autre Libanais, que vous le savez maintenant, que vous avez payé pour le savoir. Et vu le prix que vous avez payé, ils feraient mieux d’aller raconter leurs salades ailleurs. Ils vous ont sorti la tirade de « la guerre était inéluctable » ? Faites-leur un gros bras d’honneur ! Vous le savez, maintenant, le pourquoi de cette guerre. Vous en avez cerné les tenants et aboutissants. Vous le savez, vous y étiez, qu’ils ont tiré au 155 mm à bout portant, juste pour savoir qui va porter la culotte ! Vous le savez, maintenant, que quand ils ne pouvaient pas tirer, ils le faisaient faire par d’autres. Des sous-traitants pas du tout désintéressés et qui ont fini par rafler la mise. Ils vous ont servi le couplet sur la France, notre tendre mère, et sur nos frères, les Arabes ? Tournez vite les talons et n’y prêtez aucune attention, c’est du vent ! Rien de bon n’est jamais venu des Arabes, et si la marche du monde nous semble aujourd’hui favorable, personne, mais vraiment personne, ne fera le boulot à notre place. Mémoire et justice. Vaste programme, comme le disait un grand Français dont le portrait orne encore quelques salons décrépis. Peut-être pas à notre portée immédiate, je le crains. Parce que les implications sont trop nombreuses, parce que les compromissions sont institutionnalisées et les culpabilités profondément ancrées. Parce que, pour paraphraser je ne sais plus qui, il est encore fécond, le ventre d’où a surgi la bête immonde. Parce que les clientèles sont toujours là, en nombre, plus imbéciles que jamais. Parce que les partisans à œillères sont légion, qui n’ont pas oublié de réfléchir, puisqu’ils n’ont jamais su le faire. Ils n’ont jamais eu à le faire non plus : on s’occupe de tout. Sus à l’ennemi, d’où qu’il vienne ! Car enfin, pourquoi le 14 Mars s’est-il révélé être un tonitruant échec ? Tout simplement parce qu’il était axé sur une revendication unique, le retrait syrien, revendication quasi alimentaire, qui ne peut constituer en soi un programme, même s’il ouvre, en théorie, un champ politique énorme. Les manifestants du 14 Mars avaient-ils conscience, de par leur jeune âge, du fait qu’ils arboraient tous les symboles, tous les portraits et toute la rhétorique qui ont mené au déchirement et à l’occupation ? Cette occupation qu’ils sont venus combattre à la veille de ce qui aurait pu devenir un printemps ? Et les moins jeunes, qu’ont-ils fait de leur mémoire ? Comment ont-ils pu nous resservir le même boy’s band à vingt ou trente ans d’intervalle ? Mystère. Mémoire et justice. C’est sans doute là la partie la plus difficile du chantier. La partie pour laquelle nous sommes le moins armés. Parce qu’elle implique, de facto, la disparition de la féodalité. Parce qu’elle voudrait, dans sa logique, nous faire cesser de donner du « khawéja », ou du « cheikh », ou du « beik » à des types qui relèvent du droit commun. Et puisqu’on a parlé de balkanisation, au Liban, pour ensuite parler de libanisation dans les Balkans, ce qui dénote une sacrée richesse de langage, au passage, allons-y, poussons la comparaison jusqu’au bout. Ils ont eu leurs crimes de guerre ? Eh bien, nous aussi. Ils ont eu leurs mini-génocides ? Eh bien, nous aussi. Ils ont déplacé des populations entières pour faire du nettoyage ethnique ? Eh bien, nous aussi. Ils ont eu un tribunal spécial pour attraper tous les voyous ? Ah non, pas nous. Et pourquoi donc ? Nous le voulons, ce bidule, pour attraper, nous aussi, nos voyous et les jeter en prison. Cette tâche est trop lourde pour nous, nous voulons nous faire aider ! Envoyez-nous une Carla Del Ponte qui ferait trembler notre Parlement et notre Conseil des ministres ! Envoyez-la nous, histoire de perturber le sommeil de notre cher président ! Venez, Madame, pour la Yougoslavie, ça roule tout seul, maintenant. Laissez tomber le ficus de votre bureau et venez nous aider, quelqu’un l’arrosera pour vous. Venez, notre pays est magnifique, il vaut le détour, il ne ressemble en rien à ce que vous en avez vu, venez ! On vous fera la tournée des popotes avec notre tapis volant, on vous envoûtera avec nos bruits et parfums d’Orient, venez ! On vous accusera d’ingérence ? La belle affaire ! Venez ingérer chez nous à votre guise. On vous reprochera de violer une hypothétique souveraineté ? Ce peuple en a besoin, justement, de cette souveraineté inexistante et qui n’existera jamais sans l’accomplissement de la justice. Un mandat officiel ? Vous voulez un mandat officiel ? C’est indispensable ? Tenez, nous vous le donnons, nous qui n’avons rien d’autre à donner. Prenez notre confiance, souvent trahie, prenez nos espoirs, souvent déçus. Prenez cette vague idée que nous nous faisons de l’avenir et débarrassez-la de cette horde de parasites. Venez les prendre, les assassins, tous les assassins, de tous les coins du pays. Prévoyez un peu de temps pour ceux de la montagne, de la côte et de la plaine, des quartiers chics et des quartiers populaires, les tueurs institutionnels et ceux du dimanche. Nous vous organiserons le happening du siècle. La méga catharsis grande cuvée. Un grand tribunal mondain, champagne et petits fours. Nous nous confesserons, nous nous lancerons dans des autocritiques en version intégrale, nous reconnaîtrons nos errements coupables et nos égarements meurtriers. Nous réussirons même à nous rendre attendrissants, avec nos accents de sincérité premier prix du conservatoire. Vous aurez droit à nos envolées lyriques toutes orientales sur le bien et le mal, les bons et les mauvais, les gentils et les méchants. Ne vous y fiez pas et tranchez dans le tas ! Ne vous laissez pas berner par les salamalecs, ne vous laissez pas amadouer par ces yeux de biche à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession. Faites tomber des têtes ! Garnissez les geôles, rendez-les pleines à craquer, débarrassez-nous de cette caste qui nous assassine, nous étouffe et nous pille. Sacha ABOUKHALIL France
Un chantier de trois petites années s’ouvre à nous. Le temps passe très vite et il n’y a pas une minute à perdre. Voilà le défi formidable qui s’offre à notre jeunesse et voilà le seul but de ces quelques lignes : lui rappeler que tout est possible. Le meilleur et le pire, et que choisir le meilleur, en fin de compte, reste l’option la plus raisonnable.
Et alors,...