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Actualités - OPINION

Voyage d’un naïf au cœur de l’espoir

D’après plusieurs maîtres menuisiers du pays, il semblerait que les tables rondes du dialogue seraient bientôt finies (en attendant, ils bichonnent et lustrent leur chef-d’œuvre, mus par le fol espoir que le printemps y fasse peut-être éclore sur les bords quelques chétifs bourgeons de politiciens ?) Nos politiciens se seraient-ils enfin convertis à la dialectique ? Exit donc les monologues à deux, les longues tirades soporifiques, le doux vertige d’un déluge de paroles sur un désert d’esprit ? La mélodie grisante des orgues de Staline. Retour à la réalité et, pour une fois, trêve de discours académiques et pédants. Ceci est un cri du cœur, spontané et sincère, et pour cela je vous épargnerai l’usage d’un dictionnaire. L’initiative du dialogue, quoique louable, n’est-elle pas un petit peu en retard ? De vingt ans, disons ? Ou même le double, tiens ! Ces messieurs, qui aujourd’hui veulent dialoguer, n’auraient-ils pas pu le faire il y a longtemps ? « On tire et on pose des questions après » : parfaite mentalité de cow-boy… L’avantage des guerres civiles, c’est qu’on peut rentrer manger à la maison. Cette guerre était sale, cette guerre a tué : des hommes et des femmes, des gosses et des innocents, trop d’innocents. Cette guerre était inutile, comme toutes les guerres d’ailleurs. Ce qu’il faut avant tout, c’est parler pour extérioriser, parler pour comprendre et parler pour cicatriser. Un travail de mémoire est nécessaire, urgent. À quoi servirait-il d’avoir pleins d’entreprises et d’hôtels qui fonctionneraient avec un personnel en mal d’être, frustre et schizophrène ? Comment parler d’un futur ensemble si l’on ne sait toujours pas pourquoi on s’est tapé dessus dans le passé ? Racisme ? Ethnocentrisme ? Conflits d’intérêts ? Simple goût pour la violence ? Ingérences étrangères ? Rien de tout cela ? Tout à la fois ? C’est de cela qu’il faut parler, messieurs, parce que Taëf l’autruche a tort. Le slogan « ni vainqueur, ni vaincu » ne vaut rien. Ici, nous avons tous perdu : un parent, un enfant, une femme, un mari, un bras, un pied, une maison, une voiture. Mais plus que tout, notre pureté, notre innocence et nos idéaux. Bref, notre humanité. Phénomène étrange, presque divin, tel le Phénix, l’identité libanaise et la volonté de vivre en commun renaissent de leurs cendres. Un dialogue entre élites, semblable à celui du Pacte de 1943, n’est pas suffisant. Même les manifestations populaires mixtes ne sont pas suffisantes. Tout en me réjouissant au plus haut point de toutes ces initiatives, il est un point qui me paraît essentiel et qui concrétisera réellement la volonté de tous les Libanais qui ont marché ensemble, côte à côte, durant toutes ces manifestations pour la liberté. Ce qu’il faut, c’est que les différentes communautés soient enfin laissées libres de se mélanger, de s’aimer et de se fondre dans une nouvelle identité. Que les familles de différentes communautés se mélangent et réalisent qu’elles ont tellement de choses en commun. Une identité laïque, une identité civique de citoyens libanais, unis devant l’État : telle devrait être la priorité pour un nouveau Liban. Il n’y a pas que les armes du Hezbollah. Instaurez le mariage civil, messieurs les politiciens, messieurs du clergé et joignez enfin le concret à vos si belles paroles qui nous font encore rêver. Laissez-nous, jeunes Libanais, l’espoir qu’on pourra encore s’aimer. Et si vous voulez encore parler d’armes, je dégainerai mon cœur. Émile ISSA Étudiant en sciences politiques, AUB
D’après plusieurs maîtres menuisiers du pays, il semblerait que les tables rondes du dialogue seraient bientôt finies (en attendant, ils bichonnent et lustrent leur chef-d’œuvre, mus par le fol espoir que le printemps y fasse peut-être éclore sur les bords quelques chétifs bourgeons de politiciens ?)
Nos politiciens se seraient-ils enfin convertis à la dialectique ? Exit...