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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE «Dada» à Washington, ou les « mauvais garçons » de l’art moderne en 450 œuvres

WASHINGTON- Irène MOSALLI «Dada, lui, ne sent rien, il n’est rien, rien, rien Il est comme vos espoirs : rien Comme vos paradis : rien Comme vos idoles : rien Comme vos hommes politiques : rien Comme vos héros : rien Comme vos artistes : rien Comme vos religions : rien. » Et pourtant, cette déclaration nihiliste signée Francis Picabia a généré une vaste créativité qui a rayonné à partir de six grandes capitales et qui a fait date. Et même si son nom, dada, ne rime à rien, même s’il n’a vécu qu’une demi-douzaine d’années, ce mouvement a été loin de laisser indifférents public et spécialistes. Aujourd’hui, la National Gallery of Art, à Washington, le revisite à travers une exposition donnant à voir 450 œuvres de cette veine, dues à une cinquantaine d’artistes. L’exposition est divisée en six parties, couvrant chacune l’une des villes où a fleuri le dadaïsme. Il s’agit de Zurich, Berlin, Cologne, Hanovre, New York et Paris. Leur dénominateur commun est l’expression de la révolte contre la Première Guerre mondiale, ses horreurs et ses absurdités. Et cela sur le mode de la provocation, de la satire, de l’humour et du saugrenu. De Zurich à New York, via Paris et Berlin Du côté de Zurich, on retrouve l’Alsacien Hans Arp, qui transformait une toile en une grille faite de carrés gris et réalisait des compositions au gré du hasard, laissant tomber sur le canevas des bouts de papiers qu’il collait là où ils atterrissaient. Sa compagne, la Suissesse Sophie Tauber, est l’auteure des premières sculptures abstraites annonciatrices du minimalisme qui sera célèbre cinquante ans plus tard aux États-Unis. Toujours à partir de Zurich, Tzara tentait d’internationaliser dada. À Hanovre, Kurt Schwitters avait recouvert l’intérieur de sa maison avec un mélange informe de plâtre, de bois et diverses autres matières. Une réplique de cette installation trône dans l’espace consacré à cette ville allemande et elle diffuse un poème psalmodié par l’artiste lui-même. C’est là un spécimen de l’art sonore lancé par le groupe présenté dans cette exposition. Les collages politiquement agressifs sont la spécialité des dadaïstes berlinois John Heartfield et Raoul Hausmann qui, pour dire leur dégoût, mettent en pièce les leaders tels qu’ils apparaissent dans la presse. Les collages de leur collègue Hannah Höch, féministes à souhait, ridiculisent les clichés collant à la peau du sexe dit faible. À Cologne, Max Ernst, lui, utilise en guise de pinceaux les images, les textes et la publicité empruntés aux journaux et qui ciblent l’homme nouveau. Francis Picabia, Marcel Duchamp et Man Ray donnent libre cours à leur inspiration extravagante à Paris et surtout à New York. Là, ils se plaisent à parfaire ce qu’ils appellent le « prêt-fabriqué », parfaitement illustré par L’Urinoir-Fontaine de Duchamp. Pour l’artiste, cette technique, si l’on peut dire, consiste à aller acheter ce qu’il trouve sur les rayons des magasins et à les présenter comme œuvres d’art. C’est en faisant ce genre d’emplettes que Duchamp a opté pour une « création » devenue légendaire par son label provocateur et subversif : tout bonnement un urinoir en porcelaine qu’il a baptisé L’Urinoir-Fontaine. Rien n’était assez fort pour les dadaïstes, surnommés « les mauvais garçons» du début du XXe siècle, quand il fallait dénoncer la dépravation et les bas instincts de l’être humain. À cette époque aussi, le photographe américain Edward Steichen avait confié à un ami: « Dada est le dernier mot moderniste aussi vide et insipide qu’une diplomatie internationale. Mais contrairement à cette dernière, il est l’expression directe et franche du mépris et de l’outrage.»
WASHINGTON- Irène MOSALLI
«Dada, lui, ne sent rien, il n’est rien, rien, rien
Il est comme vos espoirs : rien
Comme vos paradis : rien
Comme vos idoles : rien
Comme vos hommes politiques : rien
Comme vos héros : rien
Comme vos artistes : rien
Comme vos religions : rien. »
Et pourtant, cette déclaration nihiliste signée Francis Picabia a généré une vaste...