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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - Ses peintures et dessins ((1990-2005) sont à la Planète de la découverte jusqu’au 1er avril Autopsie d’une société, par Marwan Sahmarani

La carte est douce, presque abstraite, comme une tendre invitation à venir découvrir «quelque chose d’ordinaire». Ne vous y méprenez pas, l’exposition des œuvres de Marwan Sahmarani, la première de ce peintre au Liban, qui est également une rétrospective de son travail, est une importante expérience visuelle et émotionnelle, un coup de poing au confort rassurant dans lequel baigne le paysage artistique libanais. Il fallait, pour monter une exposition de cette envergure et avec cette audace, un lieu aussi vaste que celui de la Planète de la découverte et un espace ouvert à toutes les possibilités. Il fallait également un galeriste inspiré, fou, diront certains, que rien n’arrête. Fadi Mogabgab, qui a repéré l’artiste depuis des années, attendait ce moment et une telle rencontre pour créer un événement qui fera certainement de nombreux remous. Il fallait enfin, last but not least, un peintre prolifique, sincère, libre, pour qui l’art est une éternelle réflexion, un choix de vie, un tout ou rien, une quête quotidienne sans fin. À trente-cinq ans, l’inattendu et surprenant Marwan Sahmarani offre aux Libanais l’étendue de son talent et de sa maîtrise technique dans cette première exposition qui est déjà une rétrospective. Un parcours à suivre Le résultat de quinze ans de peintures et dessins est exposé à la Planète de la découverte jusqu’au 1er avril. Quinze ans de recherches sur soi, sur la peinture, après un diplôme décroché de l’École supérieure d’art graphique Pennighen et des années d’illustration, d’animation et autres exercices de style. L’artiste va s’arrêter durant une longue période, une interruption qui ressemblera à une rupture amoureuse avec la peinture. «Je n’y croyais plus. C’est comme si j’avais été trompé», dira-t-il. Plus tard, sa passion le rattrapera. «La peinture a cogné à ma porte et j’ai repris. De 2001 à 2006, je me suis peu à peu débarrassé de toutes mes références et je me suis laissé prendre par la lumière du Liban et par une certaine réalité que j’ai vidée, n’en retenant que l’essentiel.» Des nus triturés, à peine esquissés, réduits à des lignes, des corps existentiels, des bâtiments éventrés, des scènes de vie, politiques ou quotidiennes, cruelles, satiriques ou exaltées se dégageront de cette réalité emportée avec lui à Montréal. «J’avais accumulé de nombreuses coupures de presse, des photos à partir desquelles j’ai beaucoup travaillé.» Le résultat est là, 246 pièces livrées aux yeux des visiteurs. Une expérience particulière L’accrochage, sans doute difficile, vu la richesse de l’œuvre de Sahmarani, ressemble à une initiation, une lente plongée dans l’univers de plus en plus dégagé et sans aucun compromis de l’artiste. D’une période à l’autre et d’une technique à l’autre, pastels, huiles, acryliques, il se met à nu, décrivant le monde, la guerre, notre société avec un courage et un cynisme qui ressemblent à de la cruauté. Au début timide, sa peinture va visiblement se libérer de toutes ses contraintes, au risque de provoquer, et ce fut le cas, des réactions inattendues. Ses études, recherches, regard sur un corps abandonné à son crayon, ses «no-bodys» sans visages ni identités s’accouplent, s’offrent ou se cachent. Puis, au fil des peintures, ils se mettent à raconter des histoires. Récits de résistance, de guerre, ces acteurs d’une histoire qui continue à s’écrire, lanceur de pierres, politiciens, vierge musulmane et milicien, quittent le noir qui les entoure et une représentation de plus en plus lisse, pour aborder des couleurs et des formes de plus en plus violentes. Les corps sont emportés dans l’ivresse d’un inconscient chargé, les lieux se désintègrent. Nos politiciens, ironiquement baptisés «portraits de famille», la Corniche, le Saint-Georges et surtout Beyrouth ne seront plus jamais regardés de la même façon après cette exposition… Pas de censure «Mon seul message, c’est la peinture.» Difficile, pourtant, de ne pas voir dans toutes ces pièces une satire humaine, sociale, sexuelle ou politique. Le duo Sahmarani-Mogabgab a tenu à «tout montrer», sans aucune censure, tant dans le fond que dans la forme. Pour preuve, ce rideau rouge derrière lequel se cachent celles par qui le scandale arrive. Trois toiles décrivant la femme dans toute la beauté de son impudeur. On peut aimer ou détester, sortir de cette pièce et de l’exposition choqué ou totalement bouleversé, le travail de Marwan Sahmarani va certainement bousculer les repères visuels et culturels des Libanais… Le jeune homme n’a pas fini de faire parler de lui. Une exposition à ne pas rater. Carla HENOUD
La carte est douce, presque abstraite, comme une tendre invitation à venir découvrir «quelque chose d’ordinaire». Ne vous y méprenez pas, l’exposition des œuvres de Marwan Sahmarani, la première de ce peintre au Liban, qui est également une rétrospective de son travail, est une importante expérience visuelle et émotionnelle, un coup de poing au confort rassurant dans...