CIMAISES Le dialogue artistique-amoureux Dora Maar - Pablo Picasso exposé à Paris

Le dialogue artistique-amoureux entre Dora Maar, photographe, et Pablo Picasso est au centre de l’exposition exceptionnelle consacrée par le Musée Picasso de Paris à la décennie troublée 1935-1945 vécue par le peintre. En 1935, à 53 ans, Picasso cesse de peindre. Il vient de quitter sa femme Olga, a une liaison avec Marie-Thérèse qui lui a donné une fille, Maya, et rencontre Dora Maar, 28 ans, splendide égérie du mouvement surréaliste, formée à la photographie par Brassaï et Man Ray. Cette importante exposition est consacrée à l’œuvre de Picasso pour la période allant de la Guerre d’Espagne à la Libération. Durant cette décennie décisive, les grandes peintures (Guernica, L’Aubade ou Le Charnier) manifestent avec force le rôle d’«objecteur» puis de «résistant» incarné alors par Picasso. Cependant, son œuvre des années 1935-1945, interdite d’exposition durant l’Occupation et dont seul le Salon d’automne de 1944 rendit compte, reste en grande partie à découvrir. Dora Maar, la compagne et amie de Picasso entre 1935 et 1945, a consigné la chronique de cette tragique période dans de nombreux reportages photographiques. Artiste engagée, membre du groupe surréaliste, Dora Maar fut aussi le modèle et l’inspiratrice des riches ensembles de portraits ou d’effigies, de femmes qui pleurent ou de suppliants, de femmes assises ou au chapeau, de chimères, sphinges et créatures mythologiques qui peuplent l’œuvre de Picasso. Ce dialogue créatif du peintre et de la photographe «encline aux éclats et aux orages» constitue pour l’exposition un guide chronologique et thématique mettant en lumière les révolutions plastiques de l’art «picassien» et les événements marquants du moment. Une maîtresse modèle Dora Maar, femme engagée et indépendante, est bien plus qu’une maîtresse. Elle inspire Picasso et le pousse à renouer avec l’avant-garde. Par-delà leur passion, un dialogue d’artistes se noue entre eux, dont témoignent des gravures de Picasso qui font écho aux photomontages de Dora Maar. Elle initie Picasso à la photographie et ils réalisent à quatre mains des « photogravures » qui constituent l’une des révélations de l’exposition. Elle réalise ainsi le premier reportage de l’histoire de la peinture sur une œuvre en cours d’exécution, Guernica (1937), dont une centaine de clichés sont exposés. Ce reportage voisine avec la série de la Femme qui pleure, où le visage de Dora Maar exprime la souffrance de l’Espagne martyrisée par le fascisme. Venant de Madrid, Bâle, Londres, Melbourne et Paris, c’est une occasion rare, peut-être unique, de voir tous ces tableaux côte à côte. Le Charnier (1945), écho des camps nazis, que le MOMA de New York a exceptionnellement prêté, clôt le parcours sur ces années tragiques. Plus de 350 œuvres sont exposées, en majorité toiles, sculptures, dessins du maître et photographies de Dora Maar, l’amante séduite puis abandonnée à la fin de la guerre. Elle vivra ensuite, pendant 50 ans, recluse et frôlant la folie, dans son appartement parisien. Anne Baldassari, commissaire de l’exposition et directrice du musée, sera la première à découvrir en 1997, à la mort de la vieille dame de 90 ans, ses trésors, recouverts de la poussière du temps: dessins, photos, peintures et souvenirs, comme l’exemplaire de l’Humanité annonçant le 5 octobre 1944 l’adhésion de Pablo Picasso au Parti communiste français. Lors de la succession de Dora Maar, 450 œuvres et objets divers, témoignant de leur intense vie commune, entrent au Musée Picasso. Ils sont réunis dans cette exposition avec les œuvres du maître venant des grands musées internationaux et des collections privées des enfants et petits-enfants de Picasso. Jusqu’au 22 mai. L’exposition ira ensuite à Melbourne, à la National Gallery of Victoria, du 29 juin au 8 octobre. M.G.H.