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Actualités - OPINION

COMMENTAIRE La dépression vaincue par la méditation

Par J. M. G. Williams* La dépression affecte une personne sur quatre à un moment ou un autre de sa vie. C’est une souffrance psychologique prolongée dans laquelle la tristesse, sentiment normal, se transforme en un état de désespoir profond, d’apathie, d’absence de motivation et de fatigue. Mais pour aussi bien qu’elle soit définie, la dépression se vit différemment d’un individu à l’autre, allant d’un état dépressif naissant à la dépression majeure. Un début de dépression se traduit par le fait de ruminer sur les aspects négatifs de soi-même et des autres, d’être plein de ressentiment, d’être irritable ou coléreux la plus grande partie du temps, d’éprouver de la commisération à son propre égard et avoir besoin d’être rassuré par autrui. Elle peut aussi se traduire par des plaintes quant à des douleurs physiques qui ne reposent sur aucune maladie somatique. Quand la dépression s’aggrave, un sentiment d’extrême tristesse et de désespoir se combine avec un manque d’estime à l’égard de soi, un sentiment de culpabilité, des pertes de mémoire et des difficultés de concentration, ce qui donne naissance à une véritable souffrance psychologique. Des perturbations physiologiques peuvent encore aggraver la situation. Le rythme de la vie quotidienne est perturbé par un manque ou un excès de sommeil, une perte d’appétit ou au contraire des accès de boulimie. L’intérêt pour des activités qui autrefois suscitaient l’enthousiasme disparaît. Et parfois même s’installe le sentiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue et que la mort est préférable. Le plus souvent, ce sont les médecins généralistes qui traitent les dépressions majeures, essentiellement en prescrivant des antidépresseurs, ce qui constitue une réponse à la fois simple et bon marché à l’état de leur patient. Mais au bout de l’épisode dépressif, le traitement s’arrête et plus de 50 % des patients qui donnaient l’impression d’avoir entièrement récupéré rechutent après une première dépression. Après un deuxième ou un troisième épisode dépressif, la probabilité de rechute est de 80 à 90 %. Le taux de rechute est particulièrement élevé quand le sujet connaît un premier épisode dépressif alors qu’il est encore jeune (moins de 20 ans). De même, des idées suicidaires risquent d’être réactivées en cas d’épisode dépressif. Le recours aux antidépresseurs comme principale méthode pour prévenir la rechute fait que beaucoup de patients veulent continuer le traitement pour une période indéfinie pour éviter de retomber dans la dépression. Trouver de nouvelles méthodes pour éviter la rechute suppose de comprendre pourquoi elle se produit. Lors d’une période de crise (dépression et idée de suicide), les différents symptômes paraissent liés (humeur négative, douleur physique, tendances suicidaires, etc.). Cela signifie que le retour à une humeur négative tend à déclencher, pour une raison encore mal comprise, l’apparition de tous les autres symptômes – un processus appelé la « réactivité cognitive ». La découverte que le lien entre humeur négative et pensées négatives peut être activé même lorsqu’un sujet se sent bien est de toute première importance. On peut éviter la rechute en empêchant un déséquilibre modéré d’échapper à tout contrôle. La recherche a montré que l’on peut y parvenir par la combinaison de la méditation, une pratique très ancienne, et des psychothérapies modernes. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience ou MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), fondée sur le programme de réduction du stress de Jon Kabat Zinn, du Centre médical de l’Université du Massachusetts, allie la thérapie cognitive comportementaliste à la méditation pour permettre au sujet d’être davantage conscient du moment présent et des modifications qui interviennent à chaque instant dans son corps et dans son esprit (pour en savoir plus, consulter le site www.mbct.co.uk). Lors de classes hebdomadaires (l’atmosphère est davantage celle d’une classe que d’un groupe de thérapie) et en écoutant des K7 ou des CD au cours de la semaine, les participants apprennent à pratiquer la méditation en pleine conscience (Mindfulness Meditation). Les classes comportent aussi une éducation de base sur les états d’humeur et plusieurs exercices de thérapie cognitive qui mettent en évidence le lien entre la pensée et les émotions et la meilleure façon pour les participants de prendre soin d’eux-mêmes lorsqu’une crise menace de les faire sombrer. La MBCT permet aux participants de prendre davantage conscience de leur état d’esprit et d’apprendre à reconnaître les signes annonciateurs d’une rechute. Elle les aide à rompre le lien entre humeur négative et pensées négatives. Les participants développent leur capacité à accepter les variations de leur humeur, à laisser aller et venir pensées et sensations, même très négatives, sans intervenir. Ils réalisent qu’ils peuvent rester en contact avec le présent sans avoir à ruminer le passé ou à s’inquiéter du futur. Ils apprennent à mieux vivre le moment présent, à prendre davantage de plaisir aux bonnes choses auxquelles souvent on ne prête pas attention et que l’on n’apprécie pas, tout en faisant mieux face aux difficultés réelles ou imaginaires qu’ils rencontrent. Deux essais cliniques sous contrôle ont démontré que la MBCT peut réduire la probabilité de rechute de 40 à 50 % pour les sujets qui ont déjà eu trois épisodes dépressifs ou davantage. C’est pourquoi elle figure maintenant dans les directives du gouvernement britannique concernant le traitement des dépressions majeures avec rechute. Mais cela suppose de redéfinir le traitement lui-même. Alors que nous comprenons de mieux en mieux la dépression et que nous constatons que c’est un problème récurrent, notre attention se déplace du traitement à la prévention. Il est maintenant établi que les méthodes basées sur la pleine conscience vont jouer un rôle décisif dans cette voie. * J. M. G. Williams est professeur de psychologie clinique à l’Université d’Oxford. Il a écrit plusieurs livres dont Cry of Pain : Understanding Suicide and Self Harm et Mindfulness-Based Cognitive Therapy for Depression : A New Approach To Preventing Relapse (en collaboration avec Zindel Segal et John Teasdale). © Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz.
Par J. M. G. Williams*

La dépression affecte une personne sur quatre à un moment ou un autre de sa vie. C’est une souffrance psychologique prolongée dans laquelle la tristesse, sentiment normal, se transforme en un état de désespoir profond, d’apathie, d’absence de motivation et de fatigue. Mais pour aussi bien qu’elle soit définie, la dépression se vit différemment...